La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

dimanche 7 août 2011

Le fils

Samedi 6 Août 2011
Insomnie

Le fils (2001) de Jean-Pierre et Luc Dardenne raconte l'histoire d'un personnage hanté par la mort criminelle de son fils. Olivier refuse la reconstruction. Au contraire de son ex-femme qui est fiancée et attend un autre enfant, il substitue ses désirs de relations parentales par le biais de la formation au métier de menuisier de mineurs repris de justice.

Une mise en place technique particulière sert un réalisme psychologique dont la mise en tension est fondée sur l'attente des actions et réactions d'Olivier. Les cinéastes belges ont décidé de suivre Olivier en focalisation interne. Le premier plan est un extrême zoom rapproché sur le bleu de travail d'Olivier qui remonte vers l'arrière de son crâne. La caméra portée s'attache à ses déplacements. Le spectateur découvre la routine de sa vie monotone de célibataire réglée par les horaires de l'atelier de menuiserie. Les mineurs gravitent autour de lui obéissant aux instructions qu'il transmet à portée de voix. Le sujet à qui il s'adresse n'est pas toujours présent à l'écran. Au contraire, les échanges avec son ex-femme, Magali, et un jeune apprenti, Francis, captivent l'attention d'Olivier et de la caméra. Lorsque Olivier est seul (il n'a pas d'amis), la proximité subjective est de rigueur pour le filmer.

L'inconvénient majeur est que la caméra sur épaule filme en grande partie en amorce : la caméra se situe derrière la nuque et l'épaule du protagoniste. Des efforts de concentration sont nécessaires pour rester attentif à l'action, l'arrière d'une tête n'étant pas le plus captivant des spectacles à suivre. Le réalisme psychologique souligné par les frères cinéastes auraient pu largement se contenter d'une réalisation classique. Elle aurait pu permettre de jouer tout autant sur la durée d'attente (pour le spectateur) qui est celle de l'indécision et de la tergiversation du menuisier (avant l'acte et/ou la prise de parole) concernant la manipulation de l'information motrice du récit tout en prenant compte de l'espace dangereux environnant.

Après avoir vu ce film, vous connaîtrez l'arrière de cette tête par cœur.

Deux nerfs du récit intensifient le suspense :
  1. L'attente de la révélation clé établit un suspense grâce à la probabilité d'un incident survenant plus ou moins subrepticement. En terme d'intrigue, Francis est l'assassin du fils d'Olivier. Il est également le nouvel apprenti sous la responsabilité d'Olivier.
  2. Le milieu et le travail de menuiserie. La menuiserie est un endroit dangereux (scies, planches de bois, etc ...). L'enfant pourrait se défendre sans peine sur un mode d'agression défensive après la découverte de l'information moteur du récit. Quant à Olivier, il pourrait utiliser un environnement dangereux pour causer un accident volontaire par vengeance.
Cette mise en attente se pose sur la question de l'engrenage soit vers la violence soit vers le pardon et la rédemption.

Le fils profite de la quasi-totalité de ses 103 minutes pour repousser le moment de la confrontation entre le père et l'assassin de son fils. Le travail de réinsertion est mis en valeur. L'honnêteté et la sincérité des frères Dardenne à mettre en scène un homme en conflit avec lui-même est un intérêt suffisant pour apprécier ce film humaniste. Cependant le moment de la révélation clé est décevant et ne s'affirme pas à la hauteur de la qualité espérée par tant de mise en suspension.

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