La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

mardi 31 janvier 2012

Take Shelter

Ne t'emballe pas trop vite

Take Shelter, Jeff Nichols, 2011, USA.

Ça me fait mal au cœur d'écrire cet article sur Take Shelter car j'ai eu le sentiment qu'il était qualitativement inférieur à ce qu'il aurait pu être. Je ne cherche pas à refaire le film (chose impossible de toute façon) mais la perte d'une demi-heure sur les 2 heures totales du métrage auraient pu lui être bénéfique. Certains éléments sont particulièrement redondants : les cauchemars de Curtis (prévoyant un désastre d'ordre naturel à venir) sont répétitifs et manquent d'originalité (du coup, mon attention est allée décroissante durant la première demi-heure), la paranoïa de la mère de Curtis (personnage principal) est présentée de façon insistante à l'approche de l'heure de film (je n'y étais plus), et les moments de travail ouvrier de Curtis semblent être montrés pour combler le temps (la première heure de Take Shelter est interminable). De fait, les troubles de Curtis (doute entre la paranoïa et la vision prémonitoire) apparaissent telle une suite d'épiphénomènes soulevant uniquement des inquiétudes du côté des finances du couple phare (Curtis et Samantha).

Michael Shannon incarne le réveil brutal au petit matin

Dans la seconde partie, Take Shelter prend son envol durant les dernières scènes ("la sortie de l'abri" et "à la plage" : la fin est un beau régal). Cela est essentiellement dû à sa partition musicale envoutante et à l'action qui connait enfin un développement. Il faut dire que l'ennui qui s'est installé durant la première heure et demie et mon envie de ressentir enfin une émotion pour ces personnages (très sympathiques) ont bien aidé. La musique m'a agréablement rappelé les meilleures œuvres de William Friedkin et de Michael Mann ; tels ces excellents polars que sont To live and die in L.A. (1985) et Manhunter (1986), et The Insider (1999). Question influence, l'ombre de M. Night Shyamalan plane malheureusement sur Take Shelter. Le  rythme est lent. Les paroles sont murmurées. On confondrait bien volontiers ce film de Jeff Nichols avec le dernier Shyamalan si on ne savait pas que celui-ci avait une imagination complètement sclérosée depuis l'an 2000 (quoique on pourrait lui attribuer Take Shelter).

La musique adoucit les mœurs et élève l'âme

Ce qu'il y a de positif dans Take Shelter tient à ce que le cinéaste Jeff Nichols met de lui-même (quelque chose de bien américain) ; il traite du mieux qu'il veuille le voir la vie de famille (douce et agréable) et le travail d'ouvrier. Ceci afin de servir son message : le film m'a paru proche des préoccupations personnelles de Jeff Nichols quant à son statut de nouveau père de famille au moment de l'écriture du scénario (il dit lui-même qu'il s'agit d'un "scénario très personnel sur le mariage"). Voilà ce que j'en ai compris : il ne faut pas crier au loup, il est bon de voir venir le danger et de préparer le pire mais il ne faut pas suer des litres au premier signe d'anormalité. L'histoire de Curtis montre que son épouse peut jouer les phares dans la nuit de son mari. Jeff peut se rassurer en sachant qu'il peut compter sur elle, que Curtis ait tort ou raison.

Take Shelter met donc tout naturellement du baume au cœur pour les plus amoureux d'entre nous. Le film fait vivre l'espoir concernant la santé à l'avenir de son couple et soulage de certaines angoisses. Évidemment, il s'agit d'un espoir à ramener en toute lucidité à la maison.

Jessica Chastain incarne Samantha, le phare dans la nuit de Curtis

Jeff Nichols partage un manuel pour ne plus angoisser sur la santé de ses finances en se consolant par la santé sentimentale dans son mariage : il ne faut pas flipper pour les problèmes de fric, il faut continuer de travailler, les prémonitions du pire sont à traiter comme de mauvais cauchemars mais il ne faut pas écarter le danger, il faut passer du temps avec sa femme et sa fille et compter sur le soutien des siens dans les passes difficiles. En somme, Jeff Nichols se répète ses vœux de mariage sur grand écran.

dimanche 29 janvier 2012

Les remous de la Nouvelle Vague

Je vais finir par passer pour un génie

L'esprit de la Nouvelle Vague n'est pas mort. Je ne définis pas ce qu'est la Nouvelle Vague. Tout le monde la connait. Si tu ne la connais jamais, apprends-la toujours. Au moins, je précise que les images utilisées dans ce message sont issues de L'argent de Robert Bresson (1983) et que ce cinéaste français n'appartient pas à la Nouvelle vague.

"J'ai été dans cette nouvelle salle de cinéma expérimental. On y est très bien assis. Et figure-toi qu'ils ont projeté un film seulement sur une partie d'un écran ... et il y avait des tâches sur cet écran ... et du papier-peint !"

Un spectateur de cinéma parle à son meilleur ami. Ils sont debout dans un café.

-As-tu vu cette actrice qui joue la prostituée dans le film que nous avons failli voir hier ? Elle est formidable ! Elle me convaincrait presque d'aller aux putes.
-Ah ! Si seulement elle en était une !
-Mais elle ne l'est pas. Déception. Ne la connaitrais-tu pas, par hasard, toi qui travaille dans la poissonnerie ?
-Je ne sais pas. Peut-être.
-La poissonnerie, c'est presque la même chose que le cinéma, non ?
-Je pense que l'on peut le dire, oui.
-Les cinéastes mettent des acteurs et des actrices à l'écran comme les poissonniers mettent des cadavres de poissons sur de la glace, avec du jaune (grâce au citron) et du vert (avec les algues) pour faire plus joli.
-Et du rouge (avec les étoiles de mer).
-Oui. J'avais oublié le rouge.
-C'est étrange. Le rouge est une couleur qui ne s'oublie pas.
-En effet, je suis impardonnable.
-Je ne me rendais pas compte que tu avais vu le film ?
-Oui. Non. Je ne l'ai pas vu. Peut-être. Mais tu dis qu'il est comme un étalage de poissonnier. Il doit donc être formidable.
-Et, donc, tu fais comme si tu l'avais vu ?
-Oui
-Et est-ce que tu l'aimes ce film ?
-J'aime beaucoup l'actrice qui joue le rôle de la prostituée !
-Il faudrait que tu me la fasses rencontrer.
-Ce n'est pas possible. Elle n'est qu'un rôle dans un film.
-L'actrice ?
-Oui. Comme le poisson, elle doit être morte.
-Je n'y avais pas pensé mais tu as sûrement raison. Elle doit être morte, la pauvre.
-Néanmoins.
-Néant plus.
-Nez en moins.
-Né en 1.
-Néant + 1.
-Né en + l'infini.
-Néant + l'infini.

Au carrefour, une voiture de pompier entre en collison avec une ambulance.

Une couverture marron est tirée devant l'incident.

Un chien sort d'un immeuble. Une enfant court à sa suite. Un pompier en sang arrête la petite fille. Il lui demande.

-Mais pourquoi coures-tu après ce chien ?
-Parce qu'il a envie d'aller à la mer.
-Ne préférait-il pas aller à la montagne ?
-Je ne sais pas. C'est un chien qui court vite.
-C'est un chien de la ville. C'est pour cela qu'il préfère aller à la plage.

La petite fille meurt. Le pompier se met à pleurer. Il dit.

-Pauvre petite fille morte qui a perdu son chien.

Accompagné d'un policier, un livreur en salopette entre dans un magasin. Il dit.

-Sont fous.

"Sont fous"

Dans la scène suivante, la femme du livreur le quitte.

"Non."

samedi 28 janvier 2012

Dialogues inspirés du cinéma de Robert Bresson

Je vais encore passer pour un inculte

La tonalité identique de voix des personnages, quelque soit l'œuvre de Robert Bresson, est toujours monocorde et sentencieuse. Les dialogues sont lâchés par les modèles en utilisant un phrasé désincarné de toute vie ; ils disent leurs répliques sur un mode mécanique. Les visions récentes de Un condamné à mort s'est échappé (1956), de L'argent (1983) et de Pickpocket (1959) (et l'éternel douloureux souvenir de l'interminable Journal d'un curé de campagne, 1951) m'ont donc inspiré ces petits dialogues tendance Bresson.

"Il faut faire quelque chose." ...  Donc Acte !

Un jeune homme parle à un autre jeune homme.

-Il faut faire quelque chose.
-Quoi ?
-Je sais. Suis-moi.
-Où ?
-Tu verras bien.
-D'accord. Mais, dis-moi au moins ce qu'on va faire.
-On va faire ce que l'on a à faire.

Le temps passe.

-Tiens. Prends ce cadre.
-Pourquoi ?
-Parce que c'est celui qu'il te faut.
-En es-tu sûr ?
-Oui.
-Comment peux-tu en être sûr que ce cadre est ce qu'il me faut ?
-Parce que c'est quand même mieux d'être sûr.
-Oui. C'est sûr. Mais me faut-il ce cadre ?
-Oui.
-Es-tu sûr de toi ?
-Oui, je suis sûr de moi.
-Tu ne me demandes pas si je suis sûr de moi ?
-Non.
-Pourquoi ?
-Parce que je suis certain que tu n'es pas sûr.
-Comment sais-tu ?
-C'est toi qui doute.
-C'est que ...
-Quoi ?
-Oui ?
-Non. Je t'écoute.

Bruit de camion qui passe dans la rue.

-Est-ce qu'il t'arrive de douter de moi ?
-Oui. Et non. Ça dépend.
-Et tu me le dis.
-De toute façon, oui, je te le dis.
-Je peux donc dire que tu es mon ami.
-Oui, c'est sûr.

La vendeuse s'impatiente.

-Vous me l'achetez ce cadre, oui ou non ?

Accompagné d'un policier, un livreur en salopette entre dans le magasin. Il dit.

-Sont fous.

"Sont fous."

jeudi 26 janvier 2012

Le cinéma d'horreur français : seconde partie

Et mince, je ne peux pas ! J'ai crevé mes deux pneus de vélo ! ... et ceux de rechange.



Calvaire
(2004) de Fabrice du Welz : Il faut croire en ce que l'on voit pour ne pas prendre en compte les incongruités présentés par le récit. Le ton est sec et les actions sont froidement présentées mais les éléments narratifs "étranges" s'ensuivent et poussent à essayer de deviner la prochaine bizarrerie de Calvaire. En résumé, jusqu'à la moitié du film, une sinistrose bien particulière caractérise la France que le chanteur Marc Stevens (Laurent Lucas) parcoure de long en large en faisant payer 30 euros son show musical sur fond de boîte à rythme : les individus manquent cruellement d'affection et de sexe. Les femmes se jettent sans équivoque sur l'artiste-chanteur ... et les hommes font de même.

Malgré une première partie intrigante, Calvaire se révèle confus et pénible lorsque le film montre Marc Stevens passer son temps à sangloter. Certes il a le visage à moitié couvert de sang et Bartel (Jackie Berroyer) l'a habillé en robe, lui a rasé le crâne et l'a crucifié. Certes, Marc se fait sodomiser par les autres villageois. En somme, il faut se mettre à la place de Marc Stevens pour trouver un réel intérêt à son calvaire car, cinématographiquement, l'imagerie ne réserve que quelques images d'inquiétants et beaux paysages sur la fin. Calvaire n'enrichit malheureusement pas certaines des étrangetés de son récit (comme la mise au point de Bartel avec les villageois à la buvette ... j'aurais aimé en savoir davantage) et n'a pas de véritable conclusion. Du coup, Calvaire a tout d'une fable horrifique à moitié réussie dont je suis ressorti sceptique, notamment à cause de la partition peu approfondie et très banale du spectacle horrifique.





Haute Tension (2003) d'Alexandre Aja : Il y eut une période où je dévorais livre de terreur sur livre me terrifiant. Un polar, un thriller, un suspense, de l'horreur, du fantastique, de la SF paranoïaque, un récit dit plus littéraire, ... pouvaient me satisfaire. Graham Masterton, H.P. Lovecraft, Richard Matheson, Theodore Sturgeon, Robert Bloch, Ray Bradbury, Dean Koontz, Clive Barker, Robert Heinlein et Kurt Vonnegut Jr. ont fait mon bonheur. Tout cela se déroulait entre des visions de films d'horreur, à suspense et du hard rock. Et puis un jour, j'avais tout lu, vu et vécu ... tout au moins, j'en ai eu l'impression.

Quelques années après, j'ai découvert un résumé de film à la télé, sur une chaîne connue. Et mon cerveau s'est réveillé. Ma mémoire a fait un bon. Mes yeux sont devenus tout rond. Je me suis félicité d'avoir de la culture. Je me suis fait la réflexion : "Le fils d'Alexandre Arcady a fait l'adaptation d'Intensité de Dean Koontz. Les choses commencent à bouger en France pour le genre !" et je suis allé voir Haute tension d'Alexandre Aja.

Je n'avais ni tort ni raison. La première partie de Haute tension est une adaptation du roman Intensité de Dean Koontz. Sauf que le roman de l'écrivain américain n'est pas cité au générique et que la seconde partie du film ne ressemble en rien au roman. Je me suis donc posé une question : est-ce que ce jeune homme et son compère scénariste, Grégory Levasseur, connaissent-ils Intensité de Dean Koontz ? D'autres se sont posés la même question. Étrangement, personne n'a à ma connaissance de réponse (si j'étais allé à une rencontre FNAC-Aja-public, peut-être que ... si j'avais acheté le DVD, peut-être que dans les bonus ...).


Je vous mets le résumé amazon.fr du livre Intensité de Dean Koontz : "Chyna, 26 ans, est invitée à passer un week-end dans la famille de sa meilleure amie. Au milieu de la nuit, un hurlement déchire le silence. Un homme est en train de massacrer les habitants de la maison. Mais il ignore que Chyna est présente [...]"

Je vous mets le résumé Allociné.fr de Haute Tension d'Alexandre Aja : "Marie, une étudiante de vingt ans, révise ses examens dans la ferme isolée des parents de sa meilleure amie. En l'espace d'une nuit, un tueur, qui ignore son existence, assassine à tour de rôle les membres de cette famille..."

La belle affiche

Connaissant donc l'histoire, je misais sur la mise en scène d'Aja pour relever l'intérêt et la tension dramatique. Mais il a fallu que le métrage atteigne sa seconde partie pour me faire lever un sourcil. J'explique : Cette seconde partie de Haute tension n'a rien à voir avec Intensité. La scène à la pompe à essence (la plus réussie du film) est le point de rupture du récit de Haute Tension avec Intensité. Dans Intensité, la jeune Chyna passe l'autre partie du voyage dans le coffre avant de se faire capturée par le tueur dans sa maison. S'ensuit un combat final assez violent. Intensité est un bouquin qui se lit très bien, très vite et est divertissant. Il remplit le cahier des charges des thrillers américain : un pitch original, un personnage appréciable, des situations haletantes et un tueur effrayant. Je recommande ce texte réussi de Dean Koontz. Quant à Haute tension, Marie se révèle être la meurtrière qui a décimé la famille de son amie (cette dernière comprise ... dont elle était amoureuse). Comme quoi, Haute tension d'Alexandre Aja produit par Luc Besson, Robert Benmussa et Alexandre Arcady n'est pas un plagiat d'Intensité de Dean Koontz. Je viens de vous en donner la preuve.





Brocéliande (2002) de Doug Headline, si c'est son vrai nom, fait son Dario Argento, si son vrai métier est d'être metteur en scène, en reprenant des gimmicks du maître de la terreur à l'italienne (le costume du tueur, la vision subjective lors des meurtres, le témoin qui ne se rappelle pas d'un élément clé et une scène en amphithéâtre. Dans Inferno (1979) de Dario Argento, une sorcière met au supplice le jeune héros grâce à une mise en scène ébouriffante - dans Brocéliande, la jeune héroïne se retourne avec surprise sans raison). Mister Doug sous-développe son nom, sa mise en scène et son récit. Il n'explique pas les 3/4 de ce qu'il devrait montrer ou suggérer pour qu'on soit intéressé par son film. J'ai compris ceci : un jeune homme dénommé Erwan voulait devenir un monstre en utilisant la magie des druides, il a tué 2 professeurs pour y arriver ... pourquoi ? dans quel but ? Là est le mystère de Brocéliande. Ma meilleure explication est qu'Erwan voulait se balader torse nu, montrer ses muscles hypertrophiés par une potion magique, ouvrir son hideuse gueule de monstre pour pousser des cris et tuer tous les témoins de sa métamorphose ayant eu lieu dans un chaudron (c'est vrai que ça manque de classe). Quant à la partie finale, elle est une course-poursuite dans les dédales de catacombes celtes. Au passage, on est censé tout comprendre de la langue et des signes des druides, langue plus morte que le latin et le grec réunis.





Promenons-nous dans les bois (2000) de Lionel Delplanque : Un groupe de jeunes en tricots de corps (filles et garçons) se retrouvent bloqués dans une maison au fond des bois avec un cadavre dans une chambre et un tueur à tête de loup dans les environs. Pour être franc, je serais bref. Je n'ai jamais vu autant de plans du même escalier dans un seul film. Même L'année dernière à Marienbad (1961) d'Alain Resnais (film dont les seuls protagonistes sont une maison et une voix-off) ne compile pas autant de plans d'un seul et même élément architectural. Je n'ai jamais vu de toute ma vie une pareille redondance en essayant de dégager une tension de la présence de marches comme dans Promenons-nous dans les bois.

"Attention ! L'escalier de la peur ! Vas-y, faut mater le plafond et se plaquer à un poteau pour qu'il ne nous remarque pas et que nous nous en sortions vivants !"




Bloody Mallory (2001) de Julien Magnat : Censé être une sorte de Buffy contre les vampires à la française, Bloody Mallory se bat contre des démons (dixit l'affiche). Ok pour moi. Normalement, j'écrirais bien un petit quelque chose pour caractériser avec efficacité ce métrage mais je ne me rappelle de rien. Sérieusement, ce n'est pas une blague. Je n'ai aucun souvenir de Bloody Mallory. Rien. Nada. Que dalle. Quechi. Zéro. Rien. Rien du tout. Peau de balle. Peau de fesse. Le néant. Même pas un élément de chaos. Rien. Rien. Rien à part que le film existe.





Martyrs (2008) de Pascal Laugier est un film goresque dont l'ensemble est dédié à montrer de la chair être découpée, tailladée, explosée, trouée et frappée. Et rien d'autre. La preuve avec la fin que je vais vous gâcher : une secte, cherchant à savoir ce qui se passe après la mort, fait des martyrs. Ses membres plongent des femmes dans le noir, les attachent, les frappent, les torturent, les dépècent afin qu'elles se transcendent et voient dans la mort ce qui s'y trouve et en reviennent pour témoigner. Sonia, l'une des victimes suivies durant tout le métrage, réussit ce périple. Sonia en fait part à mademoiselle, la chef de la secte. Du coup, mademoiselle qui avait organisé une rencontre avec les membres influents de la secte, préfère se suicider. Mademoiselle laisse son groupe de fidèles sans connaissance de l'expérience post-mortem. Martyrs 2 est-il en pré-production ou la fin est-elle ironiquement maladroite ?

Peu importe que Pascal Laugier ait voulu terminer son film sur une note de vanité profonde pour punir les membres de la secte en les laissant dans l'ignorance ("tout ça pour ça, tout ça pour rien"). Si cette fin est pensée comme une ironie servant de morale pour les fidèles, il faut néanmoins garder à l'esprit que ces fanatiques ont passé 17 années à torturer des jeunes femmes pour découvrir cette "vérité toute relative" qu'est l'au-delà. Revigoré par la possibilité de savoir, la suite des événements est logiquement constituée de la répétition des tortures infligées à d'innocentes jeunes femmes. J'aurais préféré que mademoiselle partage le témoignage de Sonia (sa mort n'aurait pas été vaine) afin que la secte ne recommence pas ses exactions. Que vont conclure les disciples du martyr ? Le suicide de mademoiselle n'est-il pas la preuve que la mort est tellement extraordinaire que mademoiselle ne pouvait attendre pour "vivre" l'expérience ? Le rythme des enlèvements et tortures risquent donc de s'intensifier vu le résultat obtenu.





A l'intérieur (2007) d'Alexandre Bustillo et Julien Maury : "Une date dans l'histoire du cinéma", selon les anciens collègues de Bustillo et Maury à Mad Movies. L'ouvrage était même censé être digne de John Carpenter et de sa Nuit des masques / Halloween (1978). A l'époque, j'avais reniflé la déliquescence du magazine culte dès que le système de copinage s'était mis en place. Quelques années après, en janvier 2012, je me suis mis à écrire ce message sur le cinoche d'horreur français : j'ai donc vu A l'intérieur, immanquable chainon manquant entre les relations incestueuses presse-cinéastes et films boursoufflés.

Avec la mise en scène d'Halloween, John Carpenter réussit à rendre angoissant un coin de rue de banlieue proprette car il a établit que le croque-mitaine peut surgir de n'importe où et que la subjectivité des personnages était sujette au doute. Big John convainc le spectateur que ce qu'il voit n'est peut-être pas véridique et que le mal est difficile à percevoir avant qu'il ne soit trop tard et tout proche.

Dans A l'intérieur, Bustillo et Maury filme l'entrée de la maison où se déroule l'action pour voir les personnages entrer et sortir du lieu. Quant au doute sur l'apparition du mal : la victime, insupportable peste incarnée par Allyson Paradis, passe 2 minutes à photographier son agresseur (Béatrice Dalle) à travers les portes vitrées de sa maison et développe tranquillement les photos dans sa chambre noire privée. Elle passe ensuite une longue demi-heure à se cacher dans sa salle de bains après que l'agresseur soit entré dans la maison.

Avant de voir A l'intérieur, je croyais sincèrement que l'indigence du cinéma d'horreur était représenté par Promenons-nous dans les bois. Mais tout est bon dans le cochon : finalement, cet escalier faisait quand même un peu peur. Dans le cas de A l'intérieur, la copie conjugue des zéros pointés en tout : cadrage, raccord, jeu d'acteur, travail champ/hors-champ/contre-champ, suspense, mystère, sympathie, surprise, efficacité, émotion, scénario et intérêt quelconque. A l'intérieur en 3 mots : pffffffff, beurk et nul.




La Horde (2008) de Yannick Dahan et Benjamin Rocher : l'affection que je pourrais avoir pour La Horde est influencée par la verve de Yannick Dahan (sympathique icône de l'émission télévisée câblée Opération Frissons qui n'existe plus) car je sais qu'en lisant ma critique il répondrait du tac-au-tac avec un phrasé assassin. Je ne lui en veux pas. Mais, sans cette affection, voilà ce que ça donne. Si l'apparition des zombies était mieux gérée, je pourrais dire que le film se tient sur plus d'un quart d'heure (les personnages de policiers bourrins sont taillés avec un tendre amour et l'action réserve ses surprises) ... mais tout prend feu dans la mégalopole parisienne et sa banlieue en moins d'une minute, des zombies nulle part et des zombies partout en autant de temps qu'il faut pour lire cette entre-deux-virgules, un zombie sort hypertrophié des toilettes (je précise que les crocs et la mâchoire ont poussé entre le temps de sa mort et celui de sa résurrection), les humains entourés de zombies ont le temps de voir venir. Sans cela, le script de La Horde se tient.





L'élément le plus meurtri dans le cinéma d'horreur français est la chair. La torture, l'humiliation de l'apparence, la souffrance physique et la mort sont les essentielles constituantes de l'horreur et de la peur hexagonale. Notre terreur concerne le corps et fait preuve de craintes liées à la matière. L'esprit n'a pas de souci à se faire. Une minorité de films se penche sur des histoires de possession, de fantômes, de malédictions, de psychoses, de névroses, de la perte de l'identité et de hantises ; seuls Maléfice, Saint-Ange et Derrière les murs possèdent un intérêt au sort de l'âme/l'esprit/la raison/la logique/la personnalité. Je vous quitte sur cette méditation franco-française. En tout cas, si vous n'êtes pas français et que vous êtes parisien, si vous voyagez en France, évitez d'aller en forêt et en milieu rural, vous vous ferez humilier, torturer, violer et tuer. Sur ces bons mots, bien à vous.

mercredi 25 janvier 2012

La sélection du mercredi

Mercredi 25 Janvier 2012

Cette semaine, j'ai décidé de passer pour un gay.
 

Sherlock Holmes 2 : Jeux d'ombres (2011) de Guy Ritchie : Sherlock Holmes n'a plus rien de lui-même dans les bandes-annonces des adaptations de Guy Ritchie. Il est même devenu sa propre antithèse. Sherlock Holmes de Conan Doyle rencontrerait Sherlock Holmes de Guy Ritchie que le premier confondrait le second avec Moriarty et vice versa. Ce qui fait Sherlock Holmes (je précise sans préciser que je parle de celui de Conan Doyle), c'est l'utilisation de sa logique et de sa raison ; il interprète les faits avec justesse et il reste rationnel en toute occasion bien qu'il se permette des écarts musicaux et qu'il ait recours à une solution à 7% pour se reposer. Il a beau avoir un laboratoire à la maison, il n'utilise pas et n'abuse pas d'engins technologiques pour faire exploser des arbres et courir au ralenti. Sherlock Holmes fait régner la paix et la justice en s'appuyant sur Scotland Yard. Il ne drague pas non plus des suédoises (je note avec plaisir la toujours charmante présence de Noomi Rapace). Il est un célibataire chaste et prude. Il peut même sembler un peu ennuyeux à certains (pas à moi). Les soupçons sur son homosexualité soulèvent un intéressant mystère autour du personnage. Voilà ce qui manque cruellement au Sherlock Holmes des bandes-annonces de Guy Ritchie : du mystère. Non, non, non, on ne nous enlèvera pas notre Sherlock Holmes de façon aussi simpliste que cela, et certainement pas en abusant des filtres bleus bleutant et de mouvements de caméra surexploités par Michael Bay et Gore Verbinsky.


The Descendants (2011) d'Alexander Payne : L'arriviste (1999) du même réalisateur était pour moi une meilleure expérience que Sideways et About Schmidt réunis (je n'ai pas regardé le premier jusqu'à son terme et j'ai terminé péniblement le second). Je garde un excellent souvenir du jet de gobelet du personnage incarné par Matthew Broderick sur une limousine dans la critique affectueuse du système d'élection à l'américaine dans L'arriviste (Election, titre original).

Avec George Clooney abordé à contre-emploi, The Descendants pourrait trouver une sorte de grâce à mes yeux plus d'une décennie après sa seule réussite (tout est relatif). La bande-annonce de The Descendants présente une sympathique histoire d'un mari et père largué par les événements. Personnellement, je trouve beaucoup plus intéressant de voir mister nespresso courir en tongs que de le savoir engagé politiquement en vrai et en fiction. Les beaux gosses sont faits pour incarner des personnages qui se font déconstruire par son réalisateur. Et rien d'autre.

Oui, je suis jaloux. George Clooney est un chic type et un bel homme.


L'oiseau (2011) de Yves Caumon : Sandrine Kiberlain tire une de ses tronches dans la bande-annonce de L'oiseau que j'irais bien la voir s'étaler sur grand écran pendant plus d'une heure. Le problème avec ce genre d'histoires centrées sur un personnage "sans histoire" est que si la narration compte uniquement sur la rencontre avec un oiseau pour changer la façon de vivre d'Anne (incarnée par Sandrine Kiberlain), ça va être long, ça va être chiant, ça va être inutile et une grosse perte d'argent.









J'ai pris de l'avance car je suis tellement enthousiaste à propos des sorties du 1er février que je ne peux m'empêcher de mentionner les 2 films qui vont me faire déplacer en salles ! Tucker & Dale fightent le mal ! sort au cinéma la semaine prochaine !!! Évitez la bande-annonce. Elle en montre beaucoup trop. Elle gâche l'indispensable plaisir de la découverte de cette comédie délicieuse qui joue avec les codes habituels de l'horreur à la campagne (Deliverance, Massacre à la tronçonneuse, etc ... s'en prennent plein les 2 dents de devant leur restant). Je ne mets même pas le lien allociné vers la bande-annonce. Tucker & Dale fightent le mal raconte l'histoire de 2 adorables homo sapiens qui doivent affronter une bande d'universitaires bourrés de préjugés contre les gens de la campagne, qui les prennent pour le mal incarné (des consanguins, violeurs, tueurs, etc ...). Évidemment, ces jeunes vont créer plus de problèmes qu'autre chose. Personnellement, j'adore les personnages de Tucker et de Dale. J'ai une tendresse particulière pour Dale qui est comme un double de moi-même, mon alter ego. Tendre, mignon, timide, engoncé, maladroit, gros cœur sur la main et sympathiquement triste, il est trop attachant. Il est magnifiquement incarné par Tyler Labine qui joue à la perfection de son puissant physique débordant de charisme et de sa voix drôle et enchanteresse. Le monde doit être au courant que ce comique et ce film existent ! T&DvE était génial en DVD (merci amazon.uk) ! J'ai hâte de le voir au cinéma !!! Je réécrirais même un autre message sur Tucker & Dale fightent le mal après l'avoir vu au cinoche !



Tony Kaye
L'autre film du 1er février que j'ai envie de voir est Detachment (2011) de Tony Kaye. La bande-annonce présente l'histoire d'un professeur qui veut travailler et enseigner à ceux qui veulent apprendre. Le personnage incarné par Adrien Brody vire de sa classe les élèves qui ne veulent rien savoir. Ça devrait être intéressant de voir comment le réalisateur conclue son récit. Vu la façon dont American History X (1998), un des films précédents de Tony Kaye, se terminait, il est bien possible que le personnage incarné par Adrien Brody meurt à la fin de Detachment. C'est le seul élément qui me fasse un peu peur. Tony Kaye peut flinguer ses propres œuvres avec un final dramatiquement chargé : la preuve en photo (ci-dessous) :



Tony Kaye évite les balles en recevant le prix de la critique à Deauville en 2011


BONUS

Tyler Labine (à gauche avec le t-shirt "la vie est trop courte pour ne pas être norvégien")  dans A Good Old Fashioned Orgy (2011) de Gregory et Huyck

dimanche 22 janvier 2012

Turn me on !

Vu le Jeudi 19 Janvier 2012
Faut pas me le dire 2 fois

Turn me on ! / Få meg på, for faen, Jannicke Systad Jacobsen, 2011, Norvège.

Turn me on !, comédie originalement intitulée Få meg på, for faen adaptée d'un ouvrage littéraire éponyme à succès d'Olaug Nilssen, confronte le spectateur à l'histoire d'Alma, une jeune norvégienne éhontée de 15 ans, qui n'espère qu'une chose : faire l'amour avec Artur, le guitariste de la chorale.

Alma (incarnée par Helene Bergsholm) habite Skoddeheimen qui est un petit village de 2km de long perdu entre des montagnes et plusieurs routes désertes en Norvège. Peu de choses égaie l'environnement. Du coup, faire un doigt d'honneur au panneau de son village, boire de l'alcool en planifiant son départ, et avoir des fantasmes sexuels sont les activités principales d'Alma. Malheureusement pour elle, de façon inopportune, Artur se présente à elle bitte la première (attention au gros plan plein face). J'ai appris un peu de norvégien au passage : pikken = bitte. Artur étant un beau lâche, il dément toute l'affaire. De fait, Alma devient une paria.

Alma, je te présente le spectateur ... le spectateur, je te présente Alma

La dérision des fantasmes sexuels débridés d'Alma constitue l'essentiel de la réussite de cette courte comédie (1h16). Ce trait humoristique rappelle le même travail critique qu'Eric Rohmer a effectué dans L'amour l'après-midi (1972) en mettant en scène et en abîme les scénarii d'approche des passantes que s'imagine Frédéric. La mise en abîme de l'absence de limites du désir d'Alma jalonne une bonne demi-heure de Turn me on ! d'instants délirants et apporte une note d'excentricité bienvenue. Alma est tellement excitée que je suis même étonné que la narration n'inclue pas des instants d'imagination folle d'Alma en compagnie de sa voisine, de son chien et de sa mère. Que ce soit dans leur nature ou dans leur chute, ces fantaisies sont toujours délicieuses et amoureusement servies par une réalisatrice rigoureuse, Jannicke Systad Jacobsen, et une jeune actrice au charisme indiscutable, Helene Bergsholm.

Cette adolescence a des fantasmes sexuels fous fous fous

Sans ces touches de fantaisies hilarantes, un ton désabusé aurait dominé l'ouvrage. Dans la façon de présenter sa bourgade de naissance, Alma trahit une certaine lassitude vis-à-vis de son environnement et de son mode de vie. La routine domine. Alma raconte ses affres de façon défaitiste et interrogatrice. Elle est jeune. Elle a beaucoup à apprendre. Alma se confronte à de nombreuses contradictions. Elle a beau faire tous les plans du monde pour partir, sa libido et ses fantasmes sont fermement ancrés à Skoddeheimen (Artur et d'autres plus surprenants ... pas trop non plus). Alma pourrait présenter les choses ainsi : "Si vous n'aimez pas Skoddeheimen, c'est pareil : ça a l'air niais mais on trouve de quoi s'occuper ... à part quand un garçon craquant vous montre sa bitte pour draguer, on y est bien ... et on ne va rien changer mais on pourrait partir aussi, tout le monde n'y verrait que du feu".

Alma et sa mère

Outre les fantasmes d'Alma, les brefs résumés d'actions passées en photos noir & blanc servent à deux reprises la narration de façon efficace. Ces points de vue argumentés par Alma sont surprenants et drôles. Malheureusement, la répétition de cet effet lui fait perdre de sa saveur : ça devient même abusif lors de l'escapade à Oslo.

Il faut dire que la dernière demi-heure de Turn me on ! surprend peu et n'est pas constituée de trouvailles narratives amusantes. Les aventures amoureuses de sa copine Sara et la relation d'Alma à Artur la conduisant à Oslo manque d'un soutien narratif haletant pour préparer l'arrivée de la résolution. Comme dans beaucoup de comédies romantiques charmantes, les avant-derniers instants du film représentent les états d'âmes de la protagoniste principale soulignés par une musique douce et endormante (j'avoue que j'ai eu une absence de 5 minutes avant le passage dans la capitale norvégienne). Cette berceuse se répète à plusieurs reprises et jure avec le ton global caustique du film. Néanmoins, la dernière scène conclue merveilleusement cette gentille comédie inégale sur l'ennui et le fantasme libidineux.

Le final d'un désir libidineux sans aucune limite est toujours le même : la honte


Turn me on ! / Få meg på, for faen est une comédie inoffensive à la thématique intéressante. La dérision du fantasme sexuel débridé d'Alma, magnifiquement incarnée par Helene Bergsholm, est savoureuse et apporte de bons moments de surprise et de rires. Cette comédie étant dans un esprit purement norvégien, ce qui veut dire très prude (le genre pornographique est interdit en Norvège), l'histoire de Turn me on ! ne pouvait être narré sur un ton aussi décomplexé qu'un American Pie (1999) de Paul et Chris Weitz, d'où le recours aux fantasmes pour apporter une touche d'excentricité. Coup classique : Turn me on ! a fait scandale dans le pays des fjords tout en étant numéro 1 au box office.

Le cinéma d'horreur français : 1ère partie

Parés pour un tour de France ?

Je me suis proposé de faire une petite radiographie du cinéma d'horreur français. Elle n'est pas exhaustive, je n'ai pas tout vu. Il faut ajouter que je tiens à ma santé mentale et que mon temps est précieux. La plupart des films censée être horrifique de notre patrimoine est coincée dans un cercle vicieux : peu de budget, peu de temps, scénarii sous-développés, pas de recettes. Il n'y a que le patriotisme et l'amour indéfectible du cinéma qui tache qui puisse faire apprécier nos productions plus proches du torture porn et du gore que de la transmission du sentiment de la peur. J'ai néanmoins tenté l'expérience de l'article compilation, histoire de me faire une idée globale. Dans cette partie se trouvent des chroniques sur Frontière(s), Sheitan, Ils, Mutants, Humains, Vertiges et La meute. Dans une autre partie, Haute tension et La Horde maintiennent la barre.

Personnellement, j'adore le genre horrifique : John Carpenter, George Romero, Jacques Tourneur, Maurice Tourneur (pour La main du diable, 1943), Dario Argento, etc ... ont fait les beaux jours de mon adolescence. J'étais un fervent lecteur de Mad Movies et d'Impact (je les trompais quelques fois en achetant L'écran fantastique). J'en ai gardé quelques exemplaires fameux. J'ai toute une collection de K7 achetée à Movies 2000. On peut y trouver des titres de séries Z honteuses (Creepozoïds, Mutronics, Shopping, Le maître du donjon) et de séries B sympas (Raging Fury). Je reste attaché à Big John comme s'il s'agissait d'un ami et j'attends la résurrection internationale du cinéma d'horreur (qui est devenu crade) comme le messie.










Sheitan (2005) de Kim Chapiron débute sur un gros plan de Mouloud Achour de l'équipe de Michel Denisot de l'émission Le Grand Journal sur Canal +. Il regarde la caméra de face, puis il porte son regard vers la gauche, et enfin vers la droite ... et rebelote. Il porte des lunettes de sky et un T-shirt Kourtrajmé. Il parle avec ses mains. C'est parce qu'il chauffe le public. Il mixe. Il est DJ dans une boîte qui s'appelle le Styxxx club. C'est assez petit. Les murs sont peints en noir. Il y a un bar dans le fond, une piste de danse au milieu et un escalier qui mène à un étage. Des éléments de décor gris et roses se font remarquer. Les femmes dansent et les hommes parlent d'elles en les qualifiant de chiénasses qui ont le feu à la chatte ... et la laideur du montage anarchique des diverses et variées valeurs de plans ne donne pas envie d'en savoir plus. Les gros plans sont hideux (et ils ne sont pas les seuls) et montrent que le point de vue est grotesque (puisqu'il n'y en a pas). Le récit semble annoncer des clichés et des facilités racoleuses. L'intrigue promet d'être nulle avant que la tension dramatique ne soit installée.

Kim Chapiron a réussi un tour de force en réalisant un plan horrible pour ouvrir
Sheitan ... c'est une nouvelle façon de qualifier le genre du film : un plan horrible = film d'horreur

... je vous rassure tout de suite, le film est entièrement constitué de plans horribles ...

...on est bien dans un film d'horreur(s)

Kim Chapiron, beau visage, doit considérer que l'horreur se trouve dans la laideur esthétique et plastique ...

... la preuve : le méchant a une sale gueule

... et les perspectives sont hideuses : plan de réalisateur qui aime les hommes qui en ont

C'est qu'elle est finement soulignée cette histoire de consanguins en campagne

Fin de la partie sur Sheitan.







Frontière(s) (2007) de Xavier Gens démarre sur une cascade de clichés et continue de la sorte pour sombrer dans les exagérations. C'est l'émeute à Paris. Les CRS cassent du bon militant. Il y a des policiers qui tirent dans tous les sens (et surtout sur des murs). Au milieu de tout cela, des racailles se disputent autour d'un mort en sursis. A part cela, ils ont volé de l'oseille ... ne me demandez pas à qui et comment, la caméra bougeait dans tous les sens et les dialogues étaient couverts par des bruits de balle et des injures. 2 de ces racailles partent en convoi de tête se réfugier dans un gite juste avant de passer la frontière belge. Pourquoi ces 2 demeurés ne se sont-ils pas planqués en Belgique ? Pensant dur comme fer que la France est un pays de fachos, ils doivent l'aimer plus que de raison. Mystère donc. Du coup, ils vont tester l'accueil des néo-nazis consanguins, campagnards, chrétiens, chômeurs et cannibales. 2 salopes draguent les 2 petites frappes parce qu'elles respirent (je précise ce qui se passe dans cette scène de Frontière(s) : l'une des 2 racailles est un musulman ayant une petite copine qui se laisse monter par une pute en filmant la chose) et ... ils tombent dans le traquenard sanglant promis par l'énoncé de l'affiche imposé par la commission de classification : "Ce film accumule des scènes de boucheries particulièrement réalistes et éprouvantes". Les néo-nazis ne sont pas non plus très futés. Ce sont des fonceurs filant tout droit la tête la première dans le mur. Le jeu de cache-cache est insipide au possible. De plus, aucun personnage n'est appréciable. Il faut aimer la mise à mort de caricatures pour visionner ce film parce que Frontière(s) n'est que de la boucherie. Sauf que ce n'est pas fin, et que ça ne se mange donc pas.

L'horreur à la française : si tu n'es pas de Paris, tu n'es pas humain.








Ils (2005) de Xavier Palud et David Moreau (II) se déroule en Roumanie. L'introduction est un double-meurtre inintéressant de 2 femmes qui ont froissé leur pare-choc-avant contre un lampadaire et qui ne trouvent pas le moyen de faire marche-arrière et de repartir. La suite est allouée à 2 personnages insupportables : IL est un beau gosse et ELLE est sa copine propre sur elle qui passent leur temps à regarder la téloche sur un canapé ou à se vexer qu'ELLE n'ait pas aimé son mélange de tous les ingrédients qu'IL a trouvé pour cuisiner. Ensuite, le couple se fait voler leur voiture. Et on leur téléphone. Le comble du comble intervient en toute fin de métrage lorsqu'ELLE n'arrive pas à éclater à coups de pierre la tête d'un des adolescents qui viennent de tuer son amoureux. Frêle personnage qui pensait s'en sortir sans se défendre. Raté. Ils est inspiré d'une histoire vraie.






Mutants (2007) de David Morley débute de façon intéressante. Sans surprise, la survie est difficile quand le monde est plein de mutants cannibales et le sentimentalisme n'a pas sa place. Les survivants se baladent en ambulance et une infirmière est l'héroïne du film (2 jolies idées). La policière, toute préparée aux situations dangereuses, est la première à virer paranoïaque et ne se fait que des ennemis. Ces prémices clôturent la partie 28 jours plus tard que promet l'affiche ... le reste du film (la partie La Mouche) nous laisse, nous spectateurs, bloqué pendant 3 plombes dans un grand bâtiment perdu en forêt. L'amoureux du personnage incarné par Hélène de Fougerolles devient mutant ... lentement, très lentement, pustule après pustule, éternuement après éternuement, cheveux gras après cheveux gras, ongle noirci après ongle noirci, filet de bave après filet de bave, décoloration d'un iris d'œil après décoloration de l'autre iris d'œil, cellule par cellule, le corps se décharne, la peau s'éclaircit, les murs du bâtiment sont blancs, des détritus jonchent le sol, la peinture est écaillée et l'état du carrelage est pitoyable car on peut constater des dégâts des eaux, etc ... Pendant ce temps-là, Hélène attend Noé, l'arche militaire qui va venir les sauver. Elle apprend qu'elle est immunisée contre le virus. Elle est la vierge Marie, la pucelle d'Orléans, Marianne et les suffragettes à elle toute seule. J'ai sauté des passages. Il reste 15 minutes avant le générique de fin (peut-être 20'). Des rôdeurs passent par là. Arrivée de mutants. Hélène est emprisonnée entre quatre grillages en fer blanc. Elle est entourée de mutants. Noé se pointe et la sauve. En somme, Mutants aurait pu faire un court-métrage sympa et assez convenu.






Dans Humains (2008) de Pierre-Olivier Thévenin et Jacques-Olivier Molon, le casting est travaillé. Lorànt Deutsch, Dominique Pinon, Philippe Nahon et Sarah Forestier sont au générique. On ne peut pas reprocher au cinéma français de ne pas mettre les grands plats dans les petits, ou les petits grands dans les plats. En tout cas, ils se perdent en forêt à la recherche d'un homo entre l'homme de Cromagnon et de Neandertal, ou un Neandergnon ou un Cromadantal (je ne sais plus, cela fait quelques temps que j'ai vu Humains) ... cette fois, c'est en Suisse, en forêt suisse entourée de montagnes même. Il y a évidemment des humains civilisés qui sont potes avec les homo des cavernes. La découverte du siècle aurait pu tourner à la partouze mais l'intrigue tourne en rond dans cette très jolie nature, comme les personnages perdus. Il y a une mort de personnage une fois de temps en temps : rien de particulier à signaler au niveau des mises à mort. Les uns courent après les autres. La fin est ridicule, me semble-t-il. Humains se termine sur une note d'espoir niaise : 2 enfants ont survécu, un de Cromadantal et un humain qui font je ne sais plus quoi au proche village.




 

Vertige (2008) d'Abel Ferry : Même le souffle court ou coupé, il n'y a pas de quoi se retenir à la corde. Mieux vaut (se) laisser tomber. Je ne me rappelle en rien de Vertige si ce n'est que l'action se déroulait dans les gorges de l'Hérault (pas loin d'où je suis né). Vous connaissez donc la raison pour laquelle je l'ai regardé. Il me semble qu'à un moment les protagonistes traversent un pont que tous les enfants d'école primaire du département ont dû franchir. Vertige a en fait été tourné lors d'une sortie scolaire.





La meute (2010) de Franck Richard : Émilie Dequenne parcoure les routes de France dans sa voiture. Elle s'est fait tatouée Hate sur les 2 mains. Elle prend des autostoppeurs et les laisse conduire sa maison mobile. Elle a la confiance tranquille. Elle dit des choses du genre "toi, t'as une haleine à faire cailler du yaourt". En arrivant à La Spack, un saloon franchais perdu au milieu de nulle part la France, elle ne soulève pas intelligemment l'étrangeté du lieu en voyant courir devant elle une personne emmitouflée dans du papier à bulles s'éclater la tête contre une planche de bois. Émilie Dequenne s'en fout de tout cela. Elle préfère raconter à un mec pas trop con (pour une fois) une blague sur des nécrophiles pyromanes sadiques zoophiles qui veulent baiser un chat en asile psychiatrique. Ensuite, elle manque de se faire violer par des motards vulgos et est sauvée par Yolande Moreau armée d'un double-canon. Toute cette finesse d'écriture et de jeu avec le spectateur que je suis m'a laissé pantois. De toute évidence, l'auto-stoppeur est complice de ce qui passe de louche ("enlèvement de jeunes femmes à La Spack" -avouez que la tagline est super accrocheuse, ça coule de source quand on le prononce : c'est un peu comme prononcer "on va au resto U pour se sustenter le vide du bide"-) et Émilie qui se désigne toute seule. Ensuite, Émilie Dequenne passe 40 minutes dans une cage emprisonnée à côté d'un cowboy asiatique. La meute est bourré de références au western. Puis des zombies mineurs sortent de la terre pour les picorer.

Émilie Dequenne et sa haine qui ne lui sert à rien

En .gif : une arrivée à La Spack sans rien de spécial à remarquer (je n'aime pas trop quand le sourire est de rigueur dans un film d'horreur ; ça veut dire que je ne vais pas frissonner)


La meute est donc un gros délire. C'est du fantasque. Mais c'est toujours la même histoire. On est en cambrousse française et ça va charcler dans les sous-sols, dans les caves, dans les granges, dans les mines, dans les rades infects, dans les champs, dans les remises et dans les placards entre 2 répliques grasses et des personnages vulgaires, stéréotypés et caricaturaux. En tout cas, on voit que le réalisateur Franck Richard a trouvé un bon moyen de caser son amour pour les crânes en réalisant La meute. On sent aussi que les proprios de La Spack sont ses potes ou qu'il s'agit de sa propre auberge. Bien photographié et cadré, La meute suscite plus de sourires que de frissons car le récit ne plonge pas vraiment dans l'horreur. L'ensemble reste charmant dans le décalage comique.

Philippe Nahon et un t-shirt "Fuck on the first date" (en français "baise au premier rencard")

Je case ici un plan horrible de Sheitan car dans le cinéma d'horreur, il faut toujours un élément de surprise

L'amour des crânes de Franck Richard






Le cinéma d'horreur français présente une compilation assez défouloir de ce que les auteurs ont à partager avec le monde. On sent qu'ils règlent des comptes : les jeunes de banlieue, les néo-nazis, les gros durs, les ploucs, les routards, les tricards, les paysans (tous consanguins ?) et les suisses en prennent pour leur grade. Tous sont des caricatures vulgaires. Il n'y a aucun personnage aimable pour lequel/laquelle je pourrais frémir d'angoisse en craignant qu'il ne lui arrive quelque chose de terrible (il n'y a guère qu'Hélène de Fougerolles dans Humains qui soulève de la compassion : malheureusement le film est insupportable de lenteur). En rajoutant Calvaire (que je n'ai pas vu) de Fabrice Du Welz (2004) à cette liste de films, les scripts reprennent tous à quelques détails près la même trame narrative : les victimes vont à la campagne ou à la montagne et ... c'est l'horreur sur tous les plans.