Calvaire (2004) de Fabrice du Welz : Il faut croire en ce que l'on voit pour ne pas prendre en compte les incongruités présentés par le récit. Le ton est sec et les actions sont froidement présentées mais les éléments narratifs "étranges" s'ensuivent et poussent à essayer de deviner la prochaine bizarrerie de Calvaire. En résumé, jusqu'à la moitié du film, une sinistrose bien particulière caractérise la France que le chanteur Marc Stevens (Laurent Lucas) parcoure de long en large en faisant payer 30 euros son show musical sur fond de boîte à rythme : les individus manquent cruellement d'affection et de sexe. Les femmes se jettent sans équivoque sur l'artiste-chanteur ... et les hommes font de même.
Malgré une première partie intrigante, Calvaire se révèle confus et pénible lorsque le film montre Marc Stevens passer son temps à sangloter. Certes il a le visage à moitié couvert de sang et Bartel (Jackie Berroyer) l'a habillé en robe, lui a rasé le crâne et l'a crucifié. Certes, Marc se fait sodomiser par les autres villageois. En somme, il faut se mettre à la place de Marc Stevens pour trouver un réel intérêt à son calvaire car, cinématographiquement, l'imagerie ne réserve que quelques images d'inquiétants et beaux paysages sur la fin. Calvaire n'enrichit malheureusement pas certaines des étrangetés de son récit (comme la mise au point de Bartel avec les villageois à la buvette ... j'aurais aimé en savoir davantage) et n'a pas de véritable conclusion. Du coup, Calvaire a tout d'une fable horrifique à moitié réussie dont je suis ressorti sceptique, notamment à cause de la partition peu approfondie et très banale du spectacle horrifique.
Haute Tension (2003) d'Alexandre Aja : Il y eut une période où je dévorais livre de terreur sur livre me terrifiant. Un polar, un thriller, un suspense, de l'horreur, du fantastique, de la SF paranoïaque, un récit dit plus littéraire, ... pouvaient me satisfaire. Graham Masterton, H.P. Lovecraft, Richard Matheson, Theodore Sturgeon, Robert Bloch, Ray Bradbury, Dean Koontz, Clive Barker, Robert Heinlein et Kurt Vonnegut Jr. ont fait mon bonheur. Tout cela se déroulait entre des visions de films d'horreur, à suspense et du hard rock. Et puis un jour, j'avais tout lu, vu et vécu ... tout au moins, j'en ai eu l'impression.
Quelques années après, j'ai découvert un résumé de film à la télé, sur une chaîne connue. Et mon cerveau s'est réveillé. Ma mémoire a fait un bon. Mes yeux sont devenus tout rond. Je me suis félicité d'avoir de la culture. Je me suis fait la réflexion : "Le fils d'Alexandre Arcady a fait l'adaptation d'Intensité de Dean Koontz. Les choses commencent à bouger en France pour le genre !" et je suis allé voir Haute tension d'Alexandre Aja.
Je n'avais ni tort ni raison. La première partie de Haute tension est une adaptation du roman Intensité de Dean Koontz. Sauf que le roman de l'écrivain américain n'est pas cité au générique et que la seconde partie du film ne ressemble en rien au roman. Je me suis donc posé une question : est-ce que ce jeune homme et son compère scénariste, Grégory Levasseur, connaissent-ils Intensité de Dean Koontz ? D'autres se sont posés la même question. Étrangement, personne n'a à ma connaissance de réponse (si j'étais allé à une rencontre FNAC-Aja-public, peut-être que ... si j'avais acheté le DVD, peut-être que dans les bonus ...).
Je vous mets le résumé amazon.fr du livre Intensité de Dean Koontz : "Chyna, 26 ans, est invitée à passer un week-end dans la famille de sa meilleure amie. Au milieu de la nuit, un hurlement déchire le silence. Un homme est en train de massacrer les habitants de la maison. Mais il ignore que Chyna est présente [...]"
"Attention ! L'escalier de la peur ! Vas-y, faut mater le plafond et se plaquer à un poteau pour qu'il ne nous remarque pas et que nous nous en sortions vivants !" |
Bloody Mallory (2001) de Julien Magnat : Censé être une sorte de Buffy contre les vampires à la française, Bloody Mallory se bat contre des démons (dixit l'affiche). Ok pour moi. Normalement, j'écrirais bien un petit quelque chose pour caractériser avec efficacité ce métrage mais je ne me rappelle de rien. Sérieusement, ce n'est pas une blague. Je n'ai aucun souvenir de Bloody Mallory. Rien. Nada. Que dalle. Quechi. Zéro. Rien. Rien du tout. Peau de balle. Peau de fesse. Le néant. Même pas un élément de chaos. Rien. Rien. Rien à part que le film existe.
Peu importe que Pascal Laugier ait voulu terminer son film sur une note de vanité profonde pour punir les membres de la secte en les laissant dans l'ignorance ("tout ça pour ça, tout ça pour rien"). Si cette fin est pensée comme une ironie servant de morale pour les fidèles, il faut néanmoins garder à l'esprit que ces fanatiques ont passé 17 années à torturer des jeunes femmes pour découvrir cette "vérité toute relative" qu'est l'au-delà. Revigoré par la possibilité de savoir, la suite des événements est logiquement constituée de la répétition des tortures infligées à d'innocentes jeunes femmes. J'aurais préféré que mademoiselle partage le témoignage de Sonia (sa mort n'aurait pas été vaine) afin que la secte ne recommence pas ses exactions. Que vont conclure les disciples du martyr ? Le suicide de mademoiselle n'est-il pas la preuve que la mort est tellement extraordinaire que mademoiselle ne pouvait attendre pour "vivre" l'expérience ? Le rythme des enlèvements et tortures risquent donc de s'intensifier vu le résultat obtenu.
Avec la mise en scène d'Halloween, John Carpenter réussit à rendre angoissant un coin de rue de banlieue proprette car il a établit que le croque-mitaine peut surgir de n'importe où et que la subjectivité des personnages était sujette au doute. Big John convainc le spectateur que ce qu'il voit n'est peut-être pas véridique et que le mal est difficile à percevoir avant qu'il ne soit trop tard et tout proche.
Dans A l'intérieur, Bustillo et Maury filme l'entrée de la maison où se déroule l'action pour voir les personnages entrer et sortir du lieu. Quant au doute sur l'apparition du mal : la victime, insupportable peste incarnée par Allyson Paradis, passe 2 minutes à photographier son agresseur (Béatrice Dalle) à travers les portes vitrées de sa maison et développe tranquillement les photos dans sa chambre noire privée. Elle passe ensuite une longue demi-heure à se cacher dans sa salle de bains après que l'agresseur soit entré dans la maison.
Avant de voir A l'intérieur, je croyais sincèrement que l'indigence du cinéma d'horreur était représenté par Promenons-nous dans les bois. Mais tout est bon dans le cochon : finalement, cet escalier faisait quand même un peu peur. Dans le cas de A l'intérieur, la copie conjugue des zéros pointés en tout : cadrage, raccord, jeu d'acteur, travail champ/hors-champ/contre-champ, suspense, mystère, sympathie, surprise, efficacité, émotion, scénario et intérêt quelconque. A l'intérieur en 3 mots : pffffffff, beurk et nul.
La Horde (2008) de Yannick Dahan et Benjamin Rocher : l'affection que je pourrais avoir pour La Horde est influencée par la verve de Yannick Dahan (sympathique icône de l'émission télévisée câblée Opération Frissons qui n'existe plus) car je sais qu'en lisant ma critique il répondrait du tac-au-tac avec un phrasé assassin. Je ne lui en veux pas. Mais, sans cette affection, voilà ce que ça donne. Si l'apparition des zombies était mieux gérée, je pourrais dire que le film se tient sur plus d'un quart d'heure (les personnages de policiers bourrins sont taillés avec un tendre amour et l'action réserve ses surprises) ... mais tout prend feu dans la mégalopole parisienne et sa banlieue en moins d'une minute, des zombies nulle part et des zombies partout en autant de temps qu'il faut pour lire cette entre-deux-virgules, un zombie sort hypertrophié des toilettes (je précise que les crocs et la mâchoire ont poussé entre le temps de sa mort et celui de sa résurrection), les humains entourés de zombies ont le temps de voir venir. Sans cela, le script de La Horde se tient.
L'élément le plus meurtri dans le cinéma d'horreur français est la chair. La torture, l'humiliation de l'apparence, la souffrance physique et la mort sont les essentielles constituantes de l'horreur et de la peur hexagonale. Notre terreur concerne le corps et fait preuve de craintes liées à la matière. L'esprit n'a pas de souci à se faire. Une minorité de films se penche sur des histoires de possession, de fantômes, de malédictions, de psychoses, de névroses, de la perte de l'identité et de hantises ; seuls Maléfice, Saint-Ange et Derrière les murs possèdent un intérêt au sort de l'âme/l'esprit/la raison/la logique/la personnalité. Je vous quitte sur cette méditation franco-française. En tout cas, si vous n'êtes pas français et que vous êtes parisien, si vous voyagez en France, évitez d'aller en forêt et en milieu rural, vous vous ferez humilier, torturer, violer et tuer. Sur ces bons mots, bien à vous.
J'en suis à mi-article, mais je t'annonce déjà que c'est un régal à lire et que je te rejoins tout à fait sur les cas Calvaire (qui m'a fait un bon effet lorsque je l'ai découvert... ah c'était il y a quelques années et j'étais plus impressionnable qu'aujourd'hui !) et Haute Tension, avec lequel je ne pourrais sans doute pas m'empêcher d'être plus sévère.
RépondreSupprimerEt évidemment, ce que tu dis du magazine Mad-Movies est très vrai. Je situerai même le commencement de sa déliquescence quelques années avant. :(
RépondreSupprimerPour Mad Movies, j'avais réprimé un gros éternuement à la reprise du magazine par je ne sais quel groupe de communication et de média. JP Putters avait lâché l'affaire. J'étais méfiant. Le coup de A l'intérieur, chef d’œuvre et date de l'histoire du cinéma, a été le moment précis où l'épée de Damoclès est tombée sur le râble du madmag devenu agence de marketing.
RépondreSupprimerJ'ai profité d'avoir du temps au boulot cet aprèm pour m'envoyer tes deux gros article sur l'horreur à la Française d'une traite. D'abord chapeau, pour avoir maté autant de merdes d'une part, pour en avoir tiré de si chouettes articles d'autre part !
RépondreSupprimerA ta place j'aurais sans doute été encore plus virulent que toi dans tes derniers paragraphes bilans. Tous ces films (j'en ai vu à peine deux ou trois) me semblent tous être complètement à chier et il est temps de dire à leurs auteurs de lever le pied et de réfléchir juste quelques minutes avant de croire révolutionner le cinéma en filmant toujours plus de tripailles dégueulasse et sans intérêt. Ont-ils seulement conscience, eux qui se réclament des grands maîtres du genre, de ne parvenir qu'à dégoûter le spectateur par la force des choses avec du porno sanglant, et sans jamais que la question de la mise en scène, du suspense, tu talent, du scénario, des personnages ou toute autre question ayant un lien aussi minime soit-il avec le cinéma, n'entre en compte. L'affiche du film qui dit en énorme : "Ce film contient un tas de scènes répugnantes" a fini d'affirmer l'unique volonté de ces réalisateurs : faire parler d'eux en étalant de la barbaque partout et en se tripotant dedans. C'est pathétique.
Je dois dire que j'ai regardé Martyrs, Sheitan, A l'intérieur, Calvaire et Frontière(s) pour l'occasion de cet article. Je n'avais exprimé aucune envie avant cela de les voir. Je voulais faire un tour d'horizon hexagonal d'un genre que j'adore. A part Calvaire qui est original, j'ai surtout parcouru ces films de long en large (essentiellement pour les screencaps) car leurs prémices m'ont dégoûté d'aller plus loin.
RépondreSupprimerOn est d'accord. Les matheux en gore censés donner dans l'horreur sont pitoyables en inventivité. Il n'arriverait même pas à transmettre l'émotion de la joie qu'ils ont dû ressentir quand ils ont signé les contrats de cession de droits d'auteur aux producteurs chargés de leurs cas. Les producteurs ne sont pas à oublier dans cette histoire. A vrai dire, je crois même qu'il n'y a qu'un seul et unique producteur "d'horreur" sur toute la France qui n'a qu'une vision du genre extrêmement limité. C'est toujours la même histoire et le même spectacle de tortures et Cie. L'horreur à la française est affligeante.