La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

mercredi 11 avril 2012

Twixt

Un bol d'air frais

Le texte qui suit dévoile des moments clés de l'intrigue. Ne pas lire avant d'avoir vu le film si vous estimez que cela gâcherait votre plaisir.

Twixt, Francis Ford Coppola, 2011, USA.

Francis Ford Coppola offre avec Twixt un exorcisme de ses propres démons. Alors qu'il voulait tourner un film comprenant une jeune femme se disant vampire, des enfants sortant de leurs tombes et Edgar Allan Poe, un sentiment de culpabilité a ressurgi pendant l'écriture du scénario. Son fils Gian-Carlo est mort en 1986 d'un accident de hors-bord et, à l'époque, Francis n'a pas affronté ce sentiment de responsabilité (il n'a pas accompagné son fils faire du bateau ce jour-là) qui a donc pesé sur sa conscience pendant 25 ans. Allié à la volonté de terminer sa carrière en réalisant des films d'étudiants (interview donnée au Figaro, avril 2012), Francis Ford Coppola livre un Twixt cathartique très personnel à petit budget dont les clés sont présentées sous forme de puzzle.

Val Kilmer incarne Hall Baltimore alias Francis Ford Coppola

Hall Baltimore, écrivain méconnu (incarné par Val Kilmer, lui-même revenant sur les écrans tel le sentiment de culpabilité de Coppola), effectue un travail de promotion de son dernier ouvrage sur les sorcières. Il arrive dans une petite bourgade américaine, un endroit où l'ordre ne règne pas, un refuge pour vagabonds, adolescents fugueurs et autres cultes diaboliques. C'est alors que Hall Baltimore se retrouve tout aussi bien plongé dans ses rêves que dans un espace où le temps est différent selon le point de vue (voir le clocher-horloge de l'endroit) à la recherche de l'identité d'un meurtrier qui a plongé un pieu dans le cœur d'une jeune femme. Guidé par son modèle Edgar Allan Poe, pressé par la sortie des enfants de leur tombe (un secret enfoui refait surface) et vampirisé par une double-présence de 2 jeunes femmes décédées (la fille de l'écrivain est morte dans un accident de hors-bord), l'enquête vire à la catharsis personnelle.

Par le biais de ses problèmes d'auteur en manque d'inspiration, Hall Baltimore replonge dans le passé. Il est guidé par Edgar Allan Poe, auteur du Le Corbeau, un poème sur la perte de l'être aimée et sur un chagrin mélancolique se concluant par la mort. Ressurgit l'accident qui a conduit au décès de son enfant. Ce dernier s'impose à sa conscience en exigeant une résolution (les enfants sortant de la tombe et le cadavre de la jeune femme).

Là où d'autres seraient davantage marqués par la figure du fantôme ou du zombie, le vampire représente dans Twixt le sentiment de culpabilité. Dans l'histoire de crime, le vampire est la treizième enfant, celle qui s'est échappée du massacre des douze enfants qui ressortent de leur tombe pour interroger la conscience de Hall Baltimore. Cette vampire, la victime et la fille de l'écrivain, existe hors du temps. Le vampire vit éternellement. Comme les douze enfants représentent les douze heures de l'horloge et le retour du temps qui passe s'imposant à Hall Baltimore, le vampire est la treizième heure, celle qui n'est pas affichée sur aucune horloge mais qui hante son mécanisme et dérègle complètement le temps et sa perception. Francis Ford Coppola avait enterré dans sa mémoire l'incident menant au décès de son enfant. A un niveau inférieur de la conscience, le sentiment de culpabilité maintient "en vie" le mort, retenu prisonnier en l'écrivain par l'entretien de remords hasardeux. Douze enfants, douze heures, douze morts, c'est bien le temps chronométré qui est assassiné par la mélancolie et la rage de l'auteur.

En rêve, la victime du meurtre se présente elle-même à Hall Baltimore en tant que vampire. Telle le souvenir de sa fille et l'irrésolu entourant sa mort, elle est supposée sucer son sang, sa vie et son talent d'écrivain. Sa ressemblance avec son enfant permet d'établir le lien avec sa consommation d'alcool qui ruine sa force créatrice. Cette jeune femme tuée d'un pieu dans le cœur est la victime du représentant de l'ordre, d'un ordre qui s'acharne à maintenir l'ordre par la violence (un enfant doit "normalement" survivre à ses parents), au point de tuer (de refouler le souvenir) le raccord au temps qui passe et d'apporter la résolution au sentiment de culpabilité qui ronge l'écrivain. Comme il n'aurait pas fallu que cette fille meurt (le fils de Coppola), pour maintenir en vie le sentiment de sa présence (en rêves), pour l'empêcher de passer de l'autre côté du fleuve et de rejoindre Flamingo alias la mort (en traversant le Styx ?), cette jeune femme est assassinée. Or il est bien connu qu'il faut laisser les morts partir. Et Twixt a peut-être permis à Francis Ford Coppola de le faire par ce moyen détourné qu'est la narration.

2 commentaires:

  1. Je rajoute que le shérif incarne une autre figure du guide (autorité + mauvais écrivain) qui conduit vers la tuerie (le MAL) du problème enfoui alors qu'Edgar Allan Poe, grand auteur > autorité, guide Hall Baltimore vers la résolution (le BIEN).

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  2. Merci pour ces explications qui ont un peu éclairé mon esprit sur ce film, parce que je l'ai vu récemment et je n'avais vraiment rien compris ... enfin, surtout je n'avais pas compris le fil conducteur et où l'auteur voulait nous emmener ..

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