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Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

mercredi 28 septembre 2011

Inception : Christopher Nolan

Mercredi 28 Septembre 2011
Soir




Présentation de Christopher Nolan l'homme

Je vais faire court. Je le connais pas personnellement. Voilà ce que je peux en dire : classique dans l'âme, Christopher Nolan a étudié la littérature anglaise à l'University College London. Pour avoir plus de chances d'être reçu au concours d'entrée, il s'est débrouillé pour naître à Londres en 1970. Les savoirs techniques acquis lui ont permis de développer des scénarii dense dont celui de Following reposant sur un twist final qu'il a financé pour 6 000 dollars.


Christopher Nolan le scénariste ou un thème récurrent au centre de toutes les intrigues


Les personnages sont toujours conduits par une obsession qui peut jouer en leur faveur, être dirigée ou se retourner contre eux. Manipulés, manipulables ou manipulant, les protagonistes principaux de ses histoires sont tous hantés par le contrôle. Following en 1998, Memento en 2000, Insomnia en 2002, les Batman en 2005 et 2008, The Prestige en 2006 et Inception en 2010, montrent des individus essayant d'échapper à une tromperie, en créant une ou se faisant duper. Ils cherchent tous à bâtir une illusion servant leurs intérêts, à découvrir les rouages de la construction du leurre pour se libérer ou la retourner contre l'illusionniste.


La forme ne change pas

Christopher Nolan a adopté des modes de narration bien particuliers pour exploiter les divers aspects des thématiques de la manipulation.
  • Nolan commence ses récits par une scène en flash-back ou par un extrait de la fin (Memento, Inception, ...) dirigeant ainsi l'immersion du spectateur dès les premiers instants de la narration.
  • Le spectateur cherche alors à connaître tous les rouages de l'histoire. Sa logique est  calquée à celle des personnages des histoires. Le spectateur "fait corps" avec les protagonistes.
  • Des monologues explicatifs à teneur philosophique introduisent et/ou concluent ses métrages (The Dark Knight).
  • Néanmoins, en fin de récit, un dialogue entre deux personnages clés peut se substituer à la déclamation solitaire (The Prestige, Inception, ...).
Ainsi Nolan reste fidèle aux idées précises qu'il s'est donné pour construire un récit comme il l'explique dans cet extrait du magazine Wired : 

Nolan : "I think the only way to make ambiguity satisfying is to base it on a very solid point of view of what you think is going on, and then allow the ambiguity to come from the inability of the character to know, and the alignment of the audience with that character." ...
(Traduction) 
Nolan : "Je pense que la seule façon de créer une ambiguïté satisfaisante est de la baser sur un solide point d'encrage de ce que vous pensez être en train de se passer, et ensuite de permettre à l'ambiguïté de venir de l'incapacité du personnage à savoir, et l'aligner sur l'audience avec ce personnage."

Nolan cultive les niveaux de connaissance du spectateur et du protagoniste de son récit en les faisant partager les mêmes savoirs et ignorances. Nolan agit ainsi en réalisateur omniscient. Il dissimule aux personnages et au spectateur les mêmes informations afin que leur quête d'apprentissage les emmène ensemble à leur terme.


Christopher Nolan le réalisateur ou la forme ne change pas


Christopher Nolan construit ses récits (mis à part Memento écrit par son frère Jonathan Nolan) sur le même mode et les filme de la même façon. Il a des tics de mise en scène suggérant que toutes les/ses histoires valent la peine d'être racontées sur un mode identique.
  • Sa réalisation est descriptive.
  • La caméra n'est utilisée ni dans sa fonction narrative ni dans sa fonction discursive.
  • La direction du regard ne s'intéresse qu'à la lecture de l'action/script.
  • La notion de point de vue n'est prise en compte qu'à l'écriture scénaristique. L'action dicte les choix d'angle de vue, de cadrage et de durée de plans.
  • Le dialogue transmet l'essentiel des informations.
  • Il présente presque toujours ses personnages par des gros plans des mains performant un acte pour les caractériser.
  • Des faux raccords à 180° viennent saper la construction illusoire de ses métrages (Batman Begins, The Prestige, ...) lorsqu'un personnage se retrouve face à une audience.
  • Il filme également le plus souvent les acteurs en gros plan avec l'arrière-plan flouté lors des scènes de dialogue. Cet arrangement technique sert un sur-découpage des scènes de discussions en champ contre-champ dont le seul souci est le rythme ; d'où l'utilisation fréquente d'une caméra tournant autour des acteurs.
  • Cette mise en scène de Nolan obsédée par le rythme est appuyée par la musique d'Hans Zimmer depuis Batman Begins. Lourde et fortement sonore, elle sert les soucis du cinéaste de ne pas perdre l'attention du spectateur et conserver un rythme rapide.
  • Quelque soit l’œuvre, les plans durent rarement plus de 10 secondes.
  • Nolan utilise des hard cuts comme mode transitionnel entre les scènes.
  • Les récits n'ont pas de temps morts dans leurs déroulements.
  • Aucune scène n'étire la durée et ralentit le rythme haletant de ses longs-métrages.
Ces répétitions dans la mise en scène indiquent que Nolan ne se pose pas la question de savoir comment son récit, telle scène, telle séquence, tel plan doivent être filmés. Les tenants et aboutissants de l'art visuel lui échappent dans d'autres domaines que le descriptif. Il essaie avant tout de faire tenir son récit dans un format préconçu pour captiver l'audience, et non pour raconter une histoire.


Inception

Inception n'échappe pas à la règle de la mise en tension et du modèle de fabrication de Nolan. Le film débute par un morceau de sa fin. Les premiers éléments caractérisant le personnage de Saito sont définis par un gros plan sur ses mains. La musique de Zimmer marque le rythme à grand renfort de trompettes. Sont présents les scènes et plans courts, hard cuts, obsession du personnage, alignement du spectateur sur le protagoniste principal, illusion servant un intérêt, etc ...

L'univers d'Inception possède une grande quantité de faits qui sont expliqués à grand renfort de dialogues afin que le spectateur puisse maitriser tous les enjeux. Ce travail a nécessité une écriture foisonnante. Le scénario d'Inception a connu diverses évolutions durant les 10 années consacrées à son achèvement par Christopher Nolan. La mise en images est concentrée à retranscrire et à démontrer les dires des protagonistes. Autrement dit, Nolan peut remercier l'avancée technique qui a permis l'insertion et la synchronisation de la bande sonore sur la pellicule 35 mm en 1927 car Inception est le film d'action le plus bavard de l'histoire de l'humanité. Il faut ingurgiter à grand rythme un nombre impressionnant d'informations. Le spectateur respire avec peine, s'essouffle ou passe deux heures en apnée. A moins de lire les sous-titres, cligner des oreilles et vous serez perdus.

Il ne manque qu'à découvrir qui manipule qui dans Inception.

3 commentaires:

  1. Excellent article !

    Nolan ressemble à un mélange entre Aki Kaurismaski et Clovis Cornillac. Comme ses personnages c'est un control freak. Mais c'est surtout un gros tocard qui fait des films destinés aux ados fanas de sur-interprétation :)

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  2. Et j'aime ton analyse de la non-mise-en-scène de Nolan ! J'avais oublié de le dire.

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  3. C'est surtout Nolan qu'il faut remercier pour ses lacunes artistiques. Je ne suis qu'un humble spectateur.

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