La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

lundi 31 octobre 2011

M le maudit : anniversaire partie

Lundi 31 Octobre Rouge 2011
Octobre Rouge #27


M le maudit, Fritz Lang, 1931, Allemagne.

M le maudit est la quintessence du film parfait. Rigoureux, précis, sobre et efficace. Suggestif à propos. Figuratif quand besoin est. D'une tension dramatique à couper le souffle. Moins ostentatoire et pompeux que Citizen Kane qui remporte le titre de meilleur film de l'histoire du cinéma tous les ans, ce qui devrait arriver à M le maudit (Citizen Kane pourrait se contenter d'une place de second mais il est un sale égoïste). Le long-métrage de Fritz Lang inspiré des procès de Firtz Haarmann et de Peter Kürten est étudié et présenté comme modèle dans toutes les écoles de cinéma/université. A juste titre. Il est une œuvre qui apprend ce qu'est le 7ème art à elle toute seule.

Passons à autre chose, pour célébrer M le maudit, je vais le comparer à un autre film qui se résume à une lettre V pour Vendetta alias V ... ou quand des extra-terrestres lézards se griment comme Guy Fawlkes pour faire péter le parlement anglais devenu tyrannique tout en stockant de l'amerloque pour fêter cela en le bouffant en apéro.

Songez qu'il est bien vrai qu'aucune attaque extra-terrestre n'a jamais eu lieu du temps du fascisme ou du totalitarisme, toutes les histoires d'envahisseurs étrangers menacent toujours la liberté d'un pays parfait (essentiellement démocrate ou parlementaire). Comme si le spectateur avait besoin d'un gentil auquel s'identifier dans une grosse baston générale. Si les lézaroïdes de l'espace se frittaient avec des nazis, des tueurs en série et des armées de dictateurs juste pour le plaisir de savoir qui est le plus fort, moi, je me dirais que le héros est moi-même en visionnant comme un voyeur pacifique pacifiste auto-satisfait de ma quiétude, de ma sagesse et de mon intelligence une bande de cons se taper dessus. Les E.T. seraient bien sûr aussi méchants que les nazis. Voir se friter jusqu'à la mort deux groupes que je souhaite voir souffrir me plairait énormément. C'est mon anniversaire. Je lance un appel à qui veut bien l'entendre (toi, cinéaste en devenir ... pour me faire un cadeau). Et fais mieux qu'Alien vs Predator. Je ne sais plus quel rigolo (la doublure britannique du comique américain Paul Anderson, le Luc Besson londonien) a décidé de mettre une histoire là-dedans. Il a fait des aliens de pauvres victimes mises en esclavage de méchants predators pas si méchants que ça. Ce truc n'est pas un exemple à suivre. Oui, pourquoi pas un spectacle totalement débridé de nazis et d'aliens qui se flinguent la tronche ... pas de gentils, que des méchants ... dans le genre gore, aucune restriction ... à la fin, sont tous morts ... j'en aurais eu pour mon pognon ... Bref ... 

V pour Vendetta vs M le maudit : y a pas photo ! M l'emporte haut la main ; il est le meilleur film de tous les temps. La lettre V arrive plus tard dans l'alphabet ... c'est pour cela que je n'ai pas mentionné Z.

Je rassure les plus indécis. Je n'ai pas viré tcharbé parce que je vieillis. Ce texte est une mine d'or. Vive M le maudit !!! Et, pour ceux qui pensent qu'à mon anniversaire, je n'ai rien de mieux à faire que regarder M le maudit, je leur réponds que je vais regarder Memories of Murder en supplément ... parce que c'est aussi Halloween !

dimanche 30 octobre 2011

Die Zärtlichkeit der Wölfe / La tendresse des loups

Dimanche 30 Octobre 2011
Octobre Rouge #26

Son procès fut spectaculaire. Il a été l'un des premiers événements médiatiques en Allemagne. La presse l'a baptisé d'affreux surnoms : L'Homme-Loup, le Vampire, le Loup-garou. Il a été inculpé pour les meurtres de 1 garçon et 24 jeunes hommes et il a été guillotiné en 1925. Fritz Haarmann était un tueur en série ayant sévi à Hanovre (Basse Saxe, Allemagne) durant l'entre-deux guerres. Il tua Friedel Rothe en 1918 mais l'essentiel de ses crimes se déroulèrent en 1923 et 1924. Il prenait pour victimes de jeunes hommes (fugueurs et prostitués) avec lesquels il satisfaisait ses penchants homosexuels avant/en même temps de les mordre à la gorge à pleines dents. Haarmann était un vendeur sur le marché noir (il se murmure qu'il aurait fourgué de la viande humaine en porc de conserve) et un informateur régulier de la police ; il n'a pas été suspecté alors qu'il l'aurait du, certaines des victimes ayant été vu pour la dernière fois en sa compagnie. L'idée qu'un homme fréquenté quotidiennement puisse être un tueur en série était inconcevable (comme pour beaucoup des cas de serial killers, par exemple Belle Gunness). Mais la découverte de 500 os humains, soit 22 squelettes, dans la rivière Leine en mai et juin 1924 ont conduit à une intensification de l'investigation sur les disparitions et à une arrestation en flagrant délit du boucher de Hanovre.
 
 
Die Zärtlichkeit der wölfe, Ulli Lommel, 1973, Allemagne.

Produit par Rainer Werner Fassbinder, La tendresse des loups est un film réalisé par Ulli Lommel qui narre l'histoire d'un tueur en série homosexuel servant la viande des cadavres à un groupe d'amis cannibales. Ce récit d'horreur permet au metteur en scène de décrire la situation sociale de l'Allemagne suivant la Grande Guerre. Je vais reprendre un mode critique déjà utilisé. En 50 points, je vais décrire ce qu'a du faire Kurt Raab (Fritz Haarmann dans le film) pour mériter son chèque :

1. se raser le crâne ... ou pas
2. faire une ombre sur un mur en marchant dans une rue la nuit
3. coucher dans le même lit qu'un jeune homme nu
4. recouvrir des os humains d'une étoffe
5. se prendre une baffe
6. être enrôlé comme informateur par une police de cinéma
7. descendre un escalier à moitié éclairé
8. parler avec Wolfgang Schenck qui, lui, s'est laissé pousser (ou a pu conserver) la barbe pour son rôle de commissaire
9. mettre un chapeau
10. attraper un gosse par son écharpe
11. téléphoner
12. vérifier des faux passeports de figurants
13. dire "danke schön"
14. garder une main dans l'ouverture de son imperméable
15. se mordre la lèvre inférieure
16. avoir une énorme croix noire accrochée à un mur de son appartement de cinéma
17. se tenir derrière un jeune homme blond en souriant
18. lui retirer son marcel bleu clair
19. l'allonger dans un lit
20. ne pas rire à un repas de cannibales où chacun rit tout seul dans son coin
21. taper dans ses mains en rythme (et rire finalement)
22. porter une robe de chambre dorée avec une écharpe de soie rouge
23. apprendre à un macro homosexuel à se comporter en homme
24. se faire appeler "meurtrier"
25. se faire embrasser sur la bouche par un homme
26. montrer qu'il aime ça
27. porter une valise
28. s'habiller en prêtre
29. monter un escalier en plein jour
30. écouter un enfant lui chanter "prends-moi ! moi aussi je veux jouer !"
31. mettre un bonnet bleu à un autre enfant
32. porter 2 petits corps enroulés de linge blanc
33. les jeter dans une rivière
34. être épié et suivi par Margit Carstensen
35. nettoyer une table
36. relever la mèche de cheveux d'un adolescent
37. se déguiser en femme
38. faire semblant de mordre au cou l'adolescent
39. le caresser
40. lui enlever ses vêtements
41. l'embrasser
42. le traîner dans sa chambre
43. s'allonger sur lui
44. porter des bretelles
45. servir du champagne à Jeff Roden
46. voler du linge
47. se faire frapper par Rainer Werner Fassbinder
48. observer un jeune homme nu se tenant au bord d'une rivière
49. glisser sa main dans le pantalon du jeune homme
50. faire semblant de le mordre au cou

Angst

Dimanche 30 Octobre 2011
Octobre Rouge #25

Angst, Gerald Kargl, 1983, Autriche.

Werner Kniesek, né en 1946 de l'union d'après-guerre d'un soldat afro-américain et d'une veuve autrichienne, était, selon ses propres termes, insatiablement accroc à la peur qu'il provoquait chez les femmes. Pourtant gâté par sa mère et décrit par elle comme un gentil garçon très mignon ("petit bébé noir mignon"), Kniesek a tué 3 personnes (la veuve Gertrud Altreiter, son fils handicapé et sa fille) en 1980. Il les a retenu captive dans leur maison de St. Poelten à sa sortie de prison après 10 ans d'incarcération pour tentative de meurtre sur une femme de 73 ans. Il avait déjà été incarcéré à l'adolescence de 16 à 18 ans. Il avait poignardé sa propre mère et l'avait laissé dans un état critique. Les psychiatres qui l'ont examiné l'ont qualifié d'"extrêmement anormal sans être malade". Depuis son procès, Kniesek est considéré comme un tueur de sang froid plus qu'un tueur en série mais les caractéristiques de ses crimes précédant sa percée meurtrière sont symptomatiques d'un goût ("d'une luxure pour le meurtre" selon ses termes) pour infliger la mort ; il disait ne jamais vouloir arrêter (ce qui aurait fait de lui un tueur en série s'il n'avait pas été incarcéré). Je ne décris pas les détails des sévices qu'il a infligé aux victimes puisqu'elles constituent une bonne partie de l'intrigue d'Angst qui contient de la violence graphique explicite.


L'esthétique d'Angst (en français intitulé Schizophrenia) est ce qui caractérise le film et le différencie de beaucoup de long-métrages. Le travail de distanciation vis-à-vis du sujet empêche une identification au tueur. La caméra vise le sujet Kniesek essentiellement en plongée (le regard divin et omniscient concentré sur l'action permet de garder ses distances) et en caméra embarquée (point de vue soulignant l'esprit de Kniesek replié sur lui-même). Quelques regards caméra sont présents (de la part de protagonistes extérieurs à Kniesek ... cette utilisation de faux raccords permet d'empêcher toute immersion dans l'oeuvre) pour exposer son état mental lié à ses intérêts et ce qui semble être un délire égocentrique (ou paranoïaque). Ces choix techniques font néanmoins connaître des difficultés au plaisir de spectateur : certaines images sont tremblantes (notamment les travellings en plongée dans la rue).



Mais Angst est concis. La courte durée de 1 heure 15 colle au caractère compulsif et direct de Kniesek. La compréhension est aidée par l'apport d'une voix off paisible, fluide, agréable et plate qui est la sienne se racontant en monologue. Elle est en dissonance dans les phases de crimes. Les aléas de l'enfance que Kniesek raconte sont mis en parallèle avec son comportement violent. En voix off, Kniesek trouve la force d'agir dans les torts commis envers lui au passé (comme s'il utilisait ses souvenirs pour se motiver et se distraire). A l'écran, l'explication de ses actes trouve ses racines dans les mouvements erratiques et sans but d'un tueur animé par la peur (la Angst du titre est celle du personnage) et le goût pour la retrouver en l'autre. Loin d'être rationnel et raisonnable, Kniesek est dépeint comme un homme se laissant facilement submergé par ce qui l'entoure (comme le petit chien). Le récit provoque un trouble d'insécurité en suivant un tueur au caractère dangereux et imprévisible (il trouve ses moyens de tuer en improvisant) et ne choque que par la monstration des tortures infligées.



Angst a influencé des cinéastes tel Gaspar Noë qui l'avoue fièrement, et, probablement Michael Hanneke pour Funny Games qui raconte le même enfermement de victimes et de déchainement de violence en Autriche. Mais Angst a tout de l’œuvre matricielle pure et intacte racontant son histoire sans aspect poussif (il m'a même fait penser à un Orange Mécanique dépouillé en terme de discours sociétal, de costumes et de décors), et non pas dégradée par des auteurs en manque d'attention qui ont des discours méta-pompeux pour frimer intellectuellement, frileusement choquer et être invité gracieusement à Cannes. Angst peut être vécu comme un film intéressant à la forme pertinente et originale ou comme une œuvre arty moche et chiante comme la mort. C'est du 50-50.



Le film n'est plus difficile à trouver en France (il existe un DVD français aux éditions Carlotta sorti sous le titre Schizophrenia) dont voici la bande-annonce. Elle donne le ton de l'esthétique d'Angst :

samedi 29 octobre 2011

Arsenic & vieilles dentelles

Samedi 29 Octobre 2011
Octobre Rouge #24

Arsenic & vieilles dentelles, Frank Capra, 1944, USA.

Avez-vous jamais travaillé la nuit ? Avez-vous jamais travaillé la nuit en apprenant juste avant votre service que le changement d'horaire rajoute une longue heure à votre peine et qu'elle ne sera pas payée en supplémentaire ? Vous êtes-vous donc déjà senti attaché à une chaise, bâillonné et saupoudré d'arsenic par 2 tantes folles ? Moi oui, cela vient de m'arriver ce soir en arrivant au boulot.

Blague mise à part, je voulais parler d'Arsenic et vieilles dentelles durant la phase Octobre Rouge pour montrer que je peux rire de l'horreur de façon intelligente. Moi qui suis tombé avec force sur les échecs d'humour que sont Landru et L'auberge rouge, je ne voulais pas passer pour un sale rabat-joie. Alors qu'est-ce qui fait le succès de cette comédie screwball truculente et l'échec des 2 films français précités ? Landru et L'auberge rouge s'inspirent directement de faits divers réels dans lesquels des victimes ont bien trouvé la mort et dans lesquels des proches de victimes ont souffert de la disparition d'êtres chers, voire dans le cas des époux Martin, il pourrait même s'agir d'une erreur judiciaire. Comment rire alors ? Alors qu'Arsenic et vieilles dentelles est une farce truculente très éloignée des faits qui narre une histoire possédant très peu de vraisemblance.


Jugeons sur les faits.

Henri-Désiré Landru était un tueur en série qui a assassiné 11 femmes et le long-métrage raconte la même histoire sur un ton léger presque emphatique qui compte beaucoup sur le spectateur pour arrêter la vision du film. L'auberge rouge expose la folie meurtrière des époux Martin et de leur domestique alors que les époux Martin ont peut-être été victimes d'une erreur judiciaire ou sont tout simplement coupables. Ces 2 œuvres laissent se poser en suspension la question : "Peut-on rire de ce qui n'est pas drôle ?"
 
L'écriture de la pièce Arsenic & Old Lace par Joseph Kesselring, adaptée au cinéma par Frank Capra, a été influencé par l'affaire Vera Renczi. La "veuve noire" Vera Renczi était une très belle roumaine de famille aisée qui, dans les années 1920 et 1930, a empoisonné 2 époux, son fils Lorenzo et 32 amants à Berkerekul en ex-Yougoslavie. Elle a gardé les 32 corps de ses amants chez elle à la cave dans des cercueils en zinc par jalousie maladive. Les relations entre eux lorsqu'ils étaient vivants ne dépassaient jamais quelques mois. Elle les accusait de l'avoir trompé, de vouloir l'abandonner et de ne plus être attiré par elle. Elle a été incarcérée à vie et a trouvé la mort en prison.

Arsenic et vieilles dentelles narre les embuches au bonheur (comprendre le voyage de noces) s'accumulant progressivement pour Mortimer Brewster (Cary Grant), célibataire endurci fortement opposé à l'institution du mariage, et de sa récente épouse Elaine Harper. Mortimer Brewster doit se détacher de ses 2 tantes charitablement assassines qui offrent le gîte et le couvert aux vagabonds et désespérés de l'existence en leur proposant une solution finale avant de les enterrer à la cave. Elles ne se chargent pas elles-même de ce dernier travail. Elles utilisent leur frère, en constante personnalisation de Teddy Roosevelt, pour creuser un canal de Panama au sous-sol.


En somme, l’œuvre de Kesselring est très éloignée des faits (à ne retenir que la détermination des 2 tantes à ne pas laisser partir les seuls hommes de leur vie et l’enterrement des cadavres à la cave) et s'inscrit dans un genre fantaisiste ... Outre ses tantes charitablement assassines et son oncle Teddy qui n'est plus son oncle Brewster, Mortimer Brewster doit également conjuguer ses efforts pour traiter avec un directeur d'institution psychiatrique avide d'enregistrer de nouveaux patients dans son établissement, son épouse impatiente de partir en voyage de noces, une police de proximité tolérante et amicalement moraliste, un conducteur de taxi très compréhensible et très intéressé, et son cousin et son acolyte récemment échappés de prison.


Arsenic & vieilles dentelles est une comédie truculente au rythme soutenu et à l'interprétation parfaite (Cary Grant est au sommet de sa forme). L'intrigue va de rebondissements en rebondissements. La tension dramatique est toujours en pente ascendante. La narration d'Arsenic & Old Lace permet à la fois de rire des raisonnements irrationnels des tantes assassines trop altruiste pour être vraies et de frissonner face à leurs méfaits. Le récit mélange très habilement les genres : comédie et film d'horreur. Autant les situations sont comiques (le comique de situation est l'élément qui fonctionne le mieux dans L'auberge rouge : la scène de la grille aux châtaignes) autant Jonathan Brewster est dangereux et effrayant avec ses désirs sadiques. 

Arsenic et vieilles dentelles fait partie de ces pièces de théâtre adaptées avec succès au cinéma par des grands cinéastes hollywoodiens (Howard Hawks et His Girl Friday, Billy Wilder et The Seven Year Itch entre autres, Joseph Mankiewicz et Sleuth, Eliah Kazan et A Tramway named Desire, Alfred Hitchcock et Rope ...) et est l'une des meilleures comédies jamais réalisées. Elle répond à la question : "peut-on rire de l'horreur ?" ... non, d'où le fait de s'en inspirer très largement ... l'habile mélange des genres et la précision de l'accent mis sur des éléments faisant rire (faire une "comédie de genre comique" ne suffit à provoquer l'hilarité) permettent de distinguer les "folies" (la tendre de Teddy, la dangereuse des tantes charitables, l'inquiète de Mortimer et l'ignoble qui fait souffrir par amour de la souffrance de Jonathan) et de s'en émouvoir, et, au passage, permettent de montrer la difficulté qu'a l'amour à s'imposer dans un monde de tordus.

vendredi 28 octobre 2011

La comtesse

Vendredi 28 Octobre 2011
Octobre Rouge #23

Elizabeth Bathory était une tueuse en série tristement célèbre pour sa vanité. Entre 1585 et 1610, sa peur de la vieillesse l'a conduit à organiser la mise à mort de 50 à 650 jeunes femmes afin de se baigner dans leur sang. Le sang étant la vie, elle croyait qu'elle en tirerait le profit de la jeunesse et de la beauté éternelles. Les meurtres étaient l'aboutissement de longues nuits passionnées d'embrasements homosexuels avec de belles jeunes femmes. Au souterrain du château de Csejthe, la chambre des tortures aux murs immaculés de sang où se trouvaient des cages et de basses cellules d'emprisonnement servaient à mettre en pièces les corps des victimes servant au plaisir de la comtesse hongroise. Chair déchiquetée, doigts coupés, seins tailladés, langue, lèvres, plantes des pieds et sexes brûlés, cheveux arrachés, veines piquées à l'épingle et aux ciseaux, des cadavres ne montraient plus que les os à certains endroits, emprisonnées exsangues de leur fluide vital (et maintenues en vie dans cet état jusqu'à l'orgie fatale), tous ces éléments de torture selon plusieurs méthodes furent dévoilés au grand jour et firent se maintenir la noble Bathory dans une attitude hautaine admettant sa responsabilité sans gêne. Elle n'estimait n'avoir à répondre de rien à personne. Sa qualité de noble issue d'une famille royale puissante et crainte justifiait ses méfaits sadiques. Elle n'a jamais été jugée mais a été assignée à résidence dans une pièce de son château où elle trouva la mort en 1614.


La comtesse, Julie Delpy, 2009, Allemagne/États-Unis/France.

J'ai rarement vu une introduction de 10 minutes présenter de manière aussi agréable les éléments de la vie d'un personnage historique. Julie Delpy manie à la perfection l'art du raccourci narratif et de la concision dans l'apport d'informations. Elle décrit avec délicatesse une enfance sans innocence et prépare l'inévitable horreur avec justesse en dépeignant un univers dépourvu d'affectif ; j'ai été plongé à une époque où l'attachement émotionnel n'était pas de rigueur et où la raison intéressée primait sur tout. Situer avec précision la comtesse Bathory à son époque comme le fait Julie Delpy où la défense face aux envahisseurs forgeait des réputations et apportait des titres de gloire, où les individus tenaient leurs rangs et où la torture était de coutume (dans la cour du château où Bathory a grandi, comme le véritable Dracula), encadre le fort caractère de la hongroise aux bas instincts et compétente dans sa fonction nobiliaire. Dans les sociétés modernes, très émotionnelles et affectives, les tueurs en série passent pour des monstres. Au XVIème siècle, Bathory s'inscrit dans son temps. Une explication psychologique de l'atroce comtesse se met en place.


Malheureusement une brève rupture de rythme m'a légèrement déconcentré à la sortie de la présentation. Les scènes de seconde exposition (Bathory adulte), logiquement, s'allongent sans prendre en compte une cohérence dans le tempo. La musique et les répliques "sont facile". Le jeu d'actrice de Delpy sonne faux par rapport à l'enfant et la jeune femme qu'elle a dépeinte en tant que réalisatrice. Elle mâche ses mots d'époque. Une réécriture de mots d'esprit plus contemporains aurait été d'à-propos vu la difficulté de prononciation de l'actrice qui est plus convaincante dans les phases de monologues, les moments de silence et lorsqu'elle s'affirme de façon graphiquement expressive. Julie Delpy est également très persuasive en français et au naturel. La reconstitution d'une attitude d'époque aurait dû être dynamitée afin qu'elle ajuste complètement la comtesse Bathory à ses différents talents. Car la Bathory adulte danse sur un pied puis sur l'autre. Dû à un manque de préparation de chaque scène qui s'enfile rapidement (des transitions manquent), les différents traits de caractère de Bathory se mélangent confusément.


Le casting semble monté à l'emporte-pièce (avis personnel : Daniel Brühl n'a aucun charisme et le voir en amoureux et nu à l'écran est loin de convaincre que sa jeunesse est séduisante ... même le paradoxe de son absence de charisme avec l'attrait pour sa peau douce ne prend pas). Les rides des mains de Bathory, elles, font effet ; de même pour son reflet dans le miroir et ses disputes avec sa maîtresse. William Hurt est un acteur trop rare. Dès le baiser avec le jeune noble (petit moment de cinéma), j'ai retrouvé une intrigue et La comtesse est relancée après une nuit d'amour.



L'absence du jeune homme devient remarquable en même temps que le trouble de la comtesse se dessine. Mais certains aspects sont surlignés et des instants de poésie naissante sont gâchés. L'accent n'est pas assez mis sur l'émotion de la comtesse. Les intrigues de pouvoir parasitent son évolution dramatique.


Sur un chagrin d'amour, le film bascule dans l'horreur. Là, je tape du pied par terre : lorsque la comtesse frappe sa servante avec la brosse, du sang est aspergé sur son visage. Elle se regarde de nouveau dans son miroir. Elle est de dos. Son long manteau noir recouvre son siège. La lumière passant par l'oubliette change. Le rayon gagne en brillance et la pièce en clarté. Le lent travelling avant est de toute beauté. J'ai été ému. Le point charnière du récit est magnifiquement représenté ; Bathory qui se plaignait de ses rides se voit rajeunie grâce au sang. Et un plan vient tout gâcher. Il n'y avait aucun besoin de faire ce plan subjectif du reflet dans le miroir montrant l'effet en numérique pourri de rajeunissement que Bathory voit. L'idée passait très bien. Voilà ce que j'appelle un beau moment de poésie FOUTU en l'air par une répétition inutile. Et la voix off en rajoute ! C'est pas la première fois que ça arrive dans La comtesse ! Mais là, c'était un moment sublimé ! MERDE ! Je m'arrête là pour l'article. Une conclusion et ciao.
 
Magnifique moment de poésie gâchée

La comtesse est un film inégal parcouru de petits moments de cinéma. Beaucoup d'esquisses de poésie et de moments d'émotions sont gâchés par des phases dialoguées et figuratives surlignant l'action. Le propos que voulait souligner Julie Delpy, celui d'une femme vieillissante qui voit l'amour (lié à la jeunesse) s'éloigner d'elle, est parasité par des scènes d'intrigues politiques. Pourquoi ne pas avoir misé sur l'isolement total et la mélancolie de Bathory qui la caractérise tant ? Son trouble est néanmoins correctement compris.

jeudi 27 octobre 2011

Stay Alive

Jeudi 27 Octobre 2011
Octobre Rouge #22

Stay Alive, William Brent Bell, 2006, USA.

Resident Evil était un peu comme le Twin Peaks et le X-Files du jeu vidéo. Le Resident Evil PS était une révolution. Il m'avait fait revivre le pur moment de frousse que l'on cherche tous à éprouver pour notre plus grand plaisir. J'avais été secoué sur mon siège par la reprise au cinéma de La Nuit des morts-vivants de Romero après lequel j'étais heureux de retrouver les sons de la rue et le soleil. L'expérience s'est répétée grâce à la vision de The Thing, de Prince of Darkness et de The Fog (qui fonctionne à merveille même sur une vieille VHS pan&scané) réalisés par John Carpenter. La scène des Aventuriers de l'Arche perdue où Karen Allen passe au travers d'un mur dans le temple de l'Arche pour se retrouver entourée de cadavres m'avait fait cauchemardé durant une semaine quand j'étais enfant ; heureusement pour moi et mon plaisir maso, Spielby a également Jaws alias Les dents de la mer. Le concept d'un assassin aux griffes qui tue en rêve m'a poussé à visionner toute la série des Freddy. Et, en apportant une dimension interactive à l'expérience de l'horreur sur un écran, Resident Evil était une délicieuse torture. Ainsi que sa suite.


Lorsque la Paystation a sorti le jeu, je ne connaissais guère que la Gameboy, l'Amstrad et la SuperNES. J'avais démonté des briques à Tetris. J'avais résolu l'affaire du Manoir sur Amstrad (quelques plans fixes, des éléments à retrouver dans le décor et une musique angoissante pour un souvenir d'enfant agréable et inaltérable). J'avais ouvert toutes les courses à SuperMarioKart, jeu auquel je n'avais cure. Je mettais des patates depuis l'autre bout du terrain de foot d'un jeu japonais dont je n'ai jamais su me rappeler le nom et qui reste à mon sens le meilleur jeu de foot du monde. Je n'avais pas encore touché à Metal Gear Solid ni Silent Hill (duquel je ne retiens que 3 notes de piano qui n'ont jamais voulu se débloquer dues à un bug ... grrrr).

Les 3 notes de piano sont bien dans ce Stay Alive. Mais, après des milliers de films d'horreur emmagasinés dans ma mémoire et des dizaines de jeux vidéos terminés (à part donc Silent Hill), ce survival-horror qui, comme dans Freddy, présente un lien étrange entre le monde réel et le monde fictionnel incite à écrire aux créateurs du film pour leur demander de se justifier.

Exit la frousse de voir le mal ou la mort débouler. Dans Stay Alive, les phases de meurtres sont téléphonées car elles sont la réplique exacte de ce qui passe dans le jeu vidéo. Résumé de l'histoire : (tout est dans le pitcheuh) YOU DIE IN THE GAME ! YOU DIE FOR REAL ! ('Vous mourrez dans le jeu ! Vous mourrez pour de vrai !'). En 2 temps et non pas en simultané. Les scènes se répètent donc et se ressemblent comme deux gouttes d'eau :
-Un joueur transpercé dans le jeu est transpercé en vrai.
-Un joueur étranglé dans le jeu est étranglé en vrai.
-Un joueur renversé dans le jeu est renversé en vrai.
-Un joueur poignardé dans le jeu est poignardé en vrai.
-Etc ...

Passons les mauvais acteurs, les filtres bleus bleutant, une fin poussive et (surtout) l'absence de notion de raccord dans le montage et des cadrages sans aucun goût (ne serait-ce que pour donner une cohérence à l'action et une quelconque minimale notion de l'espace et du temps, monsieur le réal dont je ne souhaite même pas connaître le nom et j'ai du l'écrire en en-tête de ce message), et attardons-nous sur les phases en digit' en POV (point de vue subjectif) qui sont les plus réussies du film. Le suspense de Stay Alive tient à ces scènes où les joueurs sont dans le jeu et jouent. 3 à 5 minutes additionnelles sont balancées en contre-champ de ludos connectés directement de la console à leurs neurones. Description : une caméra qui, dès qu'elle fait un mouvement, indique d'où le danger arrive (comme sur un rail-shooter) et ... un son de manette vibrante. C'est tout. Évitez-moi les critiques du genre "qu'est-ce que ce garçon est impressionnable" pour avoir souligné ces quelques points positifs, je suis au courant. Merci.

Sophia Bush

Quand je pense qu'il suffit de plusieurs valeurs de plan se resserrant et de quelques contre-champs sur un vieux loup de mer qui raconte une histoire bien flippante pour me rabaisser mon caquet pendant 1 heure et demie ou 2 (Jaws et The Fog ont ces atouts). Entendre raconter une histoire bien cruelle de requins dévoreurs de chair humaine après un incident de guerre traumatique ou de lépreux abandonnés à un naufrage pour ne pas les laisser s'installer près de la ville me terrifie de plaisir. Même une histoire de requins fantômes qui hantent les abords d'une baie aux habitants sympathiques dont les ancêtres ont sévèrement pêchés lors d'une guerre traumatisante aurait fait l'affaire. Alors qu'une histoire de comtesse du XVIème et XVIIème siècle qui hante un jeu vidéo au XXIème pour se repaître de sang en numérique et rester éternelle en pixel n'a aucune vraisemblance. Le lien entre la contesse morte en 1614 et le jeu vidéo n'est jamais établi. Être digitalisé ne suffit-il pas à vivre au-delà de la mort ? Que lui faut-il donc à la Bathory ? Stay Alive mérite son casting de jeunes acteurs (Sophia Bush en tête) qui n'ont jamais réussi à percer vers un bon film.

Quand il faut avoir peur, la manette vibre et la Bathory fait :"Ihah!" et le spectateur répond : "T'es déjà éternelle en pixel, connasse!"

mercredi 26 octobre 2011

La sélection du mercredi

Mercredi 26 Octobre 2011
Hors Octobre Rouge

Âmes sensible s'abstenir, ce mercredi est en roue libre.


Polisse (2011) / Le bal des actrices (2009) / Pardonnez-moi (2006)

L'intégrale Maïween est au cinéma en salles cette semaine. Tous ses films sont super bien notés sur Allociné : Le bal des actrices, Pardonnez-moi et Polisse. Tout ce qu'elle filme se transforme en or. Maïween, qui sort de la cuisse de Luc Besson, est peut-être l'équivalent moderne d'Akira Kurosawa, de Jean Renoir et de Fritz Lang dont certains long-métrages ne recueillent pas autant de faveur et de ferveur que les siens. Je me sentirais con de rater cela, de mourir sans avoir profité de son génie. Allez, cette semaine, je suis motivé. Je vais voir Polisse. Peut-être. Que le fait de se confronter au talent pur et inaltérable devant l'éternel fait peur. On se sent minuscule lorsque cela arrive ou doit se passer. Que deviendrais-je après cette démonstration de tant de qualités et de grandeur. Ma foi en l'humanité devrait être revigorée. Oui, sinon à quoi servirait le génie ? ... mais pourquoi y vais-je donc à reculons ?



L'exercice de l'état (2011) est une pseudo-fiction politique dans laquelle les auteurs du film font la morale à leurs dirigeants et leur rappellent qui ils sont et pourquoi ils font leur métier, et comment, et où, et quand, et avec/pour/contre qui sur des notes de violon jouées à l'étouffée. Peut-être essaient-ils de nous expliquer, à nous spectateurs, que l'exercice d'état a perdu son sens ou en quoi il consiste. Pourquoi pas. Je parie que la morale tourne autour de la "manipulation" de l'opinion publique et du mal pour un bien (au profit de qui ?).






Tintin (2011) : la bande-annonce est en vf car Tintin est un personnage en vf. Ma mère me lisait quand j'étais petit Le trésor de Rackham le Rouge qui était et est toujours ma BD préférée (j'ai appris à la lire tout seul ... quoique ma mère pourrait avouer que, même en sachant lire, je lui ai demandé de le faire pour moi ... quand j'étais gosse ... je répète : quand j'étais gosse ... encore une fois : quand j'étais gosse). Si Spielberg se plante là-dessus comme sur Indiana Jones 4 et le Royaume des crânes en digital, il faudra réhabiliter George Lucas qui avait déjà coulé Star Wars et qui s'est pris toute la volée de bois vert pour le massacre de l'aventurier chapeauté. Là, il n'a plus son pépère qui a su lisser la couille qu'il s'était laissé pousser sous le menton pour le couvrir, Peter Jackson étant propre comme un sou neuf. Tonton S.S. (notez quand même que ses initiales témoignent d'une certaine ironie de l'existence), tu joues ta tête chez les francophones. Et, c'est pas ta réplique de défense de préemption du genre "Hergé aurait aimé" qui va te sortir de la panade.

Le juge & l'assassin

Mercredi 26 Octobre 2011
Octobre Rouge #21

La tête de Joseph Vacher

Joseph Vacher était un tueur en série français surnommé "Jack l'éventreur du sud-est français". Il a étranglé, égorgé, éventré, mutilé (seins et organes génitaux) et violé une vingtaine de femmes et d'enfants de 9 à 70 ans (et plus) à la fin du XIXème siècle.  Mendiant, il effectuait des travaux agricoles d'appoint pour se nourrir. Il passait pour malodorant vagabond auprès des gendarmes car il arborait fièrement sa vareuse de sergent. Il avait été tiré au sort pour l'incorporation en 1890 où il connut de nombreux conflits avec ses camarades d'armes car il souffrait de délire de persécution. Après 2 tentatives de suicide et 2 promotions (il était doué pour endosser l'autorité), il eut une attitude violente après le rejet de Louise Barrand (dont il était amoureux) et il fût renvoyé de l'armée. C'est alors qu'il tira 3 balles sur elle sans l'atteindre. Il essaya de se suicider dans la foulée avec les 3 cartouches restantes mais se rata. Il garda néanmoins des séquelles graves : un œil droit exorbité rouge de sang, une oreille purulente et une bouche déformée lorsqu'il parlait. Lucide parfois, souffrant de délires paranoïaques à de multiples occasions, ses meurtres avoués commencèrent après sa sortie de l'asile psychiatrique de Dôle en 1893 mais il existe de fortes suspicions concernant des assassinats survenus avant son passage dans l'armée (aucun pendant). Joseph Vacher fut arrêté en 1897 et guillotiné en 1898.




Le juge & l'assassin, Bertrand Tavernier, 1976, France.

Le juge & l'assassin débute en 1893, année de la tentative de meurtre de Vacher (devenu Bouvier pour les besoins du film et incarné par un resplendissant illuminé Michel Galabru) sur Louise Barrand. Immédiatement, le discours du film s'intéresse aux liens entre l'homme, le lieu et l'époque à laquelle il vit. Tout y passe : l'église, l'asile psychiatrique, la volonté de se débarrasser des individus encombrants, le juge et sa maman, le procureur enchanté, la nature montagneuse, la ferme de village, la ferme isolée, la bretonne, la normande, les rivières, le tribunal de justice et le gendarme trop vieux pour exercer son métier (où en était le droit à la retraite ?), l'ouvrière/prostituée sortie du bordel/fabrique (qui y travaillait 7 jours par semaine pour 2 francs par journée : où étaient les droits du travail ?), la chirurgie proche de la boucherie, la chrétienté à tous les coins, les culottes rouges d'uniformes militaires, la maman du juge au lit, les vagabonds, les troupeaux de moutons et les bergers, une évocation à l'affaire Dreyfus, du chantage à la soupe populaire, ... on ne peut pas se tromper. Le juge & l'assassin n'est ni un thriller ni un film policier ni de l'horreur. C'est un drame historique. L'ensemble des 3 premiers quarts d'heure du long-métrage est une série de plans bien cadrés et superbement photographiés exposant le trouble de Bouvier dans cette dite-France. La narration s'attarde également sur les conclusions du juge Fourquet (devenu Rousseau pour le film et incarné par Philippe Noiret). Le passage de l'un à l'autre permet de créer des ellipses de temps faisant passer le récit de 1893 à 1897 en moins d'une heure. Beaucoup de ces sauts temporels passent par le texte (monologues de Bouvier) et quelques photogrammes d'après-crimes. Un très beau livre d'images est assemblé et il n'y a aucune équivoque concernant le parti pris toujours très critique de Bertrand Tavernier.

Ceci dit, la vision du film peut continuer. J'en étais resté à la 47ème minute.


A la 47ème minute, commence la confrontation entre les 2 hommes du titre. Rousseau se concentre sur l'obtention d'aveux de Bouvier. La partie truculente de Le juge & l'assassin se développe et permet à Galabru de montrer l'étendue de son talent (Galabru "est né" pour ce rôle). Le juge et l'assassin s'envoient des piques. Chacun croit être le plus doué et manipuler l'autre avec aisance ... pendant 20 minutes ... puis je me demande perpétuellement si Tavernier est intéressé par son intrigue ou s'il attache plus d'importance à la reconstitution de l'état d'esprit français de la fin du XIXème siècle. Chaque scène ajoute à la peine : les villageois du fin fond du pays cossu ne croit pas à la une des journaux montrant l'identité du tueur et détaillant ses aveux, la médecine des contrées hexagonales est très en retard, un colonel antidreyfusard veut chier sur Zola jusqu'à ce que mort s'ensuive, Isabelle Huppert lit un texte au chevet de sa fille malade ... Le juge & l'assassin pousse sa larme sur une France passée à plaindre.


Pour ne pas crever de tristesse, je me réfugie dans un fantasme : entre le juge et l'assassin, on retrouve une Isabelle Huppert transformant l'écran en aimant à mirettes. Elle est tout simplement la plus belle rousse du "star system" des années 1970 (et aussi d'avant ... mais pas d'après ... désolé mais la concurrence avec Nicole Kidman dans les années 1980/1990 et avec Amy Adams dans les années 2000 est serrée ... mais, dans les fantaisies, la compétition n'est pas nécessaire ^^ ... merci l'esprit humain).


Dans la dernière partie du film, Michel Galabru laisse le côté illuminé catholique prendre le dessus. Le juge, lui, va de dîner en dîner prédire que l'avenir guerrier de la France se situe contre des individus comme Bouvier et connaît (enfin) une évolution de personnage en s’acoquinant avec Rose (incarnée par Isabelle Huppert) à la façon d'un rustre amoureux. Après avoir été menacé de mort par Bouvier, Rousseau se réfugie dans les jupes de Rose et la force à l'accueillir chaleureusement entre ses cuisses. Puis je découvre que le juge est antisémite dans un meeting politique le présentant comme le futur de la nation et que Rose s'engage dans la voie socialiste.


Le film socialiste de Tavernier s'achève sur une note historique (surprise surprise) : l'ennemi intérieur est le nationalisme, et, Vacher/Bouvier n'était finalement pas grand chose à côté de ces sales patrons qui envoyaient des enfants à la mine (2 500 d'entre eux y ont perdu la vie). Tavernier relativise la monstruosité de Bouvier après nous l'avoir exposé dans toute sa largeur en finissant Le juge & l'assassin sur un texte politique et sociale hors sujet (ou alors c'est le récit de tueur en série qui est hors sujet ... au choix) qui est à réserver au mordu d'histoire de France et qui souhaitait, à l'époque, des écoles et des droits sociaux.



 FIN BIDON POUR FILM TROMPEUR = FIN D'ARTICLE HUMORISTIQUE

Pour ma part, je termine sur un moment d'humour inspiré par ce film : tout autour du duo entre le juge et l'assassin, est construite une peinture de la France de l'époque dont voici (ci-dessous et à droite) une de ses composantes.


Si, à l'époque, un journal (La Croix) pouvait se vendre en vantant son antisémitisme (et s'afficher sur une église), les films sur des tueurs en série (se vendant dessus) devraient me permettre de prédire que ces derniers seront à l'avenir les boucs émissaires d'un parti politique à tendance radicale.


Jamais à court d'un rire, je balance mes blagues comme Vacher tire ses balles sur Louise Barrand et lui-même, comme Tavernier fait un film de serial killer, à bout pourtant et en manquant ma cible.

lundi 24 octobre 2011

L'auberge rouge

Lundi 24 Octobre 2011
Octobre Rouge #20

A Peyrebeille, hameau d'Ardèche, en 1831, un couple d'aubergiste, Pierre Martin, sa femme Marie Breysse, son neveu André et leur domestique Jean Rochette sont accusés de meurtres. Un témoin, le mendiant Chaze, a dormi, soit volontairement soit invité par les Martin, en compagnie d'Antoine Enjolras, un paysan voisin, dans la grange de l'"auberge rouge" la nuit du 12 octobre 1831. Ce dernier avait disparu au petit matin. Grande gueule et soiffard, ou plein de bonne foi, Chaze échangea en langue occitan une anecdote d'assassinat du quidam par les propriétaires du lieu donnant de la véracité aux rumeurs préexistantes. Le corps d'Enjolras fut retrouvé le 26 octobre suivant. Pour les paysans du coin, depuis 2 décennies, les Martin avaient de toute façon assassinés des dizaines de voyageurs dans leur auberge afin de les dépouiller de leur argent. Ils se seraient débarrassés des corps en les faisant cuire à la marmite ou en les brûlant. Ils ne leur manquaient que la preuve. Le jugement qui se déroula en langue française innocenta le neveu et conduisit les époux et leur employé (ne parlant pas le français) à la guillotine en 1833 pour le seul meurtre d'Antoine Enjolras. Deux théories s'affrontent depuis les faits : celle de l'erreur judiciaire qui se serait fait l'écho des ragots colportés par la jalousie des moins fortunés de Peyrebeille, et, le véritable massacre intéressé pour lequel les preuves manquent (mais les Martin étaient rusés et laissaient le soin à la rude faune et flore hivernale ardéchoise d'altérer les états des cadavres pour qu'ils soient méconnaissables et que personne ne puisse savoir ce qui leur étaient arrivés ... et la marmite alors ?). Deux événements ont contribué à l'inculpation à mort des Martin et de Rochette : en outre du témoignage de Laurent Chaze, l'avocat de Jean Rochette a accepté de plaider l'irresponsabilité pour son client, blâmant l'influence de ses maîtres ; ce qui n'a pas évité à Rochette la potence.


L'auberge rouge, Claude Autant-Lara, 1951, France.

Les époux Martin : erreur judiciaire ou non ? Jean Aurenche le scénariste et Claude Autant-Lara le réalisateur ne s'en souciaient pas pour composer une farce macabre plus audacieuse qu'efficace et originale. Les auteurs ont choisi, comme Chabrol avec Landru pour Landru, de s'amuser avec l'anecdote du coupe-gorge ardéchois. L'auberge rouge héberge d'ailleurs l'une des scènes mythiques de la cocomédie-corico : Fernandel, moine légèrement lâche mais de bonne volonté, accorde le secret de la confession à la patronne des lieux pour qu'elle se soulageasse du poids de ses péchés alias ses crimes sanglants au travers d'une grille à châtaignes. Mais la pelloche réserve son lot d’agacement. La peur et l'horreur sont-elles drôles ? En quoi cette tendance artistique ou psychologique (humaine) qui consiste à traiter des histoires abominables avec une certaine légèreté permet d'en rire ? Avez-vous une réponse ? John Landis avait parfaitement dosé horreur et humour en alternant les deux dans Le Loup-garou de Londres (1981). Mais, retirer toute la gravité propre aux assassinats crapuleux permet-elle d'en rire ? Non.

Mot d'esprit : L'auberge rouge s'adresse aux chrétiens. Le film s'ouvre sur une complainte chantée dont les premiers mots sont "Chrétieeeeeens ! Venez tous écouteeeeeer !". Je ne suis donc pas concerné et je ne souhaite pas faire preuve d'esprit téméraire (Que le temps a passé pour que l'on puisse penser qu'un film s'attire les faveurs du plus grand nombre en faisant appel aux chrétiens ... de nos jours, L'auberge rouge serait considéré comme un film communautariste). Sur une note personnelle et d'époque, je ne visionne pas les longs-métrages qui ne me sont pas directement dédiés. Donc Acte !

La chronique de Harry Potter and the Deathly Hallows Part 2 : The Beta Version

Lundi 24 Octobre 2011
Hors Octobre Rouge

Harry Potter and the Deathly Hallows Part 2, David Yates, 2011, Royaume-Uni/USA.

J'ai lu les trois premiers volumes de la série Harry Potter comme tous les curieux qui n'en sont pas fans mais qui souhaitent savoir avec quoi est bourré le mou des générations qui vont perpétuer l'héritage culturel occidental à l'avenir et payer la retraite de leurs ainés. J'ai alors apprécié la découverte d'un univers sympathique et de 2 intrigues qui se suivent avec plaisir. J'avais presque récupéré mon âme d'enfant. Puis est intervenu la libération du grand méchant de la série : Mortimer également pire ennemi mortel de Sherlock Holmes, de Guy Debord et de Wolfgang Amadeus Mozart. Et là, désintérêt aidant (j'aime quand les gredins sont renvoyés d'où ils viennent quand je tourne la dernière page d'un bouquin ; ça me donne le sentiment de ne pas être pris pour un pigeon qui doit continuer à payer pour ces conneries), je m'en suis remis à la firme Warner Bros pour alimenter mon suivi de ce qui agite le monde enfantin davantage que les devoirs à la maison et le savoir scientifique et médical qui pourrait préserver l'humanité de la mort et des maladies. Film après film, j'aurais eu ma dose.

Si les vidcaps sont trop sombres, c'est que les forces du mal ont gagné

Mais il y eut un problème. Passé un goblin de feu dans un labyrinthe de dragons, je dois avouer que j'ai été particulièrement déçu. Soit ma vue s'est dégradée soit les Harry Potter ont été victimes d'une crise énergétique. Toutes les pellicules visionnées depuis étaient plongées dans l'obscurité. Impossible de différencier les personnages les uns des autres. Les personnages des décors et des costumes. Tout était en noir sur noir éclairé par de faibles lumières filtrées en bleu foncé et en gris opaque. Et, mis bout à bout de 15 minutes de départ et 10 d'arrivée pour le phœnix et le demi-sang, l'histoire n'évoluait pas beaucoup. J'ai compris qu'un climat de terreur s'étendait sur au minimum 3 films de 2 heures 30 chacun. Et je me suis donc décidé à n'en regarder que la conclusion. Le studio américain avait décidé de la séparer en 2 parties pour faire plus de profit. Peut-on les blâmer ? Non, bien sûr que non. Mais voilà, je n'avais pas envie de passer au moins 10 heures de ma vie à savoir qui de quoi. J'ai lancé la Part 2 ... et que vois-je ?

Il ne regrette plus le temps où il se faisait passer pour un journal secret

Le type sans nez, Mortimer Fustigelamort, tient une baguette qui jette de la lumos vers le ciel. Mes souvenirs n'étant pas bons, je crois qu'il essayait dans le second tome de se l'approprier sous une forme de journal secret pour adolescente. Échec retentissant à l'époque, il a mis 5 films et 4 livres pour l'acquérir. Il aurait du essayer sous forme de seau. Pendant ce temps-là, des squelettes recouverts de draps sombres déchirés flottent dans l'air autour d'un château. Mes souvenirs étant bons, il s'agit de l'école de magie dans le monde des magiciens. Le professeur des défenses du mal par le mal se tient sous une arche et a l'air tellement ému qu'il en reste impassible. Tout ce début en mode "on prend la pause et on se tait" me fait conclure que la fin de la Part 1 a du être désastreuse pour les forces du bien.

Le goblin

Que nenni, je les retrouve dans une maison au bord de la plage en train de préparer la tambouille. En vacances, Harry, sur un ton grave, sait du plus profond de ses tripes qu'il doit parler à un goblin. Du coup, armé de son courage, dans un monde devenu hostile et dominé par le mal du sans nez Mortimer Death de la Muerta Mortatum Fustigelamort, monte au premier étage de la baraque et attend qu'un minuscule bout de latex au long nez ait fini de pioncer pour résoudre un dilemme éthique : une serviette à éponge ou une épée sertie de rubis ?

Une épée ou une serviette, là est la question

Aparté : long nez, pas de nez, baguette ... pas de nez, long nez, baguette ... baguette, pas de nez, long nez ... je sens qu'une analyse freudienne pointe le bout de sa baguette.

Harry se pose la question : est-il bien temps de parler à Mortimer de la chirurgie esthétique ? Avec un nez serti de rubis, il serait beaucoup moins pénible pour tout le monde.

Après 3 minutes et 45 secondes des 2 heures 5 minutes du dernier volet de Harry P., je dois dire que j'en ressors grandement satisfait. Je me suis tapé une bonne barre de rire. Merci J.K. Rowling.