La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

vendredi 28 octobre 2011

La comtesse

Vendredi 28 Octobre 2011
Octobre Rouge #23

Elizabeth Bathory était une tueuse en série tristement célèbre pour sa vanité. Entre 1585 et 1610, sa peur de la vieillesse l'a conduit à organiser la mise à mort de 50 à 650 jeunes femmes afin de se baigner dans leur sang. Le sang étant la vie, elle croyait qu'elle en tirerait le profit de la jeunesse et de la beauté éternelles. Les meurtres étaient l'aboutissement de longues nuits passionnées d'embrasements homosexuels avec de belles jeunes femmes. Au souterrain du château de Csejthe, la chambre des tortures aux murs immaculés de sang où se trouvaient des cages et de basses cellules d'emprisonnement servaient à mettre en pièces les corps des victimes servant au plaisir de la comtesse hongroise. Chair déchiquetée, doigts coupés, seins tailladés, langue, lèvres, plantes des pieds et sexes brûlés, cheveux arrachés, veines piquées à l'épingle et aux ciseaux, des cadavres ne montraient plus que les os à certains endroits, emprisonnées exsangues de leur fluide vital (et maintenues en vie dans cet état jusqu'à l'orgie fatale), tous ces éléments de torture selon plusieurs méthodes furent dévoilés au grand jour et firent se maintenir la noble Bathory dans une attitude hautaine admettant sa responsabilité sans gêne. Elle n'estimait n'avoir à répondre de rien à personne. Sa qualité de noble issue d'une famille royale puissante et crainte justifiait ses méfaits sadiques. Elle n'a jamais été jugée mais a été assignée à résidence dans une pièce de son château où elle trouva la mort en 1614.


La comtesse, Julie Delpy, 2009, Allemagne/États-Unis/France.

J'ai rarement vu une introduction de 10 minutes présenter de manière aussi agréable les éléments de la vie d'un personnage historique. Julie Delpy manie à la perfection l'art du raccourci narratif et de la concision dans l'apport d'informations. Elle décrit avec délicatesse une enfance sans innocence et prépare l'inévitable horreur avec justesse en dépeignant un univers dépourvu d'affectif ; j'ai été plongé à une époque où l'attachement émotionnel n'était pas de rigueur et où la raison intéressée primait sur tout. Situer avec précision la comtesse Bathory à son époque comme le fait Julie Delpy où la défense face aux envahisseurs forgeait des réputations et apportait des titres de gloire, où les individus tenaient leurs rangs et où la torture était de coutume (dans la cour du château où Bathory a grandi, comme le véritable Dracula), encadre le fort caractère de la hongroise aux bas instincts et compétente dans sa fonction nobiliaire. Dans les sociétés modernes, très émotionnelles et affectives, les tueurs en série passent pour des monstres. Au XVIème siècle, Bathory s'inscrit dans son temps. Une explication psychologique de l'atroce comtesse se met en place.


Malheureusement une brève rupture de rythme m'a légèrement déconcentré à la sortie de la présentation. Les scènes de seconde exposition (Bathory adulte), logiquement, s'allongent sans prendre en compte une cohérence dans le tempo. La musique et les répliques "sont facile". Le jeu d'actrice de Delpy sonne faux par rapport à l'enfant et la jeune femme qu'elle a dépeinte en tant que réalisatrice. Elle mâche ses mots d'époque. Une réécriture de mots d'esprit plus contemporains aurait été d'à-propos vu la difficulté de prononciation de l'actrice qui est plus convaincante dans les phases de monologues, les moments de silence et lorsqu'elle s'affirme de façon graphiquement expressive. Julie Delpy est également très persuasive en français et au naturel. La reconstitution d'une attitude d'époque aurait dû être dynamitée afin qu'elle ajuste complètement la comtesse Bathory à ses différents talents. Car la Bathory adulte danse sur un pied puis sur l'autre. Dû à un manque de préparation de chaque scène qui s'enfile rapidement (des transitions manquent), les différents traits de caractère de Bathory se mélangent confusément.


Le casting semble monté à l'emporte-pièce (avis personnel : Daniel Brühl n'a aucun charisme et le voir en amoureux et nu à l'écran est loin de convaincre que sa jeunesse est séduisante ... même le paradoxe de son absence de charisme avec l'attrait pour sa peau douce ne prend pas). Les rides des mains de Bathory, elles, font effet ; de même pour son reflet dans le miroir et ses disputes avec sa maîtresse. William Hurt est un acteur trop rare. Dès le baiser avec le jeune noble (petit moment de cinéma), j'ai retrouvé une intrigue et La comtesse est relancée après une nuit d'amour.



L'absence du jeune homme devient remarquable en même temps que le trouble de la comtesse se dessine. Mais certains aspects sont surlignés et des instants de poésie naissante sont gâchés. L'accent n'est pas assez mis sur l'émotion de la comtesse. Les intrigues de pouvoir parasitent son évolution dramatique.


Sur un chagrin d'amour, le film bascule dans l'horreur. Là, je tape du pied par terre : lorsque la comtesse frappe sa servante avec la brosse, du sang est aspergé sur son visage. Elle se regarde de nouveau dans son miroir. Elle est de dos. Son long manteau noir recouvre son siège. La lumière passant par l'oubliette change. Le rayon gagne en brillance et la pièce en clarté. Le lent travelling avant est de toute beauté. J'ai été ému. Le point charnière du récit est magnifiquement représenté ; Bathory qui se plaignait de ses rides se voit rajeunie grâce au sang. Et un plan vient tout gâcher. Il n'y avait aucun besoin de faire ce plan subjectif du reflet dans le miroir montrant l'effet en numérique pourri de rajeunissement que Bathory voit. L'idée passait très bien. Voilà ce que j'appelle un beau moment de poésie FOUTU en l'air par une répétition inutile. Et la voix off en rajoute ! C'est pas la première fois que ça arrive dans La comtesse ! Mais là, c'était un moment sublimé ! MERDE ! Je m'arrête là pour l'article. Une conclusion et ciao.
 
Magnifique moment de poésie gâchée

La comtesse est un film inégal parcouru de petits moments de cinéma. Beaucoup d'esquisses de poésie et de moments d'émotions sont gâchés par des phases dialoguées et figuratives surlignant l'action. Le propos que voulait souligner Julie Delpy, celui d'une femme vieillissante qui voit l'amour (lié à la jeunesse) s'éloigner d'elle, est parasité par des scènes d'intrigues politiques. Pourquoi ne pas avoir misé sur l'isolement total et la mélancolie de Bathory qui la caractérise tant ? Son trouble est néanmoins correctement compris.

5 commentaires:

  1. Il est vrai qu'avec ce film, la par ailleurs très sympathique Julie Delpy, montre ses grosses limites ^^

    RépondreSupprimer
  2. Je ne l'ai même pas terminé. C'est triste, j'avais aimé son 2 jours à Paris. Notamment parce que j'avais l'impression qu'elle se montrait telle est (même quand elle pète un câble)

    RépondreSupprimer
  3. Je suis d'accord sur la très moyenne qualité de ce film. J'avais bien aimé la séquence que tu décris à la fin de ton article, qui à mes yeux n'était pas vraiment gâchée par l'effet spécial final, une des rares bonnes scènes de ce film par ailleurs assez insipide...

    RépondreSupprimer
  4. Rémi, je suis curieux de connaître tes arguments : pourquoi ne trouves-tu pas que ce plan gâche la scène ?

    RépondreSupprimer
  5. Rémi n'a donc "pas vraiment" d'argument.

    RépondreSupprimer