La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

mercredi 30 novembre 2011

Baenken / Bänken / The Bench

Mercredi 30 Novembre 2011
Les amoureux des bancs publics ... (rien à voir avec la photo de l'affiche)
Quelque soit la langue, c'est toujours le même titre.
Il y a plus d'un banc dans le film.


Baenken / Bänken / The Bench, Per Fly, 2000, Danemark-Suède.

Il y a des fois comme ça, j'ai envie de regarder un film social. Ça m'intéresse. Sauf l'appellation "social". Je considère tous ces bouts de pelloche comme étant "à vocation" car chacun d'entre eux peut être catégorisé différemment. The Full Monty (Peter Cattaneo, 1997), Kind Hearts and Coronets (Robert Hamer, 1949) et The Man in the White Suit (Alexander Mckendrik, 1951) sont des comédies britanniques. After the wedding (Susanne Bier, 2006) est un drame international. Night and the City (Jules Dassin, 1950) est un film noir. Submarino (Thomas Vinterberg, 2010) est, selon son auteur, soit un drame psychologique poignant soit un film déprimant son audience qui refuse donc de le regarder jusqu'au bout. Fighter (David O' Russell, 2010) est un film de boxe. Rosetta (les frères Dardenne, 1999) a mérité la palme d'or 1999 au festival de Cannes. The Wire (Simons-Burns, HBO, 2002-2008) est une série policière. Baenken / The Bench (Per Fly, 2000) est une œuvre méconnue très touchante qui décrit les actes d'un individu mal considéré qui s'autodétruit avec l'abus d'alcool.





Per Fly a écrit et mis en scène trois films sur trois classes sociales. Avec Baenken (titre danois qui s'écrit Bänken en suédois et The Bench pour le titre international), en l'an 2000, sur la classe la moins fortunée de son pays le Danemark, Arven (Inheritance), en 2003, sur la classe aisée, et, Drabet (Manslaughter), en 2005, sur la classe moyenne, Per Fly a concentré ses efforts sur les liens familiaux dans ces milieux. Il a étudié les différences de niveaux dans les rapports angoissants entre la famille, l'argent et la solidarité.



Dans Arven/Inheritance, la question de l'union est centrale pour préserver l'héritage après la mort du père/patron. La famille se soude pour faire face aux troubles connus par la grande entreprise familiale. Cette force porte préjudice aux employés en licenciant du personnel compétent jusqu'aux plus proches collaborateurs (le beau-frère) et sauve la compagnie. Ce long-métrage ne m'a pas intéressé car le travail d'emphase envers le personnage principal incarné par Ulrich Thomsen manque d'efficacité et le rythme est très lent sans justifier ce choix de tempo (la famille œuvre dans l'urgence).

Dans Drabet/Manslaughter, le couple engagé socialement (des professions libérales de classe moyenne) est victime de la proximité de ses partis pris politiques avec des individus dangereux et du gain de cause donné à leurs mouvements révolutionnaires ; le couple est sujet à l'adultère (profession libérale peut signifier "revenu et individu libérés de toutes attaches") et à la dissimulation de crimes. Ce long-métrage a une intrigue très intéressante mais manque de rythme ; pour 1h40, il semble en faire le double. Per Fly a tout simplement mis un pied sous sa caméra.


Avec Baenken, Per Fly traite le thème de l'éclatement de la cellule familiale en milieu défavorisé. C'est à partir de la pensée "pas d'argent, pas de famille" que l'objectif principal de l’intrigue est la réunification. Kaj (interprété par Jesper Christensen) est un homme qui passe ses journées à picoler sur un banc. Il n'a pas vu sa fille Liv depuis 19 ans qui, fuyant un mari violent, emménage avec Jonas, son fils de 6 ans, dans l'immeuble de logements sociaux d'à côté. Kaj décide de dissimuler son identité mais, sous la pression de son seul ami Stig, il doit garder son petit-fils et commence à renouer le contact.

Kaj (Jesper Christensen)


Le film a été produit par Zentropa, la société de production du provocateur danois Lars von Trier, mais Per Fly est un humble artisan. Bien que Baenken ait certaines caractéristiques proches du Dogme95, il n'a pas été labellisé comme tel. Apparemment tourné en vidéo, le montage est sec et rapide. Per Fly a su tourner caméra au poing ; il a dû penser cinéma=montage et action=présent pour transmettre un rythme contrôlé à un film à vocation. Malheureusement, la musique est de mauvaise qualité dans la première partie. Elle essaye d'insuffler une tonalité légère et humoristique (trois notes brèves répétées pour souligner la comédie de situations qui ne sont pas drôles du tout) et sentimentaliste (l'enfant joue au ballon) inutile et dissonante. Son volume est néanmoins discret et ne gâche pas la transmission des émotions par l'image (ce qui est montré à l'écran est convaincant et prenant). Par la suite, elle prend une juste mesure des événements dramatiques.

Kaj et Stig


Le portrait de Kaj, individu borderline (traduction française littérale : limite, traduction française colorisée : grande gueule) est bien taillé, sans misérabilisme aucun. Il est une convaincante critique d'un alcoolique. La réalité dépeinte est celle d'un quotidien bien intégré et reproduit sans évolution et sans recherche d'un autre mode de vie. Kaj a sa façon d'être et emmerde le monde qui veut lui imposer ses règles. Les autres protagonistes et Kaj se chamaillent et se côtoient. Ils sont heureux comme ça. Lui qui est si fier d'être qui il est, Kaj possède une seule tâche sombre dans son existence : celle du refus de l'identification lorsque ses descendants directs refont surface. Il les avait effacé de ses récits et de sa mémoire mais les difficultés de ces derniers le pousse à reconsidérer son propre état.

Kaj et son petit-fils Jonas


Baenken transmet de fortes émotions par la suite dans des moments de démonstration de souffrance sans retenue mais Per Fly n'exagère jamais le mal pour choquer. Il montre les réactions de ses différents personnages (comme la rechute violente de Kaj dans l'alcoolisme) en les critiquant. Toute cette atrocité rend la déchirure émotionnelle qui torture chacun d'entre eux pénible. J'en ai espéré une résolution positive plus que bienvenue. Ce petit film aux premiers abords paisibles dévoile une face obscure contenue avec justesse dans sa première partie. La question qui reste est la suivante : Kaj, sa fille Liv et son petit-fils Jonas vont-ils réussir à s'entendre ?


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire