Henry Barthes (Adrien Brody) est un professeur remplaçant enseignant la littérature anglaise. Il mérite le surnom de "Jésus Christ super-prof" (donné par moi) car il prend tous les problèmes à bras-le-corps. Il se bat contre les cache-misères, contre l'indifférence, contre le défaitisme, contre la prostitution, contre le consumérisme et contre le masochisme des adolescents.
Car ces adolescents sont victimes d'une société de consommation qui fait des ravages, notamment sur l'imagination, élément indispensable à la vie. Adrien Brody (l'acteur a prêté corps et âme à l'essai) et Tony Kaye singularisent cette/notre société en soulignant que l'aliénation qu'elle provoque via son pôle consumériste conduit le jeune malléable à tout ingérer sans discernement (avec son corps et son esprit). Dans ce monde, le sexe est à la fois un moyen et une marchandise. Dans ce monde, l'esprit ne s'intéresse qu'à lui. Ce qui pousse des ados à des comportements à risques et immoraux (comme vendre son corps ou dévaluer la sexualité, l'éducation, l'autre, le respect et l'amour). En résulte un énorme manque d'affection et une envie débordante d'être aimé chez certaines personnes alors qu'elle incite à une totale désaffection chez d'autres. Les phénomènes sans durée ont remplacé l'intérêt pour le passé (et donc la littérature) car la mode change toujours et une mode efface toujours la précédente mode (de telle façon que le passé -de l'année dernière, de la décennie précédente, de la génération des trentenaires, de la génération des parents, du passé historique- est continuellement ringardisé).
Dans Detachment, il est question de "Sickening of the heart" ("un cœur malade") |
Ce qui est donc en train de s'écrouler, c'est l'institution scolaire. Parce que d'un côté, les profs sont agressés, culpabilisés, insultés, à bout de nerf et indésirables. De l'autre, ils n'ont que quelques élèves qui font ce qu'ils peuvent pour s'accrocher (quand ils en ont encore envie). Ces jeunes moins doués, faisant de l'ombre à la société du mérite qui casse des records toutes les semaines, sont donc des laissés-pour-compte et c'est ce qu'ils prolongent pour eux-mêmes, tandis que les adultes les poussent toujours un peu plus dans leurs retranchements.
Avec Detachment, Tony Kaye pousse donc des coups de gueule ... contre cette administration indifférente, contre les parents aveugles envers leurs enfants et contre les élèves qui ne se considèrent plus. Le côté donneur de leçons du film peut agacer (mais il comble du temps), même s'il prend parfois des formes amusantes (voir le renversant James Caan) ; le film assemble des scènes de face-à-face entre professeurs et étudiants dans lesquelles chacun sort ses 4 vérités. Certains passages sont ridicules (le plan un peu long sur les pleurs de Barthes dans le bus et la scène où Barthes imite la voix de sa mère alors que son grand-père se meurt), superflus (résolutions simplistes > pourquoi poser un problème ?, et le secret de famille de Mr. Barthes fait lever un sourcil de scepticisme) et réutilisent des clichés d'ados en difficulté (l'ado triste et suicidaire, le black proférant des menaces, etc ...).
Mais le propos est assumé (je peux au moins lui reconnaitre ce mérite). A travers quelques scènes qui paraissent magnifiques, Detachment fait effet (la lecture de l'extrait de La chute de la maison Usher de Poe, le professeur "inexistant", la relation à la jeune prostituée, le meeting autour de la valeur immobilière, JAMES F**KING CAAN). Avec la lecture de Poe, Tony Kaye met en image la chute d'une société trop attachée à ses résultats et ses réussites : Detachment ou D'une société atteinte d'une maladie du cœur dont l'école est le reflet.
Pour conclure, Detachment allonge l'addition pour la charger beaucoup mais le sous-texte affiché par quelques scènes intelligentes est frappant. Le film du britannique Tony Kaye possède la force d'une œuvre au propos radical. Difficile de quitter ou de rester dans la salle. Les images de Detachment sont montées avec efficacité et, même si, à quelques reprises, le film donne dans le ridicule et le superflu, de bonnes choses font tenir jusqu'à la fin.
J'avoue que ça donne quand même pas très envie, mais je dois avouer aussi que je n'avais AUCUNE envie avant de te lire, donc t'as quand même fait progresser mon envie, si peu que ce soit :)
RépondreSupprimerNe te force pas, Rémi.
RépondreSupprimerJe n'oblige personne.
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