La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

dimanche 11 décembre 2011

La Neuvième porte

Dimanche 11 Décembre 2011
Quand on aime, on ne compte pas ... les fans que l'on a

L'énigme et le livre, le protagoniste intéressé par l'argent, et le jeu de manipulation ... le film jumeau de The Ghost Writer

Tout le texte est en spoiler alert ... il faut avoir vu le film pour lire cet article


La neuvième porte, Roman Polanski, 1999, Espagne-France-USA.

Résumé : La neuvième porte est un ouvrage littéraire censé être écrit par le diable. Il permettrait d'entrer en contact avec le Malin. Seuls 3 exemplaires existent. Boris Balkan (Frank Lagella) en possède une copie mais elle ne fonctionne pas. Il engage donc Corso, un chercheur de livres rares pour collecteurs fortunés, afin de vérifier l'authenticité de La neuvième porte en le comparant aux 2 autres. Au fil des examens, Corso va découvrir un mécanisme qui requiert l'acquisition des 3 volumes de La Neuvième porte afin que le passage vers l'enfer s'ouvre. Les propriétaires étant réfractaires à la vente de leurs originaux, Balkan demande à Corso d'utiliser tous les moyens requis pour satisfaire ses convoitises.

Dans La neuvième porte, l'emphase habituelle avec le protagoniste principal est à mettre de côté. Il faut prendre le personnage de Corso avec du recul (même si Johnny Depp l'interprète ... sur ce coup il est acteur, et non star). Car Corso est un personnage critiqué par les auteurs de La Neuvième porte. Corso, refourgueurs de livres anciens (certains diraient), est roublard, voleur, escroc, menteur et profiteur. Il tient à lui-même plus qu'à autre chose. Il négocie son pourcentage sans arrangement possible avec son seul ami. Il ne s'inquiète pas de scrupules. Il pratique une concurrence déloyale. Lors de sa rencontre avec Boris Balkan, il accepte son chèque sans regarder le montant car il sait que Boris Balkan est un client qui paye bien (et c'est pour cela que Corso accepte son offre). Pour que Corso sorte le chèque de sa poche et prenne connaissance du montant, il faut que Balkan souligne l'importance de la réussite de sa mission en faisant remarquer le nombre qu'il a écrit sur ce mode de paiement. De façon quasi-imperceptible, Roman Polanski fait jouer un éclairage subtile (éclairant le visage de Corso lorsqu'il déplie le chèque et disparaissant lorsqu'il le replie ... comme pour l'exemplaire La neuvième porte de Balkan) pour souligner le seul intérêt de Corso dans la vie. Corso est un "de ces agités faméliques dont se méfiait Jules César, et qui poignarde leurs amis dans le dos" d'après Balkan, un individu peu recommandable. La nature de Corso en fait une proie et un élu pour le Malin.

Witkin, un confrère professionnel, dit de Corso qu'il est une crapule obsédée par le fric

... entre autres choses ...

...

Ce qui se vérifie de la bouche de Corso ... Seul l'argent l'intéresse ...

... au contraire des diableries qui manquent de le faire ronfler

Comptant se garder le diable pour lui tout seul, Boris Balkan est satisfait ...

Il n'a confiance qu'en les individus dont il peut acheter la loyauté

Corso, lui, se fait manipuler par le diable. Elle a trouvé une cible plus intéressante que tous les satanistes qui lui vouent un culte. Elle laisse Balkan (magnifique personnage qui a déjà la fortune et qui recherche encore et vainement un sentiment de puissance) s’immoler et les satanistes s'entretuer alors qu'ils ne désirent qu'entrer en contact avec elle. Il s'agit d'une ironie dramatique dont sont victimes les apprentis du culte de Satan. Le gagnant est le malin en personne. La Baronne Kessler a passé sa vie à essayer de recréer l'expérience de sa rencontre avec le diable : au prix de se retrouver en chaise roulante et de périr dans les flammes. Les Telfer, Bernie le libraire, la Barone Kessler, Victor Fargas et Balkan meurent. Mais le diable, elle (Emmanuelle Seigner), n'a que faire des olibrius qui sont prêts à tout pour s'attirer ses faveurs. Le diable commande. L'homme ne PEUT pas ordonner au diable ses actions. Le diable séduit, et non l'inverse. On croirait être en charge des choses lorsque l'on plonge du côté obscur alors que c'est le côté obscur qui engloutit sans demander de reste.

Le diable ...

... pose sa marque sur sa cible

Ainsi le diable sauve et protège Corso des satanistes qui lui veulent du mal. Corso n'est pas protégé pour qu'il punisse les satanistes mais pour qu'il assiste au déballage de folie humaine qui conduit les individus à tuer, voler, mentir, corrompre pour elle. Elle montre à Corso à quel point elle a de la valeur, quel est le prix à payer pour entrer en contact avec elle, quel sacrifice les humains sont prêts à faire pour la séduire. Mais surtout, elle se garde Corso pour elle-même. C'est lui qu'elle veut avant tout. Corso n'a rien à faire du diable et des diableries mais Corso ne fait pas non plus grand cas de sa propre âme ; c'est la raison pour laquelle le diable désire l'acquérir. Au fond, Corso est facile à corrompre.

Elle lui mâche le travail

Aucun danger ne peut inquiéter Corso

Elle empêche Corso de s'empêtrer dans les histoires de satanistes ... elle veut qu'il y ait le plus de victimes possibles

... s'entretuer ...

... et se sacrifier en son nom

Un héros traditionnel se serait sorti de ce piège et aurait sauvé Balkan et bien d'autres (qui auraient reconnu leurs erreurs, blablabla ...)

Le diable séduit dans une chevauchée de Corso proche du viol ...

... et indique à Corso la voie ...

... parce qu'elle veut l'âme de cet individu qui la vend au plus offrant sur Terre

La voie est dégagée et le voyage est connu, le choix moral reste le sujet central de La Neuvième porte. Le code 666, les 3 livres, les 9 gravures, 3 d'entre elles par livre sont signées LCF alias Lucifer, tous ces indices transparents montrent que le thriller n'est pas le genre du film. Roman Polanski continue de s'en prendre aux satanistes dans une tragédie à l'humour grinçant et aux allures d'enquête policière. Comme dans Rosemary's Baby, Roman Polanski fait sentir la gravité du culte satanique (la mort et l'aliénation) et les tourne en dérision (voir les vêtements et les manières des voisins dans le film de 1968, et, les habits et les attitudes de Tefler et de son majordome dans le métrage de 1999).

L'histoire principale de La Neuvième porte est celle de la corruption de Corso et de la dérision des satanistes qui est inscrite en filigrane au long d'un apparent thriller fantastique. Roman Polanski fait exprès d'éventer le jeu des gravures et des suspects car l'essentiel se trouve dans cette quête du sentiment de puissance que recherche les satanistes, du ridicule qui leur appartient en croyant s'approprier et dominer le mal, de la corruption que le diable pratique par son mythe et du jeu que le malin exerce afin de collecter tout ce qu'il peut grappiller sans en avoir l'air (parce que "l'on" est concentré sur autre chose). Voilà pourquoi La Neuvième porte est un grand film pour moi ; c'est une belle morale emballée dans un suspense de pacotille. Tout y est question de manipulation et de déviation dont le diable ressort gagnant ... parce qu'il n'y a pas de héros dans La Neuvième porte.

33 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  2. Belle analyse de scénario :)

    T'aurais pu ajouter que Corso a l'air séduit par l'analyse des bouquins mais uniquement pour le jeu intellectuel que représente le jeu des 7 erreurs auquel il se livre, et dont il note les résultats sur un petit papier qui tient plus du mot croisé que du fanatisme diabolique. Il n'arrête pas de demander aux autres s'ils croient vraiment dans cette histoire, sous-entendant qu'il n'y croit pas, d'où aussi l'intérêt du Diable pour lui, qui souhaite corrompre une âme qui ne croit pas en lui.

    Mais ton chouette commentaire de texte ne rachète pas vraiment la fin du film à mes yeux, car si tout ça se tient au strict niveau du script, ça reste un peu faible sur le plan visuel, de sorte que la conclusion déçoit malgré tout, et qu'on se dit quand même "Tout ça pour ça". Et c'est un fan du film qui parle ! :D

    (Juste un détail, l'attaque contre les satanistes dans "Rosemary's baby" n'était pas motivée par la haine de la famille Manson, car Sharon Tate n'a été tuée que l'année d'après.)

    RépondreSupprimer
  3. Désolé que l'analyse ne rachète pas la fin pour toi, ça l'a fait pour moi. Je trouve que Polanski respecte la représentation de la dernière gravure après avoir bien installé ce jeu pictural. Au niveau scénaristique, ce que j'écris, c'est que Polanski a balisé cette fin dès le début de son histoire. Bon. J'étais tellement déçu à la fin de la projection à l'époque que je me suis acheté le livre de Perez-Reverte pour voir si je n'avais pas manqué quelque chose d'important. Puis, j'ai décidé de prendre le film par un autre bout. Et, ça le fait maintenant.

    Pour la référence à Rosemary's Baby, la forme est maladroite. Je voulais souligner que Polanski aime tourner en dérision les fanatiques de forces occultes (avant et après la famille Manson): il y a aussi Le bal des vampires.

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour et merci pour votre analyse.
    comme c'est long, je divise cela en plusieurs posts car c'est limité en taille.

    J'avais vu ce film sur canal + il y a une dizaine d'années.
    Je l'avais beaucoup aimé sans être capable d'expliquer pourquoi.
    Je l'ai revu deux fois récemment. Et c'est de l'ordre du magnétique : j'aime profondément ce film.

    Et chaque personne à qui j'en ai parlé l'a détesté. J'ignore pourquoi. Peut-être parce que cela parle du diable ou peut-être est-ce qu'ils ont précisément tout compris et qu'ils signalent qu'ils ne mangent pas ce pain-là. ou alors parce qu'ils n'ont strictement rien compris.


    Votre analyse "m'apporte quelques lumières", si j'ose m'exprimer ainsi, sur le contenu. Et me permet de pouvoir expliciter davantage ce qui n'était que latent chez moi.
    En effet, ce film n'est pas du tout un thriller fantastique. Le "suspense" est cassé car il n'est pas le vrai but, comme vous le relevez.
    Je classe maintenant ce film comme un film initiatique, un film d'apprentissage à l'image des romans d'apprentissage au 18ème par les stendhal et autres.

    RépondreSupprimer
  5. suite de mon analyse


    J'avais surtout retenu une chose.
    La phrase constituée des 9 extraits des gravures est pour moi hautement importante :
    Voyager en silence par de longs chemins détournés, braver les flèches de l'infortune, ne craindre ni la corde ni le feu, jouer le plus grand des jeux et gagner quel qu'en soit le prix.
    C'est se rire des vicissitudes du destin et conquérir enfin la clef qui ouvrira la neuvième porte.

    Quand vous l'isolez du contexte duquel elle est obtenue et de tout le charabia autour, elle est la voie vers la sagesse. C'est la porte/carte 9 du tarot, symbolisée par l'ermite. Une ligne de conduite à suivre pour être libre, pour se libérer de sa condition d'esclave.
    http://www.cleomede.com/article-l-hermite-du-tarot-symbolique--43844401.html
    L'ermite est celui qui reçoit l'illumination, mais la refuse, la domestique (comme la lumière confinée à une simple lampe) et se désintéresse du monde matériel... donc une homme libre, qui maitrise ses pulsions et instincts bestiaux.
    C'est un homme sur lequel les lucifériens fanatiques n'ont pas de prise.
    C'est à dire les milliardaires de l'ordre du serpent d'argent, comme le dévoile la vieille Kessler, une repentie. Donc ceux qui vous tentent avec leurs produits de consommation dont personne n'a réellement besoin. être sage c'est s'abstraire des pulsions d'ultra-consommation.


    En fait, je considère que la véritable fin du film est le moment de l'étreinte. la suite est en réalité l'affaire de chacun.
    Polanski nous montre quand même le choix de Corso : il a été tenté et il a succombé. C'est un épilogue.


    Regardez au passage comment l'étreinte est filmée : on est en "point of view", c'est à dire que la caméra est placée comme si c'est le spectateur qui était à la place de Corso. D'ailleurs c'est très plaisant de s'imaginer à la place de Corso quelques secondes puisqu'elle a quand même la beauté du diable. Je ne vois pas cette étreinte comme un viol de Corso par le diable. La position est clairement montrée : c'est celle de l'amazone. C'est à dire celle qui est, selon mon expérience, la plus satisfaisante pour les deux partenaires, si la partenaire sait s'y prendre.
    Donc c'est aussi une des choses que je retiens de ce film et qui confirme que le film est bien un film d'apprentissage.
    Après cette scène, vous "savez", vous êtes donc officiellement initié.
    Polanski vous a montré la lumière. ( ce qui au passage le place en position de lucifer O_o)

    Quel sera votre choix ?
    Comme Corso, courir vers la lumière, ou au contraire, rejoindre le monde de l'Hermite ?



    Ce film est donc l'histoire du choix qu'a fait un homme, Corso.
    Corso, cela veut dire "course", comme il le dit lui-même.
    Il avait le profil idéal pour être approché par lucifer et les lucifériens de l'ordre du serpent d'argent.
    Corso a fait son choix, cela de courir vers la lumière.
    Accepter la lumière et courir vers elle (donc accepter l'étreinte de lucifer) fera de vous un vautour sans scrupule, mais fera de vous un homme riche et puissant sur le plan matériel.

    L'autre possibilité est de la refuser, comme l'Hermite, de vous abstraire du monde matériel et de devenir riche sur le plan spirituel (donc le contraire d'un vautour sans scrupule)



    Voilà. Grâce à vos éléments j'ai pu expliciter ce que je ne percevais que vaguement. Merci encore à vous, Arnaud.
    Je reviendrai voir si vous avez répondu à ce message pour voir ce que vous pensez de mon analyse, qui je pense, complète et approfondit la votre. J'espère au moins avoir votre avis sur ce que je viens de dire.

    RépondreSupprimer
  6. Et je rajoute aussi ceci :
    juste avant l'étreinte, je note deux choses.



    1/ il y un gros plan sur les yeux de la belle.
    On note que le centre des pupilles, la zone noire, est de grande taille. C'est caractéristique des regards qui sont classés comme les plus séduisants, les plus attirants.

    (en quelque sorte, elle "l'hypnotise")
    D'ailleurs, on est aussi en "point of view"

    2/ le baiser langoureux... le baiser de la mort ? Le pacte est scellé, la proie est ferrée. Impossible de revenir en arrière.

    Suit donc en 3/ l'acte, l'étreinte...

    Cette scène récapitule et résume le film :
    il avait le profil, elle l'a choisi
    elle l'a séduit et hypnotisé
    il n'a pu résister et a accepté le baiser de la mort
    elle le consomme, le "dévore".
    le pacte avec lucifer est ainsi scellé.

    (ce n'est définitivement pas un viol par lucifer mais un pacte, un accord mutuellement consenti. il s'est laissé séduire... on peut toujours refuser et envoyer chier la nana.)

    RépondreSupprimer
  7. Je suis heureux de vous avoir aider à y voir plus clair. Peut-être moi aussi suis-je un diable ^^.

    Le jeu des cartes, comme Rémi et vous l'avez souligné, m'a un peu échappé.

    Anonyme, vous faites très bien de m'éclairer à votre tour sur la question. Je n'avais pas vu le choix (de l'Hermite) que Corso possède à la fin du film. Je le considérais complètement séduit par le diable, qui est doué en la matière, après leur étreinte en POV. Car Corso court vers sa fin, comme il court en toute occasion. Quant à la lumière, il n'en possède aucune : que celle que le diable veut bien lui montrer. Je crois qu'elle est la plus sage de tous les protagonistes. A la rigueur, je dirais que le diable est l'Hermite et qu'il s'agit de son choix d'orienter ou non Corso vers un monde "spirituel et infernal", de l'éclairer. Donc rejoindre le monde de l'Hermite est rejoindre l'enfer. Puisque Polanski montre toute la folie de l'homme durant tout le film.

    Votre analyse enrichit la lecture de ce film et est complémentaire de la mienne. Elle ouvre même "une porte" vers la relation entre chacune des gravures et des événements du récit à identifier.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Quelqu'un a une interprétation de l'intervention de la jeune fille aux yeux vert sur les berges de Seine et s’apprêtant à saisir le sac de Corso où se trouve le livre se prend un punch dans le nez et son sang coule ?

      Supprimer
  8. me voilà encore obligé au double post...


    enfin, faut quand même pas se bercer d'illusions avec les lucifériens et le diable.
    la voie de la sagesse n'est possible que si vous découvrez leur secret avant qu'eux ne vous choisissent et vous appatent.
    là vous pouvez choisir de rester en dehors. Mais faudra éviter d'être trop doué en affaires, sinon, ils viendront forcément à vous.

    Mais si ils vous repérent et vous appatent... et si vous ne vous laissez pas séduire, ils vous le font payer cher.
    C'est en réalité un faux choix, c'est une proposition qu'on ne peut pas refuser... comme pour des mafieux. vous êtes avec eux ou contre eux.

    C'est pour ça que j'arrête de parler d'eux... ils vous feront payer d'être bavard sur leurs secrets.
    Et je retourne vers le film.



    Donc c'est tout à fait exact : Corso effectue chacune des 9 actions.
    je l'avais noté. Des gens se sont amusés à lister, je copie colle ce qui va suivre sur la liste des actions à accomplir.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Personnellement, je ne mets pas les lucifériens et le diable dans le même sac (d'où le sous-titre du message : on ne compte pas le nombre de fans que l'on a). Ceux qui vouent un culte à Satan ne sont pas en lien avec lui. Ils ont choisi de verser dans le mal.

      Pour la sagesse, le diable en possède bien une qui attire et séduit du monde : le pouvoir, la gloire, la fortune faciles. Certes, ce n'est pas celle de l'Hermite. Mais elle y ressemble, c'est bien pour cela qu'elle est séduisante.

      Polanski et Reverte, dans La neuvième porte, confronte très brièvement Corso au véritable Hermite du récit : les frères jumeaux Ceniza. Ce personnage unique/double n'est pas absent au moment où il retourne dans l'imprimerie portugaise de cet Hermite puisque le même acteur (José López Rodero, aussi producteur sur le film) joue les deux ouvriers présents : Corso y découvre la 9ème gravure. L'Hermite laisse complètement le choix entre les mains de Corso. Le message est délivré antérieurement : Il y a des livres à ne pas mettre entre toutes les mains même si l'Hermite met entre les mains de Corso la dernière gravure pour le tester.

      Et Corso choisit seul.

      Supprimer
  9. 1e gravure : "le silence est d'or" - Dans la scène où il rencontre Liana Telfer, Dean Corso se tait sur la provenance de son exemplaire du "Livre des Neuf Portes".

    2e gravure : "Ouvre ce qui est fermé" - Corso tente de percer les secrets des gravures.

    3e gravure : "Gardez le secret malgré les menaces" - C'est la scène où Corso manque de finir écrasé dans l'effondrement d'un échafaudage. La gravure peut signifier aussi : "Ne vous aventurer pas trop loin, car la menace viendra d'en haut..." Et puis, malgré les menaces du garde du corps de Liana Telfer, Corso continuera sa quête.

    4e gravure : "La chance n'est pas égale pour tous" - La mort de Bernie, l'ami de Corso (dans la même position que le pendu dans la 6e gravure).

    5e gravure : "En vain" - Corso continuera son enquête, malgré les embûches, et tente de percer le secret des livres.

    6e gravure : "Et ne craindre ni la corde, ni le feu" - Corso découvre la Baronne Kessler morte étranglée et son appartement est en flammes. Malgré tout, Corso continue son enquête.

    7e gravure : "Le disciple dépasse le maître" - Dans cette gravure on remarque deux chiens (un noir et un blanc) se battant derrière les joueurs d'échecs. Cette scène représente le combat entre Balkan et Corso dans le château. Corso finit par gagner.

    8e gravure : "La vertu gît vaincue" - C'est la scène chez la Baronne Kessler, à Paris, où le Diable lui-même s'approche de Corso, lentement, et l'assomme (sa tête tombe alors sur cette même gravure). Le Diable est en l'occurrence invisible, et bien qu'on ne le voit pas dans la scène, sa présence est clairement indiquée (mouvements de caméra, musique plus importante).

    9e gravure : "Je sais maintenant que des ténèbres sort la Lumière" - Dernière gravure, Corso connaît à présent la vérité et il est accueilli au Royaume des Ombres...

    J'ai copié coller pour m'éviter de revoir tout le film juste pour chercher ça avec précision.


    Mais il y a plus, il y a autre chose en plus à relever :
    quand il "abrège" les souffrances de Balkan dans la tour en feu, en sortant il s'arrête. Et on voit les flammes sortir par les meurtrières de la tour.
    au début il y en 4 : "la chance n'est pas la même pour tous"
    puis 3 viennent s'ajouter, on passe à 7 : "le disciple dépasse le maître"
    C'est comme une validation des étapes. Il a dépassé son maître en le tuant. (par exemple en affaires dans la vie réelle, la secte des lucifériens te demandera de planter un mec qui t'a aidé à monter. condition sans laquelle tu ne monteras pas dans leur pyramide. Il faut donc accepter de le faire.)

    le 8 ème est également accomplie car il n'a pas la moindre hésitation à le tuer. Il donne l'apparence d'abréger ses souffrances, mais en fait, son visage est décidé, et il ne vacille pas une seconde.

    Ensuite... symbole que la vision des choses a changé pour Corso, elle lui retire ses lunettes. avant de l'embrasser.
    9 : il sait maintenant que des ténèbres (abandon de la vertu en 8) vient la lumière.

    Et quand l'étreinte a lieu, on a un plan qui nous fait voir que du feu sort par 10 meurtrières. Il a cédé à tous les instincts bestiaux. Il a passé avec succès toutes les étapes pour être accueilli au royaume des ombres.

    Cela confirme ce que je disais dans l'autre post. je considérais la fin est la scène de l'étreinte et que ce qui suit n'est qu'un épilogue.
    Cela est maintenant confirmé.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu as effectué un très beau travail de rapprochement entre les actions et les gravures, anonyme. La prochaine fois que je reverrai le film, je compterai le nombre de flammes sortant des meurtrières. Cette interprétation des flammes sortant des meurtrières du château est épatante. Belle démonstration, anonyme ! Cela souligne le caractère perfectionniste de Roman Polanski et confirme qu'il a apporté un soin tout particulier à La Neuvième Porte qui est bien un de ses chefs d’œuvre (malheureusement mésestimé).

      Pour l'écroulement de l'échafaudage (3ème gravure), j'avais vu cette fausse tentative de meurtre comme un moyen pour le diable d'écarter Corso des jumeaux Ceniza.

      L'épilogue est important puisqu'il consiste pour les frères Ceniza à tester Corso en lui laissant le soin de faire un choix crucial.

      Supprimer
  10. Tu sais, quand je suis lancé... en plus l'avantage, c'est que je l'ai vu 2 fois depuis le début de la semaine. donc j'ai bien en tête les scènes et les dialogues.


    Merci d'avoir attiré mon attention sur ces nouveaux éléments. Même si on peut considérer que "la messe (noire) est dite" après l'étreinte, les scènes constituant l'épilogue sont très symboliques et méritent en effet bien plus d'attention que je ne leur en avait accordé. (c'est dire si l'auteur est un virtuose)

    J'avais pas perçu l'importance de la duplicité des Céniza.
    Mais maintenant que tu en parles...
    Les deux sont en effet un puisque l'un termine les phrases de l'autre.
    Donc comme je l'avais écrit en "premier jet", ce choix est réel. Et finalement c'est très logique qu'on revienne vers eux.

    Je rajoute une chose pour ajouter au fait qu'ils sont très "malins" ces deux-là, et qu'ils jouent double-jeu.
    (donc ils sont deux mais en réalité un et jouent double-jeu...)
    Un des Ceniza dit à la première visite de Corso : "si c'est là un exemplaire avec des pages manquantes restaurées, c'est l'oeuvre d'un maiître"
    Et comme c'est manifestement eux qui ont modifié la page... ils sont eux-mêmes des maîtres et l'ont revendiqué de façon indirecte.

    C'est aussi eux qui montrent une partie de la lumière à Corso en attirant son attention sur les signatures des gravures.
    Et ils concluent avec "même l'enfer a ses héros" et ils se comptent parmi ces héros de l'enfer puisqu'ils ont modifié la gravure et ils savent exactement ce qu'il en est.

    Ce dialogue est vraiment épatant quand on y repense...

    Ma prochaine mission : comprendre pourquoi ces deux frères ont lancé Corso sur cette voie. Au début, il n'est qu'un petit expert au service d'un milliardaire. Il se décrédibilise en parlant de falsification bien trop à la légère.
    Ils n'ont aucune raison de l'aider. Il faut que je cherche à comprendre ce qui dans cette scène peut donner une raison aux Céniza d'aider Corso. (puisque la fille n'est pas avec lui, c'est pas elle qui y est pour quelque chose)
    Est-ce juste parce qu'il est visé par le diable et que les deux autres en sont des serviteurs ?
    S'il y a pas d'autre vraie raison, merci de me le dire, cela m'évitera de turbiner pour rien.


    Pour la scène de l'échafaudage, j'en reste aussi sur le fait qu'elle est une fausse tentative. Elle est très "convenue" et même éventée, je dirais.
    Car on pense immédiatement à cet échaudage branlant quand le frère Céniza dit que "le danger viendra d'en haut"
    J'y vois cependant une double utilité :
    1/ Corso réussit sa première épreuve en continuant son enquête malgré l'avertissement que constitue ce "danger venu d'en haut".
    2/ comme elle est convenue, l'auteur incite le spectateur à faire la correspondance entre les gravures et les actions de Corso.

    RépondreSupprimer
  11. zut.. toujours la limite des 4096 caractères...





    j'aurais pas pensé à chercher les acteurs pour voir si l'ouvrier a joué un des Céniza. Tu es allé réellement loin dans l'analyse. J'espère que j'ai presque vu tout ce qu'il y avait à voir parce que je suis pas sûr de réussir à décrypter l'intégralité des messages de Polanski.


    Et en relisant ce que j'ai mis au dessus, je viens de comprendre que les Ceniza ont aidé Corso non pas parce qu'ils sont au service de Lucifer, mais parce qu'ils veulent tout simplement que Corso "fasse la route".
    Et qu'il arrive au bout pour pouvoir faire son choix en toute conscience. Corso est en effet comme le maladroit Bateleur (carte 1 du tarot) qui n'est qu'au début de la route.
    (j'ai déjà un peu lu des symboliques du tarot, c'est très intéressant. Même chaque couleur des habits est significative.)


    Et pour en remettre un petit peu plus sur la transformation qu'il subit dans la tour...
    au début, il est très maladroit : il tremble, trébuche et ce vieux croûlant de Balkan lui prend le flingue.
    En sortant, c'est un autre homme : il a tiré sur Balkan sans sourciller, sans trembler.

    Je crois qu'il a tout compris quand il a entendu Balkan réciter la fameuse phrase "Voyager en silence par de longs chemins détournés..."


    Heu... il m'en reste encore beaucoup à trouver ?
    Parce que je pense quand-même avoir décodé l'essentiel grâce à toi.

    En ayant explicité tout ça, je comprends mieux cette forte attraction qu'exerçait le film sur moi.

    Nouvelle question : si j'ai été autant attiré parce film sans savoir pourquoi... c'est que j'ai été inconsciemment sensible à tous ces messages. Est-ce que cela a une signification particulière, si oui, laquelle ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Réponse quant aux Ceniza : Je pense que les Ceniza sont bons mais, qu'au contraire du diable qui est séduisant, ils testent tous ceux qui sont intéressés par la rencontre avec le diable (en somme, le diable accueille à bras ouverts et le Bien est méfiant). Il est difficile de faire confiance à quelqu'un qui le recherche. C'est un peu comme un employé de la FNAC qui se retrouve face à un quidam qui commande un exemplaire de Mein Kampf d'Hitler, il se pose des questions. Il faut donc tester Corso, dans les réponses et les réactions aux répliques et dans les actes.

      Réponse à nouvelle question : il y a plusieurs niveaux de conscience. Oui, tu y as été sensible. Il faut y réfléchir ou en parler pour que cela devienne clair.

      Supprimer
  12. ok pour les Céniza. C'est vrai qu'ils est normal d'être méfiant quand on connait leur choix à eux. Et en effet, c'est vraiment ton exposé sur ce film qui m'a permis de commencer à trouver le sens de tout cela.


    Au sujet de niveaux de conscience, c'est à dire de la "vision"
    j'ai relevé quelque chose :
    Certains des protagonistes principaux ont des lunettes, d'autre n'en ont pas...

    Balkan (grosses lunettes) Corso, Bernie, les Céniza, Fargas ont des lunettes. Ils ont cette double vue que n'ont pas...tous les autres.

    la baronne Kessler, Liana Telfer et son albinos, ainsi que tous les membres de l'ordre du serpent d'argent. (j'ai revisionné, il y a beaucoup de personne âgées et pourtant aucune n'a de lunettes dans l'ordre du serpent d'argent)

    Ce n'est pas innocent. Mais je ne comprends pas le sens exact.
    Ceux qui comprennent sont ceux qui ont des lunettes...
    Alors pourquoi la belle passe-t-elle son temps à ôter les lunettes à Corso ?
    Par exemple, après la bagarre avec l'albinos au bord du fleuve, Corso remet ses lunettes aux verres brisés, elle les lui enlève (puis lui envoie la lumière verte avec ses yeux)
    Et à la fin, dans la voiture, elle ôte encore les lunettes de Corso avant le baiser.

    Ensuite, chez la baronne Kessler : on voit que Corso a ses lunettes avant d'être assomé. Puis au réveil, elle sont posées sur la table devant lui (avec les branches repliées, en plus).
    C'est donc une preuve de plus que c'est elle qui a assommé corso et tué la baronne.
    Quel sens peut-on donner au fait qu'elle lui retire les lunettes ?
    C'est juste un indice pour qu'on sache que c'est elle qui a tué la baronne ? Ou cela a un autre sens caché, comme pour dire "laisse-toi aller", ou au contraire pour le rendre aussi aveugle que les autres sans lunettes ? C'est comme si y'avait une inversion, mais je ne suis pas capable de saisir. Ou alors c'est juste pour signaler que chez ceux qui apportent la lumière (les lucifériens), tout est inversé... à commencer par la croix. Mais ça on le sait, normalement.


    j'ai aussi noté un truc avec les lanternes, mais faut que je revisionne soigneusement pour confirmer et j'en reparle.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Corso a besoin de lunettes pour voir : le diable les lui enlève pour qu'il n'y voit plus clair ... afin de le séduire, qu'il ne voit pas ce qui se trouve face à lui et ce qu'il fait.

      Si presque tous les personnages ont des lunettes, c'est tout simplement parce qu'ils lisent beaucoup. La lecture est réputée pour endommager la vision (qui baisse avec l'âge).

      Supprimer
  13. Ok pour le but avec Corso.

    Cette explication peut coller avec presque tous les personnages, mais pas avec la baronne Kessler.
    Plus que tout autre dans ce film, elle a passé sa vie à lire et écrire des livres. Et pourtant, pas de lunettes chez elle. Donc il y aurait moins que ce que je croyais...


    Je continue sur les lanternes.
    J'ai noté par exemple que quand Corso arrive chez les Céniza, on voit une lanterne éteinte. Quand il en sort et prend le train, 1 est allumée.
    Quand il arrive chez Fargas, 3 lanternes éteintes dans le jardin de Fargas. Quand il en sort, 3 lanternes allumées dans la rue...
    je sais pas si cela doit mener à quelque chose. C'est probablement juste des indices explicites pour lier les gravures et les actions, comme les meurtrières desquelles sortent les flammes (d'abord 4 puis 7 puis 10)



    Puis comme n'arrive jamais par hasard, en allant à la grande surface, je suis tombé sur le dvd avec les bonus, alors je l'ai pris.
    J'avais encore un vieil enregistrement vhs de c+... en 1999 les dvd c'était des saletés double face. j'en achetais jamais.

    J'ai les interviews et les Bonus. J'aime bien ce que Johnny D de Corso et du début du film.

    RépondreSupprimer
  14. Plusieurs choses :
    d'abord, le dvd étant plus regardable que ma vieille vhs, j'ai revu en détail les membres de l'ordre du serpent d'argent. 2 ont des lunettes... donc ce que j'avais relevé ne colle pas.
    Les lunettes ne sont significatives que pour Corso, quand elle les lui enlève. Et pour qu'on sache que c'est elle quand elle l'assomme.
    Donc elle les lui enlève 3 fois en tout.





    ce que dit Johnny Depp de Corso :

    C'est un gars très antipathique au début mais qu'on apprécie progressivement au cours du film.
    Ce qui est très paradoxal puisque c'est un individu cynique au départ... qu'en réalité il est encore pire à la fin.

    ce qu'il dit sur le début du film :
    Que Polanski crée volontairement une sensation de malaise, de vertige
    pour déstabiliser le spectateur.

    En fait, je suis complètement d'accord avec tout ce que Johnny Depp dit sur Corso et sur le début du film. Il est particulièrement intelligent ce gars.

    RépondreSupprimer
  15. Au total, 10 minutes d'interview et 10 minutes de montage (le "mékingof" O_o)

    Mais y'a que ce que disent Johnny depp et le gars qui a joué Balkan qui est intéressant.
    Le mékingof est totalement inintéressant.

    Je peux te faire passer l'interview si tu veux. Je l'encode et ce sera très léger. (c'est en anglais vostfr, naturellement)
    Y'a aussi en bonus un album photo qui est très intéressant : c'est surtout l'ordre des photos qui est intéressant car il n'est pas l'ordre chronologique.
    Je peux envoyer si tu veux, ça pèse pas lourd.



    Et pour finir, j'ai trouvé le texte du delomelanicon mais c'est en latin et incomplet, comme les textes des gravures.
    Si t'as une version complète, ou même mieux déjà traduite, je suis preneur.
    (je pourrais comprendre certaines choses avec le texte latin complet parce que j'en ai fait pendant 5 ans... mais j'imagine que certains l'ont déjà reconstitué et traduit)

    Puis je vais regarder ce que précisément ce que le film donne comme info sur la belle. Déjà, elle est listée comme "la fille", dans les crédits...ils ont pas mis "le diable".

    Et un truc symbolique que tu sa peut-être oublié ou volontairement pas dit... ta photo 2 on y voit le fameux doigt accusateur de la part de Witkin. Encore un truc qui colle au profil des humains recherchés par le diable.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne possède aucun texte satanique, désolé.

      Quant au docu-bonus en vostfr, tu m'as déjà dit l'essentiel. J'en suis satisfait.

      Pour moi, la fille = le diable.

      Supprimer
  16. pour moi aussi la fille = le diable.
    Mais j'ai juste relevé que c'est pas marqué dans les crédits.

    J'ai cherché le texte du delomelanicon plutôt pour rigoler qu'autre chose. Il n'a que peu d'intérêt propre. Mais il est disponible à la vente, genre produits dérivés. Ce qui m'a bien fait marrer.


    Une dernière chose.
    Je suppose que avais noté tout ça :
    au générique début, le spectateur passe par les portes.
    Le film est conçu pour qu'à la fin, le spectateur soit amoureux du diable. Elle a dû recevoir les consignes dans ce sens parce que de très nombreuses attitudes (poses, gestuelle, regards) de l'actrice sont des poses de séduction. (Et pas que sur la fin)
    D'ailleurs c'est un excellent travail (maquillage, poses, fond d'écran etc...) parce qu'en dehors du film (où toute résistance est futile), je la trouve pas vraiment belle la emmanuelle seigner.
    Et bien sûr, le regard point of view, et la chevauchée aussi en point of view.

    Donc Polanski a poussé la chose jusqu'à initier complètement le spectateur. Vraiment méticuleux.


    C'est vrai que chez certains cela a dû créer un malaise et qu'ils ont pas aimé le film pour cela... se prendre d'affection pour un gars qui vend son âme au diable, et tomber amoureux du diable. ça m'avait pas posé plus de souci que ça. c'est qu'un film. Un bon film, comme je l'ai toujours pensé.


    Je pense avoir fait le tour. Merci encore pour m'avoir apporté tes lumières sur mes différentes interrogations.
    En route pour the ghost writer... si je trouve le dvd.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les spectateurs qui n'ont pas apprécié s'attendaient à un thriller fantastique haletant en terme de tension dramatique : ce qui n'est pas le cas : c'est une histoire de séduction.

      >>>>Il n'y a pas de quoi pour les lumières, ça m'a fait plaisir

      Quant à The Ghost Writer, je vais publier un message dans le même genre que La neuvième porte. A bientôt ^^

      Supprimer
  17. Salut,


    J'ai vu le film aujourd'hui et en cherchant une explication pour la fin, je suis tombé sur cet article.

    Si je puis mais permettre, E.Seigner n'est pas le diable, mais la grande prostitué ( de Babylone ) Dans les écrits biblique, elle chevauche la bête a 7 tête, comme sur la gravure, et corrompt les rois et princes de la terre, avec satan.
    Ce qu'elle fait avec Corso.

    Bon article, au passage !

    RépondreSupprimer
  18. Deux remarques :
    1/la scène dans le château "St Martin" ressemble fort à la scène dans le château de "Eyes wide shut" de Kubrick...
    2/Roman Polanski s'est beaucoup intéressé au diable et aux satanistes (Le bal des vampires; la neuvième porte; Rose Mary's baby) pour les ridiculiser. Sharon Tate est morte massacrée par des satanistes... Il ne faut pas trop frayer avec ces milieux...
    René du Var

    RépondreSupprimer
  19. Message en plusieurs commentaires

    Je viens de voir le film et ouah la claque ! Je suis donc particulièrement content de l'échange d'avis ci-dessus, qui m'a donné deux ou trois idées. Je suis d'accord avec ce que tu dis dans l'ensemble, Arnaud, en particulier le double jeu de Polanski dans le film - l'intrigue principale est corollaire du propos réel du film et c'est ça qui le rend vraiment bon; c'est que, de la même manière que Johnny Depp, nous sommes relégués à la position d'un joueur qui ne connait pas les règles du jeu.
    Cela dit, cette histoire de lunettes est très importante à mon avis, parce qu'il y a une insistance là-dessus dans le film - comme dans le fait que Depp fume comme un pompier? Je vais tenter une petite analyse, là, mais il faut garder à l'esprit que comme tu l'as dit, Polanski se moque des "diableries" dans ce film, et il est fort possible qu'il ait laissé des indices dénués de sens dans le film juste pour nous piéger - mais tout de même je m'y penche parce que la clope et les lunettes caractérisent le personnage, et là je ne prends pas de risques:

    RépondreSupprimer
  20. A mon avis, ce qui n'a pas été trop dit et est important, c'est que le Malin est double par définition: Dieu est Un, Lucifer est multiple, incompréhensible: il montre la lumière mais c'est pour mieux dérouter - c'est quelque chose de très référencé dans la littérature de tout poil ce que je dis là: Lucifer est double, diable vient de Diabolis, qui signifie "celui qui divise" ou "qui désunit". Et ce qui est très intéressant dans ce film, c'est le choix de représenter Lucifer comme une femme. En effet, la femme a toujours été associée à Satan ( grâce au péché originel, entre autres) et à sa "dualité" - la femme est un être à part, incompréhensible, pulsionnel, régie par les cycles de la lune (astre inconstant) - un être duel. Ce qui a d'ailleurs salement porté préjudice au statut des femmes dans la plupart des sociétés, et c'est bien moche, mais passons. La femme, dans le film, est précisément ça, duelle: jusqu'à la fin, on ne peut qu'avoir des doutes sur ce qu'elle est réellement; est-ce qu'elle protège réellement Corso ? Pour qui travaille-t-elle, franchement ? A un moment, Corso lui suggère qu'elle est une sorte d'ange gardien, et elle répond, sibylline: "Si ça te va de m’appeler comme ça" ou quelque chose du genre; ce qui en fait la place comme le diable, duel par excellence: à la fois un ange, en effet (déchu) et le mal incarné; même l'apparence physique de la femme est exactement ça, et on s'en rend le mieux compte lors de la scène de sexe à la fin: son visage est extrêmement changeant - on a à peine le temps d'avoir peur qu'elle est de nouveau superbe, et cette confusion se ressent très bien sur le visage de Johnny Depp, en contre-champ.

    RépondreSupprimer
  21. D'ailleurs, cette scène: lors de la conférence au Corso s'endort, au début, Balkan traite des sorcières, et explique que ce sont des êtres qui "bien que conscients de la puissance de Dieu, choisissent volontairement de passer par les voies du malin". En somme, des êtres duels et paradoxaux. Ce bout de discours de Balkan n'a rien d'une coïncidence, puisque c'est là que Corso voit et remarque la fille pour la première fois. Donc à partir de ce moment, j'ai été convaincu que la fille était une sorcière, puisqu'elle en partage franchement la plupart des caractéristiques: pouvoirs de séduction, elle vole (scène du combat contre l'homme de main de Tefler) et surtout, elle opère un sabbat en règle dans cette scène finale ! S'adonner au sexe au milieu des flammes, tout ça. Donc la figure du diable comme femme-sorcière est intéressante à deux égards: déjà elle renforce cette histoire de dualité (ce qui on va le voir est important) et ensuite je dirais que ça retourne justement le stigmate sur les femmes dans nos sociétés, puisque, si sa puissance vient du sexe et de la séduction duelle, elle est puissante néanmoins et notamment physiquement - il y a tout un discours sur le sexe dans ce film; sexe décrépit des "chairs vieillissantes" du cercle satanique (dont Kessler déclare s'être retirée) et sexe en paiement (la fois ou Tefler tente de corrompre Corso par là pour s'emparer du livre) - dans un cas un piège (mais qui échoue effectivement sur le cœur de pierre de Corso) et dans l'autre un rituel ridiculisé. La fille, en revanche, ne cherche pas à piéger Corso. Elle ne fait que lui donner ce qu'il désire, en lui laissant l'apparence du choix. Le diable, ici, n'est pas tentateur, elle ne joue pas de tours, elle sait juste ce qui réside dans le coeur de Corso. Et le sexe final est, non pas un viol, mais une prise de pouvoir sur ce qu'elle sait être sienne - son âme, ou quelque chose comme ça. Mais c'est à la fois une scène "d'empowerment" au sens féministe - ou une femme prend son plaisir à deux mains, le contrôle, le maîtrise (ce qui me fait penser plus haut à ce qui a été dit sur l'Hermite).

    RépondreSupprimer
  22. Ça et le fait que la fille soit associée à l'image des sorcières, femmes persécutées pour leurs moeurs, religions et rapport à la liberté (mais en fait très certainement juste pour le crime d'être une femme) en fait un personnage politique un mon avis - ou tout simplement un très bon personnage de femme puissante (ce qui est politique en soit ^^).
    Pour en revenir aux lunettes: un commentaire a souligné qu'il s'agissait certainement de suggérer l'idée de "double vision". L'idée me plaît et est à mon avis assez cohérente avec ce que je viens de dire. Pourquoi la fille lui enlève-t-elle régulièrement ses lunettes ? Pour moi, les lunettes, en tant qu'outil, sont la métaphore de l'aspect hautement cérébral de Corso: quelqu'un que seul le fric semble intéresser, quelqu'un de tranquille, et qui prend son temps pour arriver à ses buts; un intellectuel froid et relativement calculateur. C'est un mode de caractérisation de personnage largement utilisé. Et c'est aussi pour lui un moyen de se distancier de ce qu'il étudie - lorsqu'il chausse ses lunettes, il devient strictement un étudiant, qui ne s'intéresse qu'à la froide réalité "objective". Sauf que le diable voit quelque chose d'autre, chez lui, et cela ressort à plusieurs reprises. Quand elle lui dit "tu commences à aimer ça" à propos de l'enquête qu'il mène, et plus tard, au château, quand il continue alors que son contrat est terminé et qu'il répond "tu sais très bien pourquoi je continue". En effet, sous ses lunettes, Corso est autre chose qu'un simple étudiant, les livres et les secrets qu'ils renferment SONT sa passion, comme en témoigne cette scène où elle est en train de lire, et où elle arrive à arracher un rire à Corso en lui demandant s'il aime lire. Si Corso (le "coureur", donc, en italien) n'était pas profondément curieux (une qualité satanique) il n'aurait pas couru jusqu'au bout du film, en sorte. Lorsqu'elle enlève ses lunettes, elle le dénude de son apparence calculatrice, aussi bien extérieure qu'intérieure, pour lui, parce que paradoxalement, il n'y voit plus rien - elle l'invite à voir en lui-même; à se découvrir tel qu'il est réellement. Lorsqu'il ne voit pas, il voit en fait plus clair - cette conception de la double vision est clairement annoncée dans la scène de la bibliothèque, au début, où, en enlevant ses lunettes, Corso voit la fille à l'étage, et elle disparaît dès qu'il les remet.

    RépondreSupprimer
  23. Quand aux cigarettes, je vois trois choses: la scène où Corso se voit interdit de fumer chez Kessler, celle où les deux frères Cezina se moquent de leur addiction à la cigarette -dangereuse et inhabituelle pour un conservateur de livres rares, disent-ils- et celle où la fille allume sa cigarette avant même qu'il ait lui-même esquissé le geste. Je pense qu'on peut y voir une progression du personnage de Corso: son addiction est effectivement dangereuse pour son enquête (d'autant plus que les deux premiers livres périssent par le feu), mais elle est ce qui le fait tenir - en miroir de ce qu'est sa curiosité par rapport à son enquête: dangereuse, mais c'est ce qui le mène au bout. Le diable accepte et encourage cet aspect de lui-même en "lui donnant du feu" (puisque cet élément est d'ailleurs omniprésent dans le film, je ne pense pas l'addiction de Corso anodine). En lui offrant la lumière (par le sexe et le feu) elle lui donne les clés de l'enfer - "fais ce que tu veux".
    Par contre je suis très curieux de savoir ce que le vieux Telfer écrit au début avant de se suicider, et même, en fait, pourquoi il le fait ! Est-ce que quiconque a une théorie sur le sujet ?

    RépondreSupprimer
  24. Et bien fin 2015, je revois une fois de plus ce film, je l'aime de plus en plus à chaque visionnage, et tous vos commentaires en éclairent les subtilités et la virtuosité de la mise en scène de Polanski.

    Merci notamment à l'Anonyme du 24 février 2012 18:56 d'avoir détaillé ce qui est l'élément le plus important du film : s'en même en avoir conscience, sauf à la fin, c'est Corso qui passe par les 8 portes et accède ainsi à la neuvième.

    Mon interprétation diffère cependant en ce qui concerne la 8ème gravure ("La vertu gît vaincue"). je ne pense pas qu'il s'agisse de la scène chez la baronne Kessler, mais tout simplement de la fin du film : Corso tue Balkan, il n'est donc plus un "vertueux", à son tour il a du sang sur les main. Ca peut être également la scène de la fuite après la messe noire, ou il s'acharne sur l'homme de main. Enfin, cette "vertu qui gît vaincue" est représentée de manière très littérale par la scène de sexe : Corso gît dans l'herbe et s'abandonne au plaisir.

    Il est également amusant de noter les coups de pouce de "la fille" aux moments où Corso patauge, puisque Lucifer signifie "le porteur de lumière".

    RépondreSupprimer
  25. les diable a toujours fait fantasmer des civilisation entière et ce film est je pense un des rares film sur le diable qui semble pourvu de sens et d'intelligence. les scenes sont surperbement choisies et filmée je trouve , bien que l'on a l'impression d'avoir un telefilm diront certain .. mais l'histoire est imprégnée de la recherche du diable dans notre époque actuelle... sur le net il y a enormement de forum qui parle de ce film cela prouve bien qu'il interpelle .. JD joue super bien et est vraiment dans ce personnage qui se font de tout et en meme temps qui est obnubilé par cette "chasse" aux livre car cette quête est plus forte que tout le reste jusqu'a son existence sur terre.
    Emmanuelle est quand a elle redoutable, bien qu'elle joue en retré , son charme ne laisse pas de marbre , accentué par le cineaste, corso plonge dans ses yeux sans pouvoir comprendre ce qui lui arrive.

    c'est un film qui a aussi une ambiance particulière.. et cela tout le long du film sombre

    personnellement j'ai adoré. un film qui sort de l'ordinaire , qui évoque l'inconcient (le mythe du diable) et qui incontestablement ne laisse insenssible personne... une belle réussite du cinéma

    RépondreSupprimer