La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

samedi 9 juillet 2011

Submarino

Vendredi 8 Juillet 2011
Hors du temps



Submarino est un texte littéraire écrit par Jonas T. Bengston en 2007 sur le thème de l'errance sociale. Nick et son frère sont rongés par la culpabilité. Liés par le secret entourant un traumatisme enfantin, les deux personnages mènent leurs vies en sous-marins sans laisser déborder leur douleur qui, pourtant, les asphyxie. Les besoins de rédemption et d'expiation pour une faute trop lourde à porter orientent leurs choix personnels pour le bien comme pour le pire.

Déjà habitué aux secrets de famille, Thomas Vinterberg, réalisateur de Festen en 1998, a tiré un long-métrage de cette œuvre dense en 2010. Le roman et le film sont construits sur une scission des parcours parallèles des frères en deux parties successives. Les aléas de la vie de Nick ouvre le récit et ceux de son frère suivent. La temporalité des événements est la même. Les deux hommes séparés par la structure narrative comme dans leurs existences ne se croisent qu'en bout de récit. Par rapport au livre, Vinterberg a adopté un traitement simplifié et raccourci de l'action pour mettre en image Submarino. Des personnages du livre ont été supprimés, des caractéristiques de personnages ont disparu ou ont été modifiées mais ces différences ne trahissent pas l'essence de Submarino.


 

Jacob Cedergren interprète Nick, amateur de culturisme, chômeur récemment sorti de prison, arborant tatouages visibles, ayant pour occupation quotidienne de boire bière sur bière et de fumer une cigarette après l'autre dans sa piaule du foyer. Il côtoie criminels et autres cas sociaux, comme Sofie et Ivan. Sofie, sa voisine nymphomane (Patricia Schumann) est une mère privée de ses droits de garde qui kidnappe son enfant pour pouvoir le voir. Ivan (Morten Rose) est un sans-abri croate traumatisé par la guerre. Nick le motive à s'intégrer, chose que lui-même ne fait pas, et, hante mélancoliquement les rues de Copenhague à la recherche de son frère et à la suite d'Ana, la soeur d'Ivan, son grand amour perdu avec qui il a failli avoir un enfant.

Ces personnages secondaires viennent mettre en relief la situation morale et sociale de Nick. A décharge de la qualité de l'adaptation, un de ces protagonistes (important dans l'ouvrage littéraire) Kamal, immigré arabe, propriétaire d'une salle de gym, qui sonde régulièrement le jeune danois à son grand damne, n'est pas présent. Le spectateur du film Submarino y perd la démonstration de la déconnexion de Nick envers ses propres émotions et d'une certaine violence nécessaire à l'existence. Nick ne sait pas éprouver de la compassion pour mieux portant que lui ni pour lui-même.

Le frère de Nick, le non-nommé, prend soin de son fils en volant objets de valeur et trafiquant de la drogue. Martin, le seul descendant de la lignée maudite de cette famille, est aveugle des travers de son père. Il vit sa vie d'enfant en toute innocence à deux pas d'un homme qui cache sa toxicomanie. Son père ne tient pourtant que par la main que son fils lui tend pour aller à l'école. Et il est prêt à tout pour cette situation ne change pas.


La sobre réalisation de Vinterberg retranscrit la substance de son sujet tout en retenue et ne perd jamais de temps dans des digressions inutiles. Les quotidiens galériens montrent la difficulté qu'ont les deux frères à se motiver pour vivre et les justifications qui leur servent pour continuer de respirer. Le traitement des personnages ne versent pas dans le pathétique, l'anathème ou le misérabilisme. La larme est sèche et l'envie de voir les deux frères tourner la page est forte car Nick a du mal à prendre soin de lui (sa main gangrénée). Il attend la mort. Nick est pris dans une routine dans laquelle il s'empêche de réfléchir. Il ne veut pas assumer les responsabilités qu'il a envers lui-même (il avoue un crime qu'il n'a pas commis). Quant à son frère, lui, sacrifie sa vie à son fils Martin. Pour se racheter de la mort de son petit frère Martin, il prend pourtant tous les risques sachant que son enfant peut lui être retiré (commerce et utilisation de drogue, chercher son fils à l'école "en transe"). Il essaie de rester digne mais il préserve malgré cela son fardeau.


C'est le paradoxe d'un traumatisme mal géré, mal digéré, où l'entretien de son mal demande autant d'effort que l'exposition de ce mal qui est un appel à l'aide venu d'un niveau de conscience mis en sourdine. Les interprètes des personnages sont parfaits dans leurs rôles. Leur mal se voit mais ne se dit pas. D'où l'intérêt de faire de Submarino un film, mon long-métrage préféré cette année.


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