La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

jeudi 30 juin 2011

Idioterne (Dogme95 No 2)

Mercredi 29 Juin 2011
Nuit

Film danois réalisé en 1998 par Lars von Trier, Idioterne, en français Les Idiots, présente un collectif d'individus décidés à nuire à l'ordre public en jouant aux attardés mentaux. Ils créent volontiers la zizanie, usent et abusent de la bonté des gens (gratuité au restaurant), se posent en décalage des normes sociales (squatter une place de parking pour handicapés, un homme utilise les douches féminines de la piscine municipale), et, construisent leur emploi du temps pour rire en taquinant et se moquant d'eux-mêmes et des autres. Le Dogme No 2 est un pamphlet contre l'idiotie dans sa forme d'antithèse de société bourgeoise et de classe moyenne hiérarchisée, ordonnée, conservatrice, respectueuse et productive.

Le style documentaire du film embarque le spectateur, entre interviews des divers protagonistes, sur les lieux de leurs pérégrinations et nous montrent leurs amusements puérils. La Betacam permet une infiltration chez l'autre sans empathie pour les idiots. Ils n'ont aucune intimité. Ils ne semblent n'avoir ni tabou ni émotions ni respect de l'autre. Ils ne vivent pas chez eux. Le passage éclair de l'oncle dans sa maison (élément déclencheur) que le groupe squatte rappelle en opposition aux normes du travail et de la conservation que le collectif rejette.

Puis quelques individus viennent leur projeter un reflet que les idiots repoussent (des acheteurs pour la maison) ou qui les détruisent moralement (de véritables attardés mentaux) et commencent à les désunir. Leur idiotie qui semblait d'abord être mise en balance par Karen, une nouvelle venue, une jeune femme fauchée, qui ne sait pas pourquoi elle se laisse embarquer dans l'aventure, est en fait contagieuse. Karen est de plus en plus affectée par cet environnement après s'être même demandée si elle avait le droit au bonheur. Cette question met en perspective le raisonnement qui est celui des idiots jusque là : le bonheur se conçoit dans l'anomie. Plusieurs sont en repos ou en vacances de leurs vraies vies (boulot, famille) ; ils sont dans cette expérience pour échapper aux responsabilités (ni conséquence ni miroir ni punition) alors que Karen était déjà à la dérive avant de les rencontrer. L'amusement des idiots provoquent la chute des fragilisés par la vie et nécessite de franchir des étapes pour aller vers quelque chose de plus compromettant et dangereux en interne.

Karen à gauche.

Survient la défense des intérêts du groupe. Un conseiller municipal puis le père de Joséphine viennent apporter deux contre-points à la philosophie du bonheur des idiots. En premier lieu, la corruption. Afin de les faire déménager, la mairie leur offre de l'argent sans leur faire la morale. Puis, le parent leur oppose l'indifférence et le mot fameux : "In Vino Veritas" soulignant ainsi l'enivrement des imbéciles qui sortent d'une orgie (attention ! il y a des plans explicites à l'écran) et qui se croient éclairés de génie. Une limite se dessine. Josephine a besoin de prendre des pilules qu'elle a abandonné au domicile parental. Même si elle est très heureuse en idiote, chez les idiots, on ne se soigne pas. Les idiots ne peuvent apporter aucune aide. Ils n'y font que semblant d'être malade. La confrontation entre ce monde loin de tout et celui où leurs proches attendent leur retour fait exploser le collectif.

Film rude à visionner mais enrichissant. Idioterne est plus approprié à mon goût concernant l'existence en dehors de la société (ici en micro-société) que les récits sur les retours à la nature tel Jeremiah Johnson (1972) de Sydney Pollack ou Into The Wild (2007) de Sean Penn, deux visions assez romantiques sur une autre vie et (donc) une autre mort.

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