La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

vendredi 16 décembre 2011

Straw Dogs (2011)

Vendredi 16 Décembre 2011
Faut que ça brille à un tel point qu'on puisse voir le vide de dedans.

Straw Dogs, Rod Lurie, 2011, USA.

J'étais nerveux avant de lancer le remake de Straw Dogs (1971) de Sam Peckinpah, le cultissime metteur en scène américain, le génie responsable de The Wild Bunch (1969) et de Guet-Apens (1972). J'avais évidemment peur que Rod Lurie "fasse mieux" que Peckinpah sur son terrain. Impossible n'est pas français (même si Lurie est israélien et le film américain ... moi, je suis français). Je n'avais donc que de l'appréhension après une telle pensée hérétique (me diront les incrédules). Et si le maître du leurre (Rod Lurie) avait renvoyé Dustin Hoffman et ses lunettes brisées dans les limbes de la cinématographie en le remplaçant par le visage symétrique de James Mardsen ? Que d'angoisses ! 

Mais Rod Lurie introduit sa version de Straw Dogs avec des plans de cambrousse qui ne dépassent pas les 5 secondes. J'ai été immédiatement soulagé. J'ai su où je mettais les pieds (1. le studio a supervisé le montage et/ou Rod Lurie est un yesman 2. l'opposition du récit est typique USA : la civilisation affronte les ploucs du sud) ... malheureusement, je n'ai pas eu le temps d'admirer le paysage. 

Par la suite, les personnages casent leurs répliques comme ils peuvent. Le montage coupe tout sans laisser de temps au temps. Il n'y a même pas un écho. De plus, la musique d'une B.O. à acheter noie l'ensemble. Les coupures sèches font passer une scène à la suivante sans en développer aucune. Aucun plan n'est long mais toutes les informations sont répétés et sur-soulignées. Le rythme, obsession contemporaine de tous les réalisateurs qui veulent faire du fric en piquant celui des adolescents, prédomine l'installation du sens et de la tension dans le récit. Comment l'auto-leurré Rod a-t-il fait son compte pour atteindre l'honorable durée de 110 minutes de métrage ? Mystère. En attendant, il faut supporter l'absence de jeu avec le spectateur et des acteurs.
 
Le décor est planté ... ou pas

La très légère aggravation des relations entre les personnages centraux n'encombrent pas les nouvelles situations vécues par David (église, pique-nique, chasse, etc ...). Ce jeune homme ne ressent pas la pression psychologique. C'est comme s'il ne se rendait compte de rien. En tout cas, James Mardsen ne laisse rien transparaître. David Sumner a beau écouter toute la musique classique et rock des années 1960-70, sourire, positiver, porter des godasses sans lacets et laisser de gros pourboires, James Mardsen n'est jamais crédible dans le rôle d'un pacifique de caractère qui se fait bousculer par des rustres. Il est plus baraqué que les 4 zigotos réunis pour s'opposer à lui dans ce métrage. On voit bien qu'il soulève de la fonte tous les matins.

Premier problème de casting

Le personnage d'Amy incarné par Kate Bosworth attire tous les troubles ; ce nouvel arrangement de Straw Dogs est carrément misogyne (Peckinpah, personnalité polémique sur ce sujet, apparaît comme un amoureux de l'autre sexe en comparaison). Dans l'original de Sam Peckinpah, le couple a ses problèmes qui ne s'entrevoient pas dans le remake ; ce qui fait passer le personnage de Kate Bosworth pour une allumeuse à l'attitude complètement gratuite lorsqu'elle se déshabille volontairement devant les ouvriers. L'éloignement sentimental de son conjoint (quoique l'attachement du couple n'est pas frappant dans les premières minutes du film ... comme s'il ne s'aimait pas vraiment) va de pair avec un rapprochement vers son ex qui a tout l'air d'une rupture maritale pure et dure. Oubliez le jeu psychologique de l'épouse qui s'ennuie, qui estime que son mari n'est pas suffisamment viril (comme les autres hommes du village) et qui s'amuse à le taquiner. Et dites bonjour à l'épouse volage ! Il n'est donc pas étonnant que David Sumner ne se plie pas en 4 pour retenir une épouse frivole.

Katy fait découvrir le poulet frit à Jamie : comme ils s'aiment ...

"Le gros morceau ou La cerise sur le gateau" est le choix de Dominique Purcell, la pucelle de Prison Break (personne n'a osé le violer en taule), qui joue le rôle du simple d'esprit du village. Blague à demi-sérieuse, l'envie de rire prend le dessus sur la crédibilité du casting et de l'interprétation ; même si on ne peut qu'accepter l'explication que Dominique ait décroché ce rôle par mérite.

Autre problème de casting : La Purcel Dominique joue l'idiote du village

Il faut donc oublier toute la puissance figurative que Sam Peckipah a mis dans l'original. Séquence nostalgie : il faisait entrer David Sumner (Dustin Hoffman) dans le village rural en montrant en premier lieu le cimetière où des enfants jouent. Sans tourner autour du pot, Peckinpah mettait David Sumner en pleine confrontation avec de rustres ruraux jouant avec la vie et ne prenant pas au sérieux la mort. Il y avait du fond à Straw Dogs. On pouvait en retirer quelque chose. Ce remake version 2011 donne dans le littéral. Le discours philosophique sur la violence nécessaire pour survivre n'est repris que dans sa forme ; le mathématicien Sumner devenu écrivain Sumner, type civilisé, fait face à des ploucs bourrés, armés et excités par le beau corps de sa femme. Rien de plus. Rien d'autre. On est limite dans un nouveau genre bâtard : le western*-rape&revenge pour adolescents.

*thématique oblige : civilisation contre barbarie

La psychologie est mise au clou. L'ambiguïté du personnage féminin (entre désir de retrouver son ancien amant et fidélité à son mari) est absente. La scène de la découverte du chat est insignifiante à cause d'un cadrage qui confère la découverte à l'anodin et d'un montage qui annihile tout secret gardé. La tolérance est requise pour assister à l'installation des éléments douzaine par douzaine afin d'être satisfait. La bête n'est pas chargée, que le fusil. La violence graphique (viol) est effacée et aseptisée. C'est comme si le second viol (moins consenti que le premier) n'avait pas lieu. Du coup, les reproches de la femme tombent à plat quand Kate sort sa réplique à James. L'intensité est de toute façon nulle dans le jeu d'acteur : Où est le tâtonnement et l'auto-dérision de Dustin Hoffman quand il essaie d'imposer sa voix face à celle des ouvriers et du pater sanguinaire ?

Screen Gems (Sony), Battleplan Production et Rod Lurie ont vidé un chef d’œuvre de ses tripes pour en faire un film d'action légèrement pervers pour adolescents. Pas de point de vue ni de nouveauté dans Straw Dogs version 2011. Une B.O. typée, un rythme au métronome, des belles gueules et des tank tops (des tricots de corps) collés aux corps par la sueur singularisent ce métrage.

2 commentaires:

  1. Bel article, qui confirme le soupçon de massacre du chef-d’œuvre de Peckinpah... Je vais essayer de ne pas le voir, il faut se préserver un minimum.

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  2. Bien vu pour la Purcel. Pour moi ce mec est condamné à rester coincé dans la geôle de sa tronche, il aura beau essayer de jouer n'importe quoi, ce sera juste un très gros demeuré à mes yeux.

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