La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

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vendredi 8 juillet 2011

I Am Dina

Jeudi 7 Juillet 2011
Nuit

Après un début très chargé en émotion dans lequel une petite fille cause accidentellement la mort de sa mère, I Am Dina (2002) suit le parcours de cet enfant traumatisé que son père blâme et abandonne, et qui, rongée par la culpabilité, devient une sauvageonne vivant dans la montagne.

Elle redécouvre les joies de l'intériorité et de la société grâce à la musique. Soutenue alors par son père et son professeur mélomane, Dina s'épanouit en jouant du violoncelle mais elle conserve un tempérament possessif et violent aux pulsions meurtrières. Le beau visage adulte de Maria Bonnevie, actrice choisie pour jouer le rôle, cache une folie létale.


Dina aime dominer son mari (incarné par Gérard Depardieu) qu'elle tourmente jusqu'à la mort. Elle est très exigeante dans la fréquence des rapports sexuels. Elle prend le dessus sur Jacob lors des transactions commerciales. Elle joue du violoncelle la nuit l'empêchant de dormir. Elle craint de se dévoiler à lui avec le temps et les défenses qui s'affaiblissent. Jacob, lui, cherche à l'éviter de plus en plus.


Dina exprime sa passion tourmentée pour une fuite en avant de ses obsessions lors de ses longues sessions de nuit. La teneur du goût pour le morbide de Dina est soulignée par l'emportement de son jeu fiévreux. La musique, inspirée du style de Bernard Hermann, dans sa période de collaboration avec Alfred Hitchcock, est écrite par Marco Beltrami. Elle soutient le ton dramatique du film et retranscrit le drame qui occupe l'esprit de Dina par une partition enlevée et émotionnellement chavirant.

La lumière crue du métrage retranscrit la dualité de Dina. Dina, entourée de somptueux décors naturels norvégiens, apprécie l'enfermement lui permettant de conserver ses inquiétudes. Les nombreuses zones ombragées et la lumière blanche aveuglante des décors intérieurs ainsi que le rendu des sublimes extérieurs froids (permettant de créer quelques tableaux de splendide tragédie) soulignent les oppositions entre raideur psychologique et beauté naturelle, ténèbres intérieurs et clarté environnante.

A un pas du Cri de Munch

Le montage moderne soutient un enchaînement rapide des séquences. Plusieurs coupes dans le plan impriment un rythme saccadé et vif à des scènes où Dina souffre de délires et de remords. Ole Bornedal indique que son héroïne perçoit les choses environnantes de façon syncopée. Ses comportements considérés ordinaires et en rupture décrivent les deux aspects écartelant psychologiquement la jeune femme : l'excitation et la mort.

Une excitation menant à la mort, et, une mort excitante

Pour représenter son affliction, de nombreux flashbacks sont utilisés. Les apparitions du fantôme de sa mère appuie les inquiétudes de Dina de voir disparaître ceux qu'elle aime. I Am Dina est l'histoire d'une enfant qui ne veut pas se soigner mais aime à croire qu'elle prend soin des autres ; elle cherche à contrôler la vie et la mort de tout un chacun.

Cependant Dina s'avère difficile à supporter dans sa deuxième partie. Ses conflits avec les hommes sont montés en épingle à cause d'un jeu à tiroirs peu inspiré entre 3 messieurs qui s'arrachent ses faveurs.
 
Plus habitué aux films à suspense qu'au mélodrame, Ole Bornedal, réalisateur de Nightwatch /Nattevagten (1994), le remake US de Nightwatch (1997) et Just Another Love Story (2007), gère péniblement les affairismes divers, les attirances insensées que l'anti-héroïne provoque plus ou moins contre son gré et la teneur des intérêts changeants de Dina.

Spoiler alert 

I am Dina se conclue dans la confusion. Sur une note répétitive et torturée, Dina se damne elle-même en commettant un meurtre supplémentaire. Dina se réfugie et trouve une paix fallacieuse dans ses rares bons souvenirs. Les sourires s'enchaînant à l'écran ont une résonance morbide et signifient un décalage dans la pensée de Dina qui est vain de résolution.

Fin spoiler alert

Ole Bornedal trouve avec Jeg er Dina  l'occasion de creuser ses thèmes de prédilection que sont les rapports entre sexe, mort, ennui, excitation, mensonge, double identité, perte de contrôle et faux-semblants. Il privilégie le choc émotionnel plutôt que la faculté à émouvoir. Le tragique propre aux mélodrames est traité avec lourdeur et exagération qui confèrent au film une complexité qui exclue le spectateur du spectacle. Les aspects techniques que sont la photographie, le montage et la musique, toutes à vocation subjectiviste (retranscrivant la pensée de Dina) sont intelligemment utilisés mais ne servent pas l'effet d'emphase sur l'audience. La lumière est trop crue, le montage enchaîne les séquences avec trop de célérité et la musique noie à quelques reprises l'émotion. Seule la suite d'événements scénaristiques relèvent l'intérêt de I am Dina jusqu'à ce que le récit s'embourbe dans une multiplication de trames (3 hommes = 3 lignes directrices) résolues de façon simplistes dans sa seconde partie.

mercredi 6 juillet 2011

Reconstruction

Mercredi 6 Juillet 2011
Hors du temps



Alex David, interprété par Nikolaj Lie Kaas, est à la recherche de son désir. Lassé de la relation avec sa petite amie Simone, fidèle, dévouée et aimante, il se lance dans une aventure de 24 heures avec une femme différente, Aimee, joueuse et mystérieuse.

Alex.

Le casting est dans Reconstruction un élément important de la compréhension de l’œuvre. Christoffer Boe, metteur en scène du film, a choisi Maria Bonnevie pour interpréter les rôles de Simone et Aimee, les deux femmes qui font balancer le cœur d'Alex. Boe joue sur la similarité des physiologies des deux personnages féminins pour mettre en évidence l'étrangeté qui existe dans le désir. Sans s'en rendre compte, Alex veut construire son amour pour sa petite amie avec une autre.


Aimee.
Simone.









Cette odysée est partagée avec Aimee qui est une femme mariée. La plaisance dont Alex David et Aimee se satisfont est l'ignorance. "Ne rien savoir de l'autre pour mieux l'aimer" résume le travers des prétendus amoureux empreints de légèreté d'esprit. Tous deux s'amusent à aimer sous la menace de la découverte de l'affaire par leurs conjoints respectifs.

Simone et Alex.
Aimee et Alex.
Aimee.
Son mari et Aimee.
Alex et Aimee.








Pour son long-métrage de 2003, Boe a recours à des astuces métaphoriques aux explications fantastiques pour souligner l'impossibilité de retour en arrière d'Alex et la confrontation aux problématiques de sa quête d'amour. Lorsqu'Alex souhaite rentrer chez lui après une nuit passée avec Aimee, la porte de son appartement est remplacée par celle du grenier. Le dit-appartement du photographe n'a jamais existé selon la gérante de l'immeuble. Le foyer qu'il fuyait avant de l'avoir construit s'efface de sa vie. Alex se retrouve enfermé dans une fourche avec deux voies possibles. Il se doit faire un choix entre Simone qui l'accueille à aller de l'avant avec elle et Aimee qui est hésitante. Le sentiment amoureux d'Alex est alors soumis au doute. Alex court après une décision entre deux femmes dont l'attente n'est pas éternelle.

Christoffer Boe.
La mise en image du cinéaste Christoffer Boe est soignée et stylisée. La photographie joue sur un jeu de clair-obscur. L'éclairage recentre l'action dans des zones de lumière portées à l'évidence par poursuite ou un simple projecteur, quelques fois en ombre. Un jeu sur le flou permet de conserver sur certains cadrages un premier plan net ; servant à resserrer l'attention sur la présentation et les présences des personnages (notamment lors des présences de Simone et Aimee au même endroit). Les utilisations de différents filtres sont à mettre en relation avec les styles narratifs des séquences et/ou scènes. Boe crée une juste unité entre fantastique, poétique, romantique, métaphorique, dramatique et pathétique. La musique est de teneur dramatique. En outre, il est soigneux du rythme. Les scènes sont courtes et captivantes allant à l'essentiel.

Il a misé sur une interaction du récit avec la cartographie de Copenhague, ville qu'il aime et à laquelle il voulait offrir une lettre d'amour (voir aussi Allegro de 2005). Chaque scène est localisée avec précision (temps et endroit) d'un point de vue omniscient. Ce qui permet de conserver une distance pour avoir une vision du film objective, critique et analytique, tel que le souhaitait le metteur en scène danois.

Reconstruction a connu un grand succès dans divers festivals internationaux. Il a remporté, entre autres prix, La Caméra d'Or à Cannes en 2003. Ce qui fit connaître le metteur en scène danois du monde des cinéphiles et amateurs de perles cinématographiques ignorées du grand public.