La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

lundi 17 octobre 2011

Le crocodile de la mort

Lundi 17 Octobre 2011
Octobre Rouge #13

Le crocodile de la mort, Tobe Hooper, 1977, USA.

J'ai regardé Le crocodile de la mort (alias Eaten Alive en vo) juste après le terrifiant Massacre à la tronçonneuse du même cinéaste Tobe Hooper à l'âge adolescent. En quête de sensation forte, j'avais recherché les autres œuvres du "maître" afin d'en reprendre pour mon grade. Entre celui-là, Massacre dans le train fantôme, Poltergeist, Lifeforce et L'invasion vient de Mars, j'ai été déçu. Chaque pelloche étant mauvaise et inintéressante, voire totalement ridicule.

Pour ne pas le faire souffrir dans cet article de la comparaison faite à l'époque, j'ai ressorti la copie VHS René Chateau Vidéo que j'avais enterré dans une valise à la cave et l'ai maté en mangeant patates et steak haché pour Octobre Rouge.

Le crocodile de la mort démarre sur une prostituée qui refuse de coucher dans un bordel. Elle doit débarquer de la lune. La pauvre fille ne doit pas non plus savoir emprunter une route. A travers les broussailles, elle trouve une maison hôtelière en piteux état perdue à côté d'un marécage perdu au milieu de nulle part dont l'attraction principale est un crocodile qui mange tout. Je signale qu'il existe une route menant à cet hôtel. Sachant tout cela, elle se réfugie à l'aveugle chez le propriétaire louche qui la tue et la donne à manger à la bestiole. La suite n'est qu'une répétition de l'action en boucle. Quelqu'un arrive. Plusieurs personnes arrivent. Le crocodile a toujours faim. Une petite fille se cache sous la baraque. Entre deux crimes, le manager de cette antre de désolation justifie en parlant tout seul l'appétit vorace de la bête à la longue mâchoire et aux dents acérées et s'invite dans les salles de bain et toilettes des chambres de ses client(e)s.


Le crocodile de la mort renvoie directement à Massacre à la tronçonneuse. Eaten Alive fait penser à un ersatz au rabais du shocker texan. Il jouit d'une honnête réputation car il est le film le plus proche dans sa thématique et graphiquement de la perle qui a rendu célèbre Tobou père (ses autres bouts de pelloches sont indigestes). Mais les défauts de Eaten Alive sautent aux yeux et sont à mettre sur les comptes de la piètre qualité de la focalisation, du récit, des choix techniques, du crocodile en plastique et de la maison reconstituée en studio.

Sur ce coup, affuté comme un rasoir, Tobou père a filmé son sujet complètement antipathique au plus près. Leatherface et sa famille de dégénérés avaient une balance positive permettant de suivre le récit texan jusqu'à son terme en espérant une issue salvatrice pour les protagonistes sains d'esprit-héros. Dans Le crocodile de la mort, malheureusement, le protagoniste principal sans charisme est ce type prenant grande joie à l'appétit pour la chair humaine de son crocodile en sautant partout et en riant très fort. On est très loin du trouble et troublant Norman Bates incarné par Anthony Perkins dans Psychose d'Alfred Hitchcock auquel la trame de Le crocodile de la mort renvoie. Ce manager cinglé est un excentrique qui n'a pas besoin de porter de pancarte coupable sur lui. Les policiers peuvent l'arrêter sur simple observation. Les autres personnages sont satellitaires. Je n'ai même pas éprouvé de sympathie pour la famille qui recherche une proche disparue ni pour la fillette de 8 ans environ dont les parents et le chien ont été assassinés ; cela est dû au fait que je l'ai trouvé conne comme ses pieds : elle court chercher son clebs qui se fait mâchouiller dans la gueule sanglante de la bête.

Venez séjourner dans mon hôtel ! L'é bien !

Exit les personnages qui dissimulent un tant soit peu leur folie pour attirer du monde en leur promettant un destin de victimes. Il faut être désespéré ou aveugle pour ne pas remarquer que le proprio est dangereux et son hôtel miteux. Pourtant 2 familles respectables viennent y séjourner (ils sont perdus et fatigués ; il n'y a que ces 2 excuses qui peuvent justifier leur manque de lucidité concernant le délabrement qui caractérise le lieu et le personnage). Les victimes semblent demander à ce qu'elles se fassent écharper. Ce spectacle manque résolument de crédibilité et de suspense. Tobou père n'a retenu que la démonstration en roue libre de la folie humaine mise en évidence dans son film précédent sur les hippies visitant les abattoirs texans.

C'est pas grave, c'est comme cela qu'il voulait en terminer avec la vie de toute façon.

Exit les raccords de plans d'une caméra survoltée qui suit comme elle peut l'action. Tobou aurait mieux fait de tourner à la fauchée texane plutôt que de s'essayer à une mise en place classique de cinéma (mettre un pied à la caméra, cadrer et penser champ/contre-champ/hors-champ, faire un plan au sol et des travelling) qui ne lui a jamais servi à rien. Il s'est essayé à la réalisation conforme afin de faire propret mais Poltergeist, Massacre dans le train fantôme, L'invasion vient de Mars et Lifeforce sont tous des tentatives de mise en tension normales pour des récits boiteux ou sans intérêts. Poltergeist a été à moitié réalisé par Steven Spielberg qui avait viré Tobou jugé insatisfaisant pour les ambitions du tonton préféré des States. Massacre dans le train fantôme n'est marrant que pour contempler une bande d'ados, sous la pression d'un monstre de foire, commettre toutes les conneries possibles afin de s'entretuer ou de se donner les uns les autres facilement au tueur qui rôde; en terme de réalisation, il est une resucée d'Halloween de John Carpenter (dixit l'intro en subjectif avec un gamin qui porte un masque). Les trucs sur les martiens et les vampires de l'espace ne valent que pour la poitrine dénudée de Mathilda May.

Tobou père (à droite) : l'absence de cravate parle pour lui. Il devrait aussi jeter la veste.

Exit de bons effets spéciaux ; le crocodile bouge avec peine en plan large. J'ai eu l'impression que, sous l'eau, 2 techniciens armés de bâtons faisaient ce qu'ils pouvaient pour donner une impression de vie à la bestiole. Ou alors, ils essayaient de percer l'écorce en plastique pour pouvoir respirer. En gros plan, le crocodile semble échappé d'un musée de cire.

Là, c'est la prétendue victime qui anime le crocodile !

Exit les décors naturels de Massacre à la tronçonneuse qui donnait un cachet réaliste à l'horreur de par son isolation dans une vaste nature. Le crocodile de la mort est tourné en studio. Ça se voit. Pour masquer vainement la chose, Tobou père a choisi de plonger l'ensemble dans une atmosphère brumeuse qui, de temps en temps, s'invite au premier plan et masque les performances des acteurs, telle celle de Mel Ferrer (que vient d'ailleurs faire cet acteur de renom dans cette purge ? Impôts locaux ? Traites de baraque ? Pas envie de prendre sa retraite ? Dépression ?). Quant au crocodile tueur qui se baigne dans une mare sur un plateau de cinoche, personne n'y croit. L'illusion (la magie du cinéma) ne prend pas.

Tobou père s'était inspiré du cas du serial killer le plus comique de l'histoire Joe Ball pour Le crocodile de la mort comme il s'était inspiré d'Ed Gein pour The Texas Chainsaw Massacre (le parallèle est inévitable car Tobou a surfé dans un marécage sur la vague qu'il avait créé) d'où l'aspect humoristique de Eaten Alive. Joe Ball était un type qui pensait qu'il était impossible d'être arrêté et poursuivi pour meurtres si la police ne retrouvait pas les corps des victimes. Investi du sentiment d'impunité dû à une lecture transversale de la loi (un meurtre peut être prouvé sans besoin de cadavre), il s'est débarrassé d'une trentaine de femmes (dont son épouse et des ex-petites-amies) en les donnant à béqueter aux alligators qu'il utilisait comme attraction pour les touristes et clients de son hôtel. Il les nourrissait pour le public de chiens et de chats. Il s'est donné la mort en se tirant une balle dans le cœur (ou dans la tête, les versions diffèrent) lorsque les policiers étaient venus l'arrêter.

Tobou, lui, investi par la foi dans le prix du ticket d'entrée en salles qu'il avait déjà fait payer pour son documentaire sur les tronçonneuses (dont il n'a pas retenu tous les éléments qualitatifs, juste les dernières minutes), n'a même pas conservé cette petite touche de romantisme texan tellement il voulait jouer la carte de la folie outrancière en filmant un Psychose craspec. Bref, la réputation du 'sieur Tobey Mcübberscout responsable d'un des plus grands traumatismes sur pellicule jamais tournés est largement surévaluée. Tobou père n'est à ce jour l'homme que d'un film (pas celui dont la jaquette vante la présence lors du tournage du réalisateur de Massacre à la tronçonneuse).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire