Quand le regard évolue
L'inspecteur Harry, Don Siegel, 1971, USA et Magnum Force, Ted Post, 1973, USA.
L'inspecteur Harry, Don Siegel, 1971, USA et Magnum Force, Ted Post, 1973, USA.
L'inspecteur Harry est un grand farceur. Il aime passer pour l'ordure du commissariat. Il accepte volontiers de faire croire à ses collègues qu'il est raciste, misogyne, et tout un tas de truc pas net. Il aime faire peur à ses coéquipiers en leur prédisant une mort proche et certaine. Quand il tient en joue un criminel, il se permet même le luxe de s'amuser avec ses nerfs en lui faisant deviner le nombre de balles lui restant dans son revolver et en appuyant sur la gâchette pour prouver le tort ou la raison au gredin. Bref, Harry a un sens de l'humour et une façon d'être en société qui poussent à mal interpréter son caractère de solitaire qui ne fait aucune concession.
Des critiques n'ont pas compris cela à l'époque de la sortie. Je n'ai pas vérifié qui exactement ; je me suis basé sur la réputation sulfureuse de Dirty Harry premier du nom, réputation qui me fût rapportée par un de ces potes que l'on a tous, un de ces neuneus qui surgit en criant "Mais attendez ! Ce film est un film de fachos !" et qui, après avoir vu la pelloche n'a pas changé d'avis et est resté crispé durant toute la projection. Cette mauvaise interprétation a collé à Harry la mauvaise réputation dont il se moque éperdument (tout au moins dans le premier). Selon toutes ces personnes, Harry est raciste, misogyne, porte-flingue, ayant un problème avec l'autorité, orgueilleux, violent, roi de la bavure, ...
Mais que raconte vraiment Dirty Harry de Don Siegel ?
Mais que raconte vraiment Dirty Harry de Don Siegel ?
Le récit de ce film génial, l'un des meilleurs Clint Eastwood, narre tout simplement le dégoût grandissant d'un policier émotif. Le système ne peut rien contre un criminel psychopathe et sadique qui prend toute personne pour cible (prêtre, enfant, adolescents, ethnies diverses, hommes, femmes, ...). Tout le monde semble baisser les bras face à la folie meurtrière du Scorpio qui tient la ville de San Francisco en otage. Harry en perd son latin. Le système judiciaire, face à un criminel qui utilise la loi à son avantage, s'avère impuissant et Harry finit par avoir recours à un duel de western pour "clarifier la situation". Harry, aussi dégoûté soit-il d'en arriver là, ne jette-t-il pas sa plaque dans l'eau à la fin ? N'est-ce pas juste un truc de film pour justifier un climax riche en sensations ?
Preuve en est-il que Dirty Harry croit au système avant tout ... et que la violence est le dernier des remèdes pour assurer la paix. Il fait bien sûr preuve de violence lorsqu'il arrête Scorpio pour la première fois. Il essaie de lui arracher des aveux ; une fille est enterrée quelque part en train de suffoquer. Harry fait au plus court. La violence est parfois aussi efficace que des longs discours. Scorpio passe aux aveux mais est relâché pour vice de forme (la violence). Et le serpent se mord la queue. Sans loi, la violence prime. Avec des lois, la violence est le dernier des recours (mais son utilisation s'impose logiquement car la justice ne peut exister sans forces de l'ordre). Je me rappellerai toujours du texte de Pascal sur la nécessité de la force alliée à la justice (cette dernière ne s'impose pas d'elle-même) et de cet exemple pris dans un livre de terminale de philosophie : 2 individus se font ouvrir le ventre par 2 hommes utilisant des armes contondantes. Dans un cas, l'un des 2 individus meurt. Dans l'autre cas, l'individu est sauvé. Pourquoi ? Parce le second homme "armé d'une arme contondante" est un chirurgien utilisant un scalpel pour ouvrir le ventre d'un malade. Le geste est violent mais son but change la nature de l'acte. La violence n'est pas condamnable en soi. Seuls les individus et les raisons pour lesquelles la violence est utilisée sont à mettre sur les bancs des accusés.
En somme, sur
ce blog assez critique envers des pelloches du cinéma, je vous écris ce
texte pour signaler qu'il ne faut pas prendre trop au sérieux la
critique, le grand public et les œuvres de fiction. Les critiques injustes et très virulentes ont fait leur effet. Harry a plongé tête la première dans une démagogie du plus mauvais effet. La trame de Magnum Force
qui aurait dû/pu montrer Harry retrouver sa foi en la justice, en le
système et en ses représentants, se remotiver pour récupérer son insigne
et reprendre le boulot n'a jamais été développé.
Dans Magnum Force (pourtant œuvre de correcte facture), Harry ne se ressemble plus. Défini dans Dirty Harry comme mouton noir de la famille, Harry est devenu une légende dans sa suite. Il a pris le virage inverse. Il est le meilleur au tir de toute la police. Les femmes lui tombent dans les bras comme s'il était irrésistible (mode James Bond/Sean Connery). Il reste poli envers son coéquipier afro-américain. Il perd le contrôle de son impopularité en signant une scène d'héroïsme ridicule (la libération des passagers de l'avion pris d'assaut par des terroristes). Il utilise son flingue pour tuer plus mauvais policiers que lui. Il se montre plus humble et ressort grandi de cette seconde aventure. Bref, il ne grattouille plus personne là où ça démange le plus. Il ne repousse plus personne pour avoir les coudées franches. Magnum Force permet à Harry de s'imposer en héros moins polémique.
Malheureusement, dès cet épisode, le personnage Dirty Harry se transforme au fil de la série (5 films) en héros porte-étendard de toutes les communautés : asiatiques, afro-américains, latinos, femmes, enfants, homosexuels, hommes, violées, stars de la musique et du cinéma, journalistes, etc ... (attention ! ne vous méprenez pas. Je n'ai rien contre quelques communautés que ce soit : cet article a pour but de parler de la façon dont le regard des créateurs sur un personnage change dès que le "grand public" est "concerné" et que la pelloche fait des recettes). Pour adoucir son image, Harry fait même équipe avec une des actrices de la série télévisuelle policière pour ménagères de moins de 50 ans Cagney & Lacey dans The Enforcer (James Fargo, 1973). En somme, l'inspecteur Harry a eu trop de succès pour son cas. Victime de son statut de héros tournant le dos à une société lâche, Harry est devenu celui qui avait quelque chose à prouver, patte blanche à montrer. Il incarne dans les suites de l'original un individu susceptible de causer des problèmes, alors que, dans le premier Dirty Harry, les hauts responsables se déballonnaient face à un simple tueur.
Dans Magnum Force (pourtant œuvre de correcte facture), Harry ne se ressemble plus. Défini dans Dirty Harry comme mouton noir de la famille, Harry est devenu une légende dans sa suite. Il a pris le virage inverse. Il est le meilleur au tir de toute la police. Les femmes lui tombent dans les bras comme s'il était irrésistible (mode James Bond/Sean Connery). Il reste poli envers son coéquipier afro-américain. Il perd le contrôle de son impopularité en signant une scène d'héroïsme ridicule (la libération des passagers de l'avion pris d'assaut par des terroristes). Il utilise son flingue pour tuer plus mauvais policiers que lui. Il se montre plus humble et ressort grandi de cette seconde aventure. Bref, il ne grattouille plus personne là où ça démange le plus. Il ne repousse plus personne pour avoir les coudées franches. Magnum Force permet à Harry de s'imposer en héros moins polémique.
Cagney & Lacey |
Malheureusement, dès cet épisode, le personnage Dirty Harry se transforme au fil de la série (5 films) en héros porte-étendard de toutes les communautés : asiatiques, afro-américains, latinos, femmes, enfants, homosexuels, hommes, violées, stars de la musique et du cinéma, journalistes, etc ... (attention ! ne vous méprenez pas. Je n'ai rien contre quelques communautés que ce soit : cet article a pour but de parler de la façon dont le regard des créateurs sur un personnage change dès que le "grand public" est "concerné" et que la pelloche fait des recettes). Pour adoucir son image, Harry fait même équipe avec une des actrices de la série télévisuelle policière pour ménagères de moins de 50 ans Cagney & Lacey dans The Enforcer (James Fargo, 1973). En somme, l'inspecteur Harry a eu trop de succès pour son cas. Victime de son statut de héros tournant le dos à une société lâche, Harry est devenu celui qui avait quelque chose à prouver, patte blanche à montrer. Il incarne dans les suites de l'original un individu susceptible de causer des problèmes, alors que, dans le premier Dirty Harry, les hauts responsables se déballonnaient face à un simple tueur.
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