La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

mardi 31 janvier 2012

Take Shelter

Ne t'emballe pas trop vite

Take Shelter, Jeff Nichols, 2011, USA.

Ça me fait mal au cœur d'écrire cet article sur Take Shelter car j'ai eu le sentiment qu'il était qualitativement inférieur à ce qu'il aurait pu être. Je ne cherche pas à refaire le film (chose impossible de toute façon) mais la perte d'une demi-heure sur les 2 heures totales du métrage auraient pu lui être bénéfique. Certains éléments sont particulièrement redondants : les cauchemars de Curtis (prévoyant un désastre d'ordre naturel à venir) sont répétitifs et manquent d'originalité (du coup, mon attention est allée décroissante durant la première demi-heure), la paranoïa de la mère de Curtis (personnage principal) est présentée de façon insistante à l'approche de l'heure de film (je n'y étais plus), et les moments de travail ouvrier de Curtis semblent être montrés pour combler le temps (la première heure de Take Shelter est interminable). De fait, les troubles de Curtis (doute entre la paranoïa et la vision prémonitoire) apparaissent telle une suite d'épiphénomènes soulevant uniquement des inquiétudes du côté des finances du couple phare (Curtis et Samantha).

Michael Shannon incarne le réveil brutal au petit matin

Dans la seconde partie, Take Shelter prend son envol durant les dernières scènes ("la sortie de l'abri" et "à la plage" : la fin est un beau régal). Cela est essentiellement dû à sa partition musicale envoutante et à l'action qui connait enfin un développement. Il faut dire que l'ennui qui s'est installé durant la première heure et demie et mon envie de ressentir enfin une émotion pour ces personnages (très sympathiques) ont bien aidé. La musique m'a agréablement rappelé les meilleures œuvres de William Friedkin et de Michael Mann ; tels ces excellents polars que sont To live and die in L.A. (1985) et Manhunter (1986), et The Insider (1999). Question influence, l'ombre de M. Night Shyamalan plane malheureusement sur Take Shelter. Le  rythme est lent. Les paroles sont murmurées. On confondrait bien volontiers ce film de Jeff Nichols avec le dernier Shyamalan si on ne savait pas que celui-ci avait une imagination complètement sclérosée depuis l'an 2000 (quoique on pourrait lui attribuer Take Shelter).

La musique adoucit les mœurs et élève l'âme

Ce qu'il y a de positif dans Take Shelter tient à ce que le cinéaste Jeff Nichols met de lui-même (quelque chose de bien américain) ; il traite du mieux qu'il veuille le voir la vie de famille (douce et agréable) et le travail d'ouvrier. Ceci afin de servir son message : le film m'a paru proche des préoccupations personnelles de Jeff Nichols quant à son statut de nouveau père de famille au moment de l'écriture du scénario (il dit lui-même qu'il s'agit d'un "scénario très personnel sur le mariage"). Voilà ce que j'en ai compris : il ne faut pas crier au loup, il est bon de voir venir le danger et de préparer le pire mais il ne faut pas suer des litres au premier signe d'anormalité. L'histoire de Curtis montre que son épouse peut jouer les phares dans la nuit de son mari. Jeff peut se rassurer en sachant qu'il peut compter sur elle, que Curtis ait tort ou raison.

Take Shelter met donc tout naturellement du baume au cœur pour les plus amoureux d'entre nous. Le film fait vivre l'espoir concernant la santé à l'avenir de son couple et soulage de certaines angoisses. Évidemment, il s'agit d'un espoir à ramener en toute lucidité à la maison.

Jessica Chastain incarne Samantha, le phare dans la nuit de Curtis

Jeff Nichols partage un manuel pour ne plus angoisser sur la santé de ses finances en se consolant par la santé sentimentale dans son mariage : il ne faut pas flipper pour les problèmes de fric, il faut continuer de travailler, les prémonitions du pire sont à traiter comme de mauvais cauchemars mais il ne faut pas écarter le danger, il faut passer du temps avec sa femme et sa fille et compter sur le soutien des siens dans les passes difficiles. En somme, Jeff Nichols se répète ses vœux de mariage sur grand écran.

2 commentaires:

  1. Marrant que tu l'ais vu comme ça. Je voyais une métaphore des soucis actuels de l'amérique ...
    Sinon je trouve justement bienvenu la lenteur du film, entrcoupé de scènes de démence violente, pour revenir à la paix malgré tout ds les dernières prises de vue.

    J'ai été séduite.

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  2. Jeff Nichols parle en interview d'un scénario très personnel sur le mariage pendant la crise financière. Il dévoile dans Take Shelter ses angoisses du moment (mariage, nouveau né, soucis financiers). Eraserhead de David Lynch parle de l'angoisse du premier né à l'époque où le cinéaste a été père pour la première fois. Mais, ce que différencie les 2 films est la mise en images : David Lynch s'inspire de ses impressions pour créer des images hantantes et Jeff Nichols est un cinéaste classique qui s'appuie sur une mise en scène déjà utilisée. Le problème pour moi, c'est que j'ai l'impression que Take Shelter est un film sous anesthésiant mais j'aime les personnages, le message et la fin.

    Je suis heureux que le film en séduise d'autres que moi. Je l'ai juste trouvé sous-développé.

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