La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

dimanche 22 janvier 2012

Le cinéma d'horreur français : 1ère partie

Parés pour un tour de France ?

Je me suis proposé de faire une petite radiographie du cinéma d'horreur français. Elle n'est pas exhaustive, je n'ai pas tout vu. Il faut ajouter que je tiens à ma santé mentale et que mon temps est précieux. La plupart des films censée être horrifique de notre patrimoine est coincée dans un cercle vicieux : peu de budget, peu de temps, scénarii sous-développés, pas de recettes. Il n'y a que le patriotisme et l'amour indéfectible du cinéma qui tache qui puisse faire apprécier nos productions plus proches du torture porn et du gore que de la transmission du sentiment de la peur. J'ai néanmoins tenté l'expérience de l'article compilation, histoire de me faire une idée globale. Dans cette partie se trouvent des chroniques sur Frontière(s), Sheitan, Ils, Mutants, Humains, Vertiges et La meute. Dans une autre partie, Haute tension et La Horde maintiennent la barre.

Personnellement, j'adore le genre horrifique : John Carpenter, George Romero, Jacques Tourneur, Maurice Tourneur (pour La main du diable, 1943), Dario Argento, etc ... ont fait les beaux jours de mon adolescence. J'étais un fervent lecteur de Mad Movies et d'Impact (je les trompais quelques fois en achetant L'écran fantastique). J'en ai gardé quelques exemplaires fameux. J'ai toute une collection de K7 achetée à Movies 2000. On peut y trouver des titres de séries Z honteuses (Creepozoïds, Mutronics, Shopping, Le maître du donjon) et de séries B sympas (Raging Fury). Je reste attaché à Big John comme s'il s'agissait d'un ami et j'attends la résurrection internationale du cinéma d'horreur (qui est devenu crade) comme le messie.










Sheitan (2005) de Kim Chapiron débute sur un gros plan de Mouloud Achour de l'équipe de Michel Denisot de l'émission Le Grand Journal sur Canal +. Il regarde la caméra de face, puis il porte son regard vers la gauche, et enfin vers la droite ... et rebelote. Il porte des lunettes de sky et un T-shirt Kourtrajmé. Il parle avec ses mains. C'est parce qu'il chauffe le public. Il mixe. Il est DJ dans une boîte qui s'appelle le Styxxx club. C'est assez petit. Les murs sont peints en noir. Il y a un bar dans le fond, une piste de danse au milieu et un escalier qui mène à un étage. Des éléments de décor gris et roses se font remarquer. Les femmes dansent et les hommes parlent d'elles en les qualifiant de chiénasses qui ont le feu à la chatte ... et la laideur du montage anarchique des diverses et variées valeurs de plans ne donne pas envie d'en savoir plus. Les gros plans sont hideux (et ils ne sont pas les seuls) et montrent que le point de vue est grotesque (puisqu'il n'y en a pas). Le récit semble annoncer des clichés et des facilités racoleuses. L'intrigue promet d'être nulle avant que la tension dramatique ne soit installée.

Kim Chapiron a réussi un tour de force en réalisant un plan horrible pour ouvrir
Sheitan ... c'est une nouvelle façon de qualifier le genre du film : un plan horrible = film d'horreur

... je vous rassure tout de suite, le film est entièrement constitué de plans horribles ...

...on est bien dans un film d'horreur(s)

Kim Chapiron, beau visage, doit considérer que l'horreur se trouve dans la laideur esthétique et plastique ...

... la preuve : le méchant a une sale gueule

... et les perspectives sont hideuses : plan de réalisateur qui aime les hommes qui en ont

C'est qu'elle est finement soulignée cette histoire de consanguins en campagne

Fin de la partie sur Sheitan.







Frontière(s) (2007) de Xavier Gens démarre sur une cascade de clichés et continue de la sorte pour sombrer dans les exagérations. C'est l'émeute à Paris. Les CRS cassent du bon militant. Il y a des policiers qui tirent dans tous les sens (et surtout sur des murs). Au milieu de tout cela, des racailles se disputent autour d'un mort en sursis. A part cela, ils ont volé de l'oseille ... ne me demandez pas à qui et comment, la caméra bougeait dans tous les sens et les dialogues étaient couverts par des bruits de balle et des injures. 2 de ces racailles partent en convoi de tête se réfugier dans un gite juste avant de passer la frontière belge. Pourquoi ces 2 demeurés ne se sont-ils pas planqués en Belgique ? Pensant dur comme fer que la France est un pays de fachos, ils doivent l'aimer plus que de raison. Mystère donc. Du coup, ils vont tester l'accueil des néo-nazis consanguins, campagnards, chrétiens, chômeurs et cannibales. 2 salopes draguent les 2 petites frappes parce qu'elles respirent (je précise ce qui se passe dans cette scène de Frontière(s) : l'une des 2 racailles est un musulman ayant une petite copine qui se laisse monter par une pute en filmant la chose) et ... ils tombent dans le traquenard sanglant promis par l'énoncé de l'affiche imposé par la commission de classification : "Ce film accumule des scènes de boucheries particulièrement réalistes et éprouvantes". Les néo-nazis ne sont pas non plus très futés. Ce sont des fonceurs filant tout droit la tête la première dans le mur. Le jeu de cache-cache est insipide au possible. De plus, aucun personnage n'est appréciable. Il faut aimer la mise à mort de caricatures pour visionner ce film parce que Frontière(s) n'est que de la boucherie. Sauf que ce n'est pas fin, et que ça ne se mange donc pas.

L'horreur à la française : si tu n'es pas de Paris, tu n'es pas humain.








Ils (2005) de Xavier Palud et David Moreau (II) se déroule en Roumanie. L'introduction est un double-meurtre inintéressant de 2 femmes qui ont froissé leur pare-choc-avant contre un lampadaire et qui ne trouvent pas le moyen de faire marche-arrière et de repartir. La suite est allouée à 2 personnages insupportables : IL est un beau gosse et ELLE est sa copine propre sur elle qui passent leur temps à regarder la téloche sur un canapé ou à se vexer qu'ELLE n'ait pas aimé son mélange de tous les ingrédients qu'IL a trouvé pour cuisiner. Ensuite, le couple se fait voler leur voiture. Et on leur téléphone. Le comble du comble intervient en toute fin de métrage lorsqu'ELLE n'arrive pas à éclater à coups de pierre la tête d'un des adolescents qui viennent de tuer son amoureux. Frêle personnage qui pensait s'en sortir sans se défendre. Raté. Ils est inspiré d'une histoire vraie.






Mutants (2007) de David Morley débute de façon intéressante. Sans surprise, la survie est difficile quand le monde est plein de mutants cannibales et le sentimentalisme n'a pas sa place. Les survivants se baladent en ambulance et une infirmière est l'héroïne du film (2 jolies idées). La policière, toute préparée aux situations dangereuses, est la première à virer paranoïaque et ne se fait que des ennemis. Ces prémices clôturent la partie 28 jours plus tard que promet l'affiche ... le reste du film (la partie La Mouche) nous laisse, nous spectateurs, bloqué pendant 3 plombes dans un grand bâtiment perdu en forêt. L'amoureux du personnage incarné par Hélène de Fougerolles devient mutant ... lentement, très lentement, pustule après pustule, éternuement après éternuement, cheveux gras après cheveux gras, ongle noirci après ongle noirci, filet de bave après filet de bave, décoloration d'un iris d'œil après décoloration de l'autre iris d'œil, cellule par cellule, le corps se décharne, la peau s'éclaircit, les murs du bâtiment sont blancs, des détritus jonchent le sol, la peinture est écaillée et l'état du carrelage est pitoyable car on peut constater des dégâts des eaux, etc ... Pendant ce temps-là, Hélène attend Noé, l'arche militaire qui va venir les sauver. Elle apprend qu'elle est immunisée contre le virus. Elle est la vierge Marie, la pucelle d'Orléans, Marianne et les suffragettes à elle toute seule. J'ai sauté des passages. Il reste 15 minutes avant le générique de fin (peut-être 20'). Des rôdeurs passent par là. Arrivée de mutants. Hélène est emprisonnée entre quatre grillages en fer blanc. Elle est entourée de mutants. Noé se pointe et la sauve. En somme, Mutants aurait pu faire un court-métrage sympa et assez convenu.






Dans Humains (2008) de Pierre-Olivier Thévenin et Jacques-Olivier Molon, le casting est travaillé. Lorànt Deutsch, Dominique Pinon, Philippe Nahon et Sarah Forestier sont au générique. On ne peut pas reprocher au cinéma français de ne pas mettre les grands plats dans les petits, ou les petits grands dans les plats. En tout cas, ils se perdent en forêt à la recherche d'un homo entre l'homme de Cromagnon et de Neandertal, ou un Neandergnon ou un Cromadantal (je ne sais plus, cela fait quelques temps que j'ai vu Humains) ... cette fois, c'est en Suisse, en forêt suisse entourée de montagnes même. Il y a évidemment des humains civilisés qui sont potes avec les homo des cavernes. La découverte du siècle aurait pu tourner à la partouze mais l'intrigue tourne en rond dans cette très jolie nature, comme les personnages perdus. Il y a une mort de personnage une fois de temps en temps : rien de particulier à signaler au niveau des mises à mort. Les uns courent après les autres. La fin est ridicule, me semble-t-il. Humains se termine sur une note d'espoir niaise : 2 enfants ont survécu, un de Cromadantal et un humain qui font je ne sais plus quoi au proche village.




 

Vertige (2008) d'Abel Ferry : Même le souffle court ou coupé, il n'y a pas de quoi se retenir à la corde. Mieux vaut (se) laisser tomber. Je ne me rappelle en rien de Vertige si ce n'est que l'action se déroulait dans les gorges de l'Hérault (pas loin d'où je suis né). Vous connaissez donc la raison pour laquelle je l'ai regardé. Il me semble qu'à un moment les protagonistes traversent un pont que tous les enfants d'école primaire du département ont dû franchir. Vertige a en fait été tourné lors d'une sortie scolaire.





La meute (2010) de Franck Richard : Émilie Dequenne parcoure les routes de France dans sa voiture. Elle s'est fait tatouée Hate sur les 2 mains. Elle prend des autostoppeurs et les laisse conduire sa maison mobile. Elle a la confiance tranquille. Elle dit des choses du genre "toi, t'as une haleine à faire cailler du yaourt". En arrivant à La Spack, un saloon franchais perdu au milieu de nulle part la France, elle ne soulève pas intelligemment l'étrangeté du lieu en voyant courir devant elle une personne emmitouflée dans du papier à bulles s'éclater la tête contre une planche de bois. Émilie Dequenne s'en fout de tout cela. Elle préfère raconter à un mec pas trop con (pour une fois) une blague sur des nécrophiles pyromanes sadiques zoophiles qui veulent baiser un chat en asile psychiatrique. Ensuite, elle manque de se faire violer par des motards vulgos et est sauvée par Yolande Moreau armée d'un double-canon. Toute cette finesse d'écriture et de jeu avec le spectateur que je suis m'a laissé pantois. De toute évidence, l'auto-stoppeur est complice de ce qui passe de louche ("enlèvement de jeunes femmes à La Spack" -avouez que la tagline est super accrocheuse, ça coule de source quand on le prononce : c'est un peu comme prononcer "on va au resto U pour se sustenter le vide du bide"-) et Émilie qui se désigne toute seule. Ensuite, Émilie Dequenne passe 40 minutes dans une cage emprisonnée à côté d'un cowboy asiatique. La meute est bourré de références au western. Puis des zombies mineurs sortent de la terre pour les picorer.

Émilie Dequenne et sa haine qui ne lui sert à rien

En .gif : une arrivée à La Spack sans rien de spécial à remarquer (je n'aime pas trop quand le sourire est de rigueur dans un film d'horreur ; ça veut dire que je ne vais pas frissonner)


La meute est donc un gros délire. C'est du fantasque. Mais c'est toujours la même histoire. On est en cambrousse française et ça va charcler dans les sous-sols, dans les caves, dans les granges, dans les mines, dans les rades infects, dans les champs, dans les remises et dans les placards entre 2 répliques grasses et des personnages vulgaires, stéréotypés et caricaturaux. En tout cas, on voit que le réalisateur Franck Richard a trouvé un bon moyen de caser son amour pour les crânes en réalisant La meute. On sent aussi que les proprios de La Spack sont ses potes ou qu'il s'agit de sa propre auberge. Bien photographié et cadré, La meute suscite plus de sourires que de frissons car le récit ne plonge pas vraiment dans l'horreur. L'ensemble reste charmant dans le décalage comique.

Philippe Nahon et un t-shirt "Fuck on the first date" (en français "baise au premier rencard")

Je case ici un plan horrible de Sheitan car dans le cinéma d'horreur, il faut toujours un élément de surprise

L'amour des crânes de Franck Richard






Le cinéma d'horreur français présente une compilation assez défouloir de ce que les auteurs ont à partager avec le monde. On sent qu'ils règlent des comptes : les jeunes de banlieue, les néo-nazis, les gros durs, les ploucs, les routards, les tricards, les paysans (tous consanguins ?) et les suisses en prennent pour leur grade. Tous sont des caricatures vulgaires. Il n'y a aucun personnage aimable pour lequel/laquelle je pourrais frémir d'angoisse en craignant qu'il ne lui arrive quelque chose de terrible (il n'y a guère qu'Hélène de Fougerolles dans Humains qui soulève de la compassion : malheureusement le film est insupportable de lenteur). En rajoutant Calvaire (que je n'ai pas vu) de Fabrice Du Welz (2004) à cette liste de films, les scripts reprennent tous à quelques détails près la même trame narrative : les victimes vont à la campagne ou à la montagne et ... c'est l'horreur sur tous les plans.

8 commentaires:

  1. J'ai pas encore tout lu mais on se rejoint complètement sur la triste marotte consistant à filmer la province comme un nécessaire et évident vivier à freaks humains consanguins alcooliques et meurtriers. Ceci dit cette tendance-là se retrouve aussi beaucoup dans le cinéma d'horreur merdique ricain non ?

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  2. Le cinéma ricain est un peu plus diversifié : il y a eu dans les années 2000 les bidouillages technologiques, les torture porn avec des riches qui zigouillent des jeunes, les films en asiles psychiatriques, les remakes US et japonais, et, les freaks consanguins de la campagne. Mais bon, il y a Tucker & Dale vs Evil qui fait le contre-pied à cette dernière catégorie.

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  3. Très chouette article, Arnaud !
    C'est vrai que Tucker & Dale vs Evil prend très intelligemment à contre-pied toute cette tendance, qu'il s'en moque en beauté et que cela fait de lui un film d'autant plus appréciable.
    Je remarque que tous les réalisateurs derrière ses films sont assez jeunes et qu'ils reproduisent certainement ce qui a marqué leur cinéphilie d'amateurs de ciné de genre, à commencer par le chef d’œuvre Massacre à la tronçonneuse, l'une des références incontournables de ce genre de films, sans jamais en saisir l'essence. On a donc là tout un tas de films d'apprentis réalisateurs qui ne savent pas se détacher de leurs influences étouffantes et qui, par la même occasion, les trainent dans la boue, les ridiculisent, les appauvrissent considérablement.
    Aux USA, le cinéma d'horreur est plus florissant, du coup cette tendance-là, qui existe aussi, passe un peu plus inaperçue. Mais c'est un peu le même schéma qui se reproduit, j'ai l'impression. Et il suffit d'une ou deux "réussites" (je pense par exemple au remake de La Colline a des yeux et à Détour Mortel) pour relancer la machine et que la tendance reprenne de plus belle...

    Vivement la deuxième partie !

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  5. Très bel article. Je n'ai vu que les deux premiers. Le second m'avait marqué quelque peu mais pas le premier. Il serait sympa de parler également des films d'horreur français des années quatre-vingt même si la majeure partie d'entre eux sont d'une qualité médiocre. Juste histoire de compléter le sujet...

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  6. Les seuls films français "de genre" des années 1980 que je connaisse sont les sériez Z de Jean Rollin et celles produites par Eurociné (exemple : Le lac des morts-vivants) ... que je n'oserais même pas classé dans l'horreur. Mais s'il en existe des vrais (d'autres), je veux bien me pencher sur l'affaire.

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  7. J'ai fait une nouvelle annonce pour cet excellent papier sur tweetos :)

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