La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

vendredi 10 février 2012

Super

S'il-te-plaît, chérie, ne me quitte pas pour un dealer de drogues

Si toi aussi, tu rêves de te faire draguer par une femme facile ayant l'air d'une adolescente, habille-toi en rouge

La liste d'arguments de poids pour mater Super de James Gunn, DTV (direct to video) en France, est longue comme le bras. Je me suis arrêté à l'un des plus frappants pour introduire cette pelloche. Si, comme moi, Juno (dont je ne citerais ni la date de fabrication ni le nom du réal) vous a mis au supplice et vous a insufflé l'envie de promulguer le retour en force des ceintures de chasteté afin que plus personne n'ait l'idée d'écrire et de réaliser d'interminables purges pareilles promues par le festival du film de Sundance ... si, comme moi, vous avez été traumatisé par Juno au point de maudire la série MTV culte Daria pour avoir ouvert une brèche dans l'utilisation d'un ton désabusé de narrateur ... si, comme moi, Juno vous a donné envie d'instituer certaines taxes très couteuses de douane pour avoir une bonne excuse de ne plus importer ce genre de merdes, ce Super vous fera oublier Juno une bonne fois pour toutes. James Gunn joue à merveille des codes du super-héros, du vigilante et du cinéma sundancien notamment en réutilisant Ellen Page dans un rôle de chienne lubrique qui veut buter son petit monde.

A part cela, Super s'en prend ouvertement à la règle (chère au cinéma américain) du citoyen qui se prend pour un super héros dès qu'il règle les comptes, au nom de la justice, et pas au nom de son ego de merde de larmoyant foireux, à grands coups de fusils à pompe.


Super, James Gunn, 2010, USA.

Rainn Wilson, le crédule Dwight de NBC's The Office, incarne Frank D'Arbo, un cuistot d'un bouiboui. Il hante le sous-ventre de la société leadeuse mondiale de consommation. Du coup, il représente tout ce que les USA se cachent et dissimulent au monde entier : des individus sans pouvoir d'achat largués au niveau émotionnel et idéal qui se trouvent des raisons de vivre provisoires pour ne pas souffrir de la solitude et de l'ennui. Même les ghettos sont glamour à côté du cadre de l'action de Super.

Troma like, ce Super est un outil filmique bien barré déconstruisant la vengeance par le ridicule sur un mari dont la femme est partie avec un dealer de drogues. Sous des allures de super-héros, le cuisinier joue au régleur de comptes afin de récupérer l'amour de sa vie. C'est alors que le mélange des genres s'opèrent pour donner lieu à du super-vigilante. Le personnage principal croit embrasser la justice à bras le corps mais il se vide de toutes ses frustrations. Du coup, les violences qu'il inflige font mal. Entre pitié pour Frank et pour ses victimes, j'ai été donc pris entre deux chaises bien inconfortables qui m'ont rappelé que le cinéma n'a pas à nous brosser dans le sens du poil pour que l'on apprécie une pelloche.


Et chacun en prend pour son grade dans Super. Personne n'est laissé au hasard. On est tous le con de quelqu'un d'autre. La logique de Super prend cette maxime pleinement en compte. Les acteurs sont excellemment employé à cet escient : Kevin Bacon est parfait dans le rôle du dealer dont la technique de consolation est minimaliste au possible, Liv Tyler est magnifique dans le rôle d'une femme en perdition (a-t-elle enfin finit de "faire le tapin", dixit sa propre expression, en trainant son joli minois sur les plateaux de Hulk, de Le seigneur des Agneaux et d'Armageddon ?), Ellen Page est la révélation de Super dans un rôle d'acolyte plus frappé que le héros (elle est inoubliable ! Rien que pour son numéro comique, la vision du film se justifie !), et Rainn Wilson incarne Frank D'Arbo, un homme dont la plus grande réussite personnelle est d'avoir épousé le joli petit lot qu'incarne Liv Tyler.


Le récit de Super est intelligemment construit avec des phases de fantasmagorie et des souvenirs en flash-backs explicatifs et déterminants pour caractériser la relation entre Frank et son épouse (et donc toute l'histoire). Le récit est également agrémenté d'emprunts visuels intéressants à la bande dessinée et aux séries télévisuelles kitchs. Même si le désarroi du personnage principal domine l’œuvre et peut transmettre une sinistrose carabinée à ses spectateurs, beaucoup d'autres points positifs (l'expérience Super mêle profonde sympathie à humour grinçant) sont à réserver pour le plaisir de la découverte de Super qui est un must du comique pathétique et satirique des USA. J'ai adoré !


Rainn invoque le diable : il n'y a que cela qui puisse aider sa carrière hollywoodienne ...

Qui dit USA dit aussi qu'Hollywood a un idéal de casting auquel ne répond pas Rainn Wilson/FrankD'Arbo/The Crimson Bolt qui a (co-)produit l'objet filmé. Jouer dans The Office lui a rapporté un pactole précieux pour se promouvoir en tant qu'acteur et financer des projets qu'il apprécie, Super est donc complètement indUSA ! Un ancien de Troma et un probable enfant de hippies (Rainn signifie "pluieuh" en anglais) ont concocté un film singulier. La preuve ? Super s'est viandé au box office US (le film a de la gueule) ; pour 2,5 millions de dollars de budget, il n'en a rapporté que 322 157 à une époque où des Thor, Captain America, Cowboys vs Aliens, Insidious, Pirates des Caraïbes, Transformers et autres scléroses en plaque de Clint Eastwood viennent en mettre plein les neurones de spectateurs feignasses outre-atlantiques et remplirent les poches de markéteurs cinéphobiques.

... ça a marché ! Lot de consolation : il a une statuette à son effigie ! Chapeau coco !

Tout cela m'a d'ailleurs donné l'idée d'une histoire pour une suite : qui dit pauvre aux USA dit maison achetée à crédit ... du coup, une agence de recouvrement, dans Super 2, devrait expulser Frank D'Arbo en augmenter les taux d'intérêts de son emprunt pour se faire plus de fric plus rapidement (et plonger le monde dans une crise économique). Bonne raison pour Frank de renfiler son costume. James Gunnn, tu me fileras la moitié des droits d'auteur sur ce coup-là.

3 commentaires:

  1. Je ne partage pas vraiment ton enthousiasme sur ce film mais il fait plaisir à lire et je n'aimerais pas le refroidir :D
    A travers ce film, il me semble que James Gunn nous parle de l'histoire qu'il a vécu avec Jenna Fischer !

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  2. Il te semble également que Take Shelter est un bon film ... ce qui n'est pas le cas donc LOL :D

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