La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

samedi 29 septembre 2012

Resident Evil Retribution

Ce Resident Evil Retribution présente quelques interrogations en début de pelloche. Comme les autres, il s’essouffle dans le développement. Comme les autres, il n'y a rien à espérer d'autre que de la violence gratuite. Comme les autres, le final promet un gros morceau de baston épique pour l'opus suivant ...

Milla Jovovich incarne Alice et s'amuse
Resident Evil Retribution, Paul W.S. Anderson, 2012, Allemagne-Canada.

Que tous ceux qui recherchent contenance et crédibilité en tant que spectateur de cinéma n'aillent pas voir Resident Evil Retribution est une évidence. Que tous ceux qui sont prêts à s'enfiler des mises à mort stylisées de zombies par Milla Jovovich en tenue moulante ne se privent pas d'aller payer (pas cher) sa place de cinoche en est une autre.

Personnellement, j'ai apprécié le premier de la série. Resident Evil par Paul W.S. Anderson mélangeait qualités et défauts de sorte que ces premières prenaient le dessus. C'était il y a dix ans. Le second, Resident Evil Apocalypse par Alexander Witt, ne m'a pas encouragé à voir le troisième Resident Evil Extinction par Russell Mulcahy. Paul W.S. Anderson ayant repris les commandes, je me suis de nouveau affilié avec la série. J'ai ainsi découvert que le troisième volet est, à ce jour, le mieux construit des cinq et j'ai fait connaissance avec le tournant décisif qu'a pris la série en regardant le quatrième opus.

Ce dernier est un pur délire fantaisiste qui n'a plus aucun point commun avec l'univers concret et les Resident Evil de Capcom. Alice se promène en petit avion biplace d'Alaska en Californie, sans jamais faire le plein, et en tenant un journal vidéo de bord pendant qu'elle pilote. Elle sort ses pistolets dès que le vent la décoiffe et prend en pitié des prisonniers enfermés dans un gigantesque bâtiment carcéral construit en plein milieu d'une banlieue résidentielle de Los Angeles. a noter, une séquence à Tokyo en début de long-métrage. Pendant ce temps, les dirigeants et sicentifiques d'Umbrella Corporation continuent leurs expériences avec le virus T (et autres) même si le monde brûle dans un feu apocalyptique et qu'ils ne sauveront personne d'autre qu'eux-mêmes. Mais, je ne pourrais vraiment pas vous mieux décrire l'hérésie intéressée qui transcende au rang de mauvais goût de choix l'action, les décors, les dialogues et les personnages de cette pelloche (le quatrième de la série). Et, pourtant, ça se regarde. Il y a des choses qu'il faut voir. Oui. c'est vrai. Je ne vous mens pas. Il y a du cliché pour ceux qui n'en veulent. Vous voulez une star black de sport américain (un type bien) et un producteur hollywoodien (un sale type) parmi les survivants de la fin du monde ? Vous les avez ! Vous voulez Chris Redfield, un personnage important dans les jeux vidéos, apparaissant au quatrième épisode et qui est traité par dessus la jambe. Vous l'avez ! Et ... je me suis donc laissé tenter et charmer par cette grande déraison sans queue ni tête qui a saisi Paul W.S. Anderson pour relancer l'intérêt des Resident Evil au cinoche. Puis vint cette Rétribution qui s'affirmait comme la suite en continu de Afterlife (soit en français "Après-vie"). Je ne pouvais dire non.

La vie de Wentworth Miller après Prison Break

Bref, ce Resident Evil Retribution (par Paul W.S. Anderson, mari de Milla Jovovich et père de ses enfants) a ses qualités. La dynamique radicale des aventures d'Alice, protagoniste qui n'existe pas dans la saga de jeux vidéos, interprétée par Milla Jovovich, est la même que dans celle de l'Après-vie : Milla Jovovich, ses tenues moulantes, ses coupes de cheveux, ses galipettes en air, ses glissades et ses courses, ses regards sérieux de femme à ne pas faire chier, son goût pour les flingues, ses armes qu'elle sort d'endroits dans lesquels seuls le Saint-Esprit et le réalisateur (Paul W.S. Anderson) ont le droit de s'immiscer, le(s) décor(s) et les costumes du film, des monstres et des personnages labellisés Resident Evil, des soldats russes zombies à moto tirant à la mitraillette, un autre craquant un gros sourire en éviscérant un vivant à la tronçonneuse, des gros raccourcis et des arrangements narratifs faciles, des morceaux de bravoure déjà vu ailleurs (une référence se repère à chaque coin de cadre), un casting de série B (Michelle Rodriguez, Wentworth Miller, Ali Larter, Oded Fehr et des top-models recyclés), pas trop de temps mort, et, une organisation (Umbrella) si démoniaque qu'on a envie d'en apprécier la destruction. En y réfléchissant un peu, l'air de rien, Resident Evil Retribution (et les autres RE : jeux et pelloches) se pose contre le clonage de l'individu à des fins de tests scientifiques, contre les armes biolo-bactériologiques, contre l'exploitation de l'homme par l'homme, contre Umbrella Corporation et son égoïsme tordu au mépris de la vie humaine (le même type de message pour le respect et la liberté de l'individu était déjà présent dans le remake de Death Race par le même réalisateur anglais).

Milla Jovovich et Paul W.S. Anderson, mari et femme (merde non, c'est l'inverse)

Malheureusement, quelques idées ayant du mérite provoquent des regrets. La faute en revient à un sous-développement maladif. Le rythme "soutenu" de la pelloche a des conséquences tragiques sur les émotions potentielles à ressentir face aux événements. Le décor à la Truman Show est sous-exploité, de telle sorte que toutes les scènes "d'action" de la simulation de New York jusqu'à la remontée à la surface sont décevantes. Et surtout, la brillante idée de la relation entre Becky, une enfant clone qui croit qu'Alice est sa mère parce que sa "vraie mère" en était le clone, et Alice n'est pas du tout exploitée (vous ne ressentirez qu'un pincement au cœur et l'action W.S.Anderson/R.E./Hadida/Capcom reprend son rythme métronome) surtout que la majorité des scènes d'action (celles sans Milla Jovovich) sont bâclées et insuffisantes. La retranscription d'un âpre effort du combat pour sa survie en territoire ennemi est sacrifiée à l'illogisme dès qu'Alice trouve un partenaire de combat ou qu'elle est absente de l'écran (je précise que je ne suis pas gaga de Milla Jovovich ... je ne fais que décrire ce que j'ai vu en salles sur l'écran géant et en 3D).

Milla Jovovich, alias Alice, alias une femme qui a tout ce qu'elle veut

Et Paul W.S. Anderson, tout comme Capcom, a l'intelligence de tirer sur la corde Resident Evil jusqu'à ne plus avoir aucune idée et de les recycler toutes à l'infini, jusqu'à conclure tous ses récits épiques par des cliffhangers, alias des montées en puissance poussant le spectateur à développer une curiosité quant à la nature de l'épisode suivant ... des  morceaux de fin qui ne sont jamais résolus autrement qu'en une séquence au début de la pelloche d'après. Irai-je voir le sixième opus de la série ?, là est la question.

Argh !!!

J'adore tous les aspects épiques et violents de la série. J'aime que toutes les séquences ne comprenant pas Milla Jovovich soient bâclées. J'apprécie que des personnages importants du jeu ne sortent du néant scénaristique qu'au cinquième épisode de la série (Leon S. Kennedy par exemple et, accessoirement, Ada Wong) pour y retourner. J'adhère aux grandes inégalités des scènes d'action qui vont du risible à l'efficace. J'adule ces scènes de dialogue qui sont toutes pitoyables et qui ne permettent jamais d'éprouver quelque empathie que ce soit envers la plupart des personnages (malgré de riches idées) Et, par dessus tout, je soutiens la griffe opportuniste de Paul W.S. Anderson qui ne débande jamais, qui se fait toujours ressentir en faisant valser ces pelloches entre nanar, horreur dosée (elle est surprenante tellement elle est rare) et violence totalement gratuite. Je n'éprouve aucune haine ou mépris contre ce genre de facilités dans la production cinématographique ; un peu de légèreté vis-à-vis du 7ème Art fait grand plaisir et détend toujours l'atmosphère.

A certains moments de mon existence, il arrive que le manque de finesse d'Anderson me suffise. Le fond de commerce est honnête. La forme varie. En d'autres occasions, il est tout simplement hors de question que l'aspect très direct de ses pelloches m'attire. J'ai mes moments ... un pour Bunuel ... un pour James Cameron ... un pour W.S. Anderson ... un pour Romero ... un pour un feuilleton polonais non sous-titré ... un pour Cassavetes ... un pour David Lean. Et oui, il y a des moments où je préfère cette bande de feignasses opportunistes et leurs nanars des familles aux ambitions de commerce international aux grandes œuvres de grands artistes. En somme, c'est pourri mais, vu que j'ai payé ma place plein tarif, ça passe le temps.

samedi 15 septembre 2012

La sélection du mercredi (2de partie)

La bande-annonce de Le jour de la grenouille a provoqué en moi une impression familière. Autant j'apprécie grandement Josephine de Meaux qui interprète à la perfection des rôles comiques, autant les histoires d'amour au cinéma ne me font jamais rêver aussi dramatiques soient-elles.









La bande-annonce de Ombline montre une fois de plus qu'une maladie s'est répandue parmi les actrices à la jolie plastique moins douées que les autres. Ce virus à la mode consiste à incarner un personnage défendant son enfant coûte que coûte, contre le monde, les forces surnaturelles, les administrations gouvernementales, et autres ... L'aventure ne saurait se vivre avec maquillage. Après Jessica Biel avec The Secret, Melanie Thierry s'y colle dans Ombline.







La bande-annonce de La dette avait de quoi me faire déplacer en salles. Durant la première partie, j'avais quelque espoir de voir se nouer un drame à la polonaise ; l'aventure se déroulant en Pologne réglant ses comptes avec le communisme et le mazisme. Il était temps. Mais la seconde partie de l'encas promotionnel dévoile le fils, défendant son père accusé d'être un ancien agent infiltré, creusant un trou dans une maison de campagne. Comme cela, l'air de rien, on peut se méprendre. Un plan fait toute la différence. Il se peut bien que La dette se résolve "à l'américaine" : sur un mode "le père était coupable, tout le monde avait raison de l'accuser et le fils défendait son père en toute logique". Reste à savoir si le descendant déterre des preuves pour découvrir la vérité ou pour les enterrer. Un plan de trop dans cette bande-annonce qui propose peut-être une résolution d'intrigue banalisée. Sinon j'aime bien les vindictes populaires ; elles ont leurs places dans une histoire ayant un lien avec le communisme et le nazisme.

L'image ci-dessus n'est pas l'affiche du film.




mercredi 12 septembre 2012

La sélection du mercredi (1ère partie)

La bande-annonce de Camille Redouble me laisse sans voix. Mes neurones n'arrivent pas à se connecter pour véhiculer des mots et des idées qui pourraient se développer en phrases. Seule une impression de sidération domine. Je ne pourrais même pas critiquer la bande-annonce en soi ; le contenu est responsable de mon manque d'inspiration. Une chose a du mal à sortir, une chose qui s'exprime assez couramment sur internet sous la forme WTF?! (traduction française : "qu'est-ce que c'est que ce truc ?"), et qui est destiné à Noémie Lvovsky.





La bande-annonce de Des hommes sans loi ne m'inspire pas. A part la présence de la plastique de Jessica Chastain au générique, plusieurs hommes tirant la tronche et ayant des attitudes viriles s'affrontent en costume d'époque première moitié de siècle US. Et, bien que le texte souligne que la violence n'est pas l'intérêt de la bête, des hommes sans loi vont tester leurs limites (jusqu'à l'immortalité) ; c'est le principe de base qui fait sentir l'odeur de la poudre à canon. Ça sent le mensonge promotionnel à plein nez. Il n'y a probablement rien d'autre à voir en salles que Gary Oldman portant la mitraillette, Guy Pearce n'ayant plus de sourcils, Tom Hardy étant un Bondurant baraqué (m'est d'avis que son protagoniste meurt) et Shay Leboeuf incarnant un Michael Corleone du pauvre.


La bande-annonce de Voisins du troisième type commence plutôt bien. Elle laisse présager une gentille satire sur les méfaits des milices de surveillance de quartier et sur la vacuité de la vie en banlieue de classe moyenne. Puis intervient une invasion d'extra-terrestres. Faut-il voir un parallèle entre ces nuisances d'un autre-monde et nos zélés comiques de service ? Le doute me ronge. Je pense que ces énergumènes (Stiller, Vaughn, Hill et Ayoade) sont les héros de cette pelloche. Ce qui est bien moins drôle que d'espérer une nouvelle comédie dans le genre de The Burbs (1989) de Joe Dante avec Tom Hanks.

vendredi 7 septembre 2012

La sélection post-DarkHorse du mercreuvendredi

Cette semaine est pleine de nouvelles fraiches sensationnellement nouvelles ! Certaines sont bonnes ! Mathieu Kassovitz joue un méchant ! Jean-Pierre Bacri n'a fait qu'un film cette année ! Joseph Gordon-Levitt sait pédaler ! Jessica Biel a un drôle de nez ! Un algérien parle français au Québec ! William Friedkin réalise un film "sombre" ! Quentin Dupieux sort une pelloche qui n'a qu'un seul terme dans son titre ! Après Steak et Rubber, voici Wrong ! Quentin essaie-t-il de nous livrer une message d'auteur subliminal ? Les steaks en caoutchouc sont-ils mauvais pour la santé ? Que de courage pour braver tous les obstacles, l'ami ! Les corporations ne t'auraient jamais laissé tranquille si tu les avais surpris avec une attaque frontale ! Robert de Niro est un acteur qui ne connait pas le chômage !

La suite !

Comme d'habitude, les bandes-annonces de la semaine en racontent beaucoup trop. Elles ne laissent aucun plaisir à la découverte. Il faut constater avec peine que les professionnels de la promotion ne savent pas donner envie sans assurer au spectateur potentiel que tout ce qu'il verra en salles après avoir payé son ticket d'entrée est bien ce qu'il a vu dans la bande-annonce. Comme d'habitude donc, je n'aurai aucune pitié.



Ainsi donc, Daniel Auteuil, alias Matéi, alias le flic du moment, cherche à découvrir l'identité d'un individu qui a toujours une balle de sniper pour les policiers et qui pisse sur le système. On sait tous de qui il s'agit : Mathieu Kassovitz. Pas de mystère donc pour ce polar redondant dans ses questions et grillé sur sa réponse.







Ainsi donc, Jean-Pierre Bacri, alias type à dilemmes, alias richesse première en stress constant, alias fils de Claude Rich dans Cherchez Hortense, alias magistrat ayant une réplique favorite : "Tu crois que tu peux rentrer ici ?", alias excentrique banalité, parle à Isabelle Carré dans la rue et part de réunion plus tôt que prévu car il est rongé par une question : peut-on traiter de con de fasciste un policier en plein contrôle d'identité ? Bien sûr que non. Il s'en pose donc une autre : peut-on dire quelque chose sans que quelqu'un en pâtisse ? Personnellement, je ne crois pas. 


Ainsi donc, Jessica Biel aime Martyrs de Pascal Laugier. Rappel : elle est déjà tombée amoureuse de Justin Timberlake, l'homme parfait pour prôner l'abstention en Afrique pour prévenir contre les dangers du SIDA (palmarès de drague du bonhomme : la défloraison de Britney Spears, Cameron Diaz, Fergie, Kristin Bell, Lauren Graham, Kate Hudson, Rihanna, Olivia Munn, Scarlett Johansson, Janet Jackson, et tout un charter de prostituées roumaines dont on n'a jamais découvert les identités ... rappel d'une information non vérifiée : elles ont été toutes retrouvées mortes asphyxiées). Jessica a donc accepté de jouer dans The Secret, dernier bastion du classicisme dans l'horreur (esthétiquement parlant), limite film à oscars, et ce sans maquillage (le lien Allociné vers l'interview de la grande supportrice de la frange). Preuve en est que Jessica Biel croit en l'amour comme en l'impossible parcours d'une pelloche dont personne n'a rien à foutre mais qui lui ferait atteindre le summum à Hollywood. Personnellement, je lui ai toujours trouvé une tronche à part, limite garçon manqué. Son corps musclé et sa gestuelle d'américaine déterminée m'ont toujours refilé cette fâcheuse impression de me retrouver confronter à un mec aux cheveux longs. En tout cas, elle ne devrait pas se permettre de jouer sans maquillage. Je me dirais même plus, elle n'en a pas le droit. Jessica n'est résolument pas une beauté naturelle.






lundi 3 septembre 2012

Dark Horse de Todd Solondz

Sad but true

Dark horse, Todd Solondz, 2011, USA.

La présentation de Dark Horse est somme toute classique mais son développement et sa conclusion donnent à ce long-métrage aux apparences insignifiantes, voire banales dans le paysage du cinéma américain indépendant, la consistance d'une œuvre plus complexe et subtile que la bande-annonce et sa première partie ne le laissent entrevoir.

Todd Solondz, scénariste et réalisateur de Dark Horse, a choisi de  développer son intrigue en misant sur un mélange de psychologie et de fantasmagorie. Ainsi une énième histoire de bas-lourd sans avenir vivant aux crochets de ses parents s'évite la répétition de la lourdeur déjà exploitée par d'autres obscurs auteurs. Dark Horse est en fait une comédie savoureuse où le drame émotionnel intérieur d'Abe a une dimension risible. Solondz évite donc le pathétique en vogue dans ce type de pelloches. Il préfère exposer la fantasmagorie désordonnée de son protagoniste principal Abe afin d'exposer ses problèmes et ses ridicules. Le récit s'avère ainsi intelligemment absurde, railleur au second plan, toujours fin dans ce que le cinéaste américain montre des délires et de la souffrance d'Abe. Ce procédé d'injection de psychologie dans les fantasmes réalistes d'Abe permet au film de s'élever sans peine au dessus de la masse de films moralistes et/ou conformistes, aussi sympathiques et compatissants soient-ils, sur le sujet, car Todd Solondz fait tout simplement du cinéma, là où d'autres font un cours de morale.

Avant de lire ce paragraphe, prenez conscience qu'il dévoile un élément important du film : son final. Si vous ne voulez pas me haïr ou m'accusez de vous avoir gâcher Dark Horse, ne le lisez pas. Sinon, c'est que vous me souhaitez du mal. Vous pouvez aussi sauter au paragraphe de conclusion (le dernier).

En parlant de cinéma, le final remet en question la focalisation sur le personnage principal Abe. Ceci dit, il s'agit de mon interprétation ... qui suit : Dark Horse jusqu'au plan final est le fantasme de quelqu'un. Cette pelloche est donc une œuvre d'apparence trompeuse qui expose les fantasmes d'un individu pour satisfaire le désir d'une autre. Abe est une création imaginaire. Et il ne s'agit pas de celle du metteur en scène : pas de méta-cinéma dans Dark Horse. Victime de ses propres fantasmes, Abe est en fait victime d'être le sujet du fantasme d'autrui. Je me garde néanmoins le plaisir de dévoiler l'identité de cette personne : quoique je pourrais le faire mais je n'ai pas envie ^^. Sachez qu'il s'agit de quelqu'un qui voudrait d'Abe, de quelqu'un qui rêverait de lui, de quelqu'un qui l'aurait créé dans son esprit, de quelqu'un qui souffre d'une inassouvie envie d'amour. Cette conclusion est dramatique, j'en conviens ... mais j'ai le sens du drame. Et à tout prendre, Dark Horse rappelle qu'il y a des demoiselles qui rêvent d'un gros fainéant caractériel et immature pour danser avec elles dans un living-room douillet et pour leur donner tout leur amour (mais, puisqu'il y a bien un obstacle, peut-être que la proximité avec un certain modèle de réussite est trop important pour satisfaire tous les autres désirs, tous les désirs les plus singuliers, tous les désirs les plus anticonformistes).

Et, rappelez-vous, Moi, j'aime la morue.

Christopher Walken, grand acteur dans un grand film

Dark Horse est une très belle œuvre. Todd Solontz propose un tendre et triste récit. Toute son intelligence d'artiste est mise au service d'un sujet rabattu avec lequel il signe l'un des films américains indépendants les plus aboutis depuis longtemps. Son style minimaliste est d'une redoutable efficacité. Ceux qui ont vu et aimé Happiness -1997- et Bienvenue dans l'âge ingrat -1995- connaissent déjà sa griffe aiguisée, tranchante et saignante, sa maitrise du geste et sa vue de lynx. Dès ses prémices, Dark Horse est lancé sur de bons rails et il atteint sa grâce dans son développement et son final. Et après, deux choses restent en tête : "sacré film" et l'expression "sad but true", c'est-à-dire "triste mais vrai" (et moi, je respecte ça).