Et Dieu créa James Cameron
Alien, la résurrection, Jean-Pierre Jeunet, 1997, USA.
Demander à Jean-Pierre Jeunet de réaliser un film de la série Alien, c'est un peu comme demander à un aspirant poète surévaluant la valeur des français et de la France avec une nostalgie complétement truquée d'individu qui n'a pas connu le début du XXème siècle (qu'il idéalise donc) de réaliser un film âpre et sans illusions sur l'humanité et l'affairisme. Je rappelle que, dans Alien, une compagnie cherche à entrer en possession des spécimen aliens hostiles à l'humain afin de les vendre sur le marché comme armes biologiques. Rien à voir avec le plaisir de glisser sa main dans un sac de grain ou de faire mumuse à mater des photos de photomatons.
A regarder Alien, la résurrection, je me suis rendu compte que le point de vue de Jean-Pierre Jeunet sur la S-F est identique à celui de Luc Besson posé avec Le cinquième élément. Le genre (S-F = truc pas crédible, pas sérieux et pas possible) sert à présenter une vision du monde simpliste, quasi-infantile dans laquelle une idée neuneu prend la valeur de romantique ou de poétique. Le genre est un prétexte pour caser ses potes et faire plein de calembours minables. La S-F est en fait une occasion de prendre son boulot à la légère et de montrer que son imaginaire n'a pas évolué depuis la cour de récréation. Diagnostic médical de cinéphobe : je dirais que les patients (bien que Luc Besson ait avoué avoir écrit le script du 5ème élément à 18 ans) souffrent d'un manque de respect.
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Encore une fois, quelqu'un lèche la gueule d'un monstre comme une grosse pute |
A qui la faute ? Allez, je dis. Le studio. Jean-Pierre Jeunet à l'époque déclarait avoir eu le boulot parce qu'il ne pensait pas le décrocher et, donc, il a dit ce qu'il fallait dire pour l'avoir. Ça s'appelle du menfoutisme pour le réalisateur. Ça s'appelle du flair pour le studio (n'oubliez jamais : un gros studio de cinéma est toujours en recherche de crédibilité ^^) : Jeunet avait alors le vent en poupe d'un jeune génie qui monte. Qui dit "jeune" dit "pas cher". Ça a commencé avec le troisième opus. Quelqu'un avait décidé "d'engager des metteurs en scène" et de faire de la franchise Alien un "mano a mano entre Ripley et toute l'espèce extra-terrestre" (les femmes ont besoin de "role models"). C'est oublier que Ripley n'aurait jamais pu s'en sortir à elle toute
seule dans les 2 premiers opus de la saga (je ne parle pas du 3 ; elle y
meurt). L'équipage du Nostromo (dans Alien de Ridley Scott) a été décimé dans un ordre qui laissait à Ripley le loisir de s'en sortir. Avec le caporal Hicks et la petite fille Rebecca "Newt", l'ensemble formait une jolie famille recomposée dans Aliens de James Cameron. Tous y mettaient de son grain de sel pour s'en sortir vivant (avec une clé à molette, un lance-flamme, un fusil à pompes ou de la grosse artillerie, Hicks prenant en charge l'escouade militaire, Newt et Bishop naviguant dans les tunnels ... c'était du travail d'équipe). Mais pourquoi ont-ils tué "Newt" et Hicks dans Alien 3 ? Le personnage de Ripley est devenue une icône sans que personne ne l'ait demandé, car, pour construire le succès d'une franchise mode 1990's, il en faut plus. A comprendre dans Alien : il faut plus de Ripley.
(Parenthèse : Et depuis, les studios ne font plus que des films de super-héros avec des super-pouvoirs et tout le toutim, l'humain et l'humilité a été vendangé. Encore une fois : des individus ont survécu aux 2 premiers Alien. Le spectateur n'arrive-t-il donc pas à croire qu'il pourrait survivre à de tels dangers pour qu'il ait besoin d'avoir un alter-ego sur-humain sur grand écran ? A-t-il changer de plaisir ? Dans ce cas, le spectateur ne demande plus à ressentir des frissons en salle. Il exige pouvoir foutre des baffes en étant intouchable. Quelle est l'extension de ce plaisir dans la vie réelle ? Quel est son sens ? C'est dégueulasse de donner au public tout ce que le public demande ... parce que le public peut aussi demander de belles saloperies : les arènes du cirque, la téléréalité, surfer sur le web, ...)
Bref, l'esprit de la série Alien disparait dans Alien, la résurrection. Exit l'horreur, exit le frisson, exit l'humilité vis-à-vis de l'alien (Sigourney Weaver incarne une Wonderwoman insupportable : Ripley est belle et bien morte dans le 3 ... pas étonnant qu'il n'y ait jamais eu de cinquième opus) et exit l'esprit combatif propre à l'humain (dans l'intersidéral : loin de tout, envers et contre tout), le style du film est tristement celui de Jeunet (du tripotage d'un nœud qui n'a jamais existé). Cette résurrection est un enterrement. Ici, c'est une Ripley
boostée à la génétique alien qui prend le dessus. Vous pouvez dire adieu
au suspense et au combat dans l'adversité : Ripley se paye même une orgie inter-espèce. Et, quelque soit les qualités du cinéaste, en regardant une pelloche alien, je veux voir du alien, pas du Jeunet, qui s'est attardé à réaliser une caricature d'Alien et de S-F. Alien, la résurrection est juste un jouet cassé par un gamin qui a mal joué avec.
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Humour du film : Ron Perlman a peur d'une araignée alors qu'il vient de tuer un alien |
Pour en venir aux points de détail du film, il m'est d'avis que les dirigeants d'un complexe militaro-industriel, ainsi que les structures hiérarchiques et infrastructures techniques, méritent mieux qu'une caricature de général et de scientifiques pour diriger le centre des expérimentations. A quoi a-t-on droit en regardant Alien, la résurrection 4 ? A une vision détestable de la science-fiction et de la série Alien dans laquelle des dirigeants n'ont rien de mieux à faire que de fricoter avec des pirates de l'espace en admirant des morceaux de fruit alors que les enfoirés chargés de ce boulot sont censés être les employés de cette même infâme compagnie (le propos de la série qui s'oppose à une dérive capitalistique est ICI > l'apport de cobayes humains devraient se dérouler entre individus compétents -militaires et du privé- aux bonnes manières dans un cadre propre aux visites de multiples investisseurs et clients).
Les supérieurs hiérarchiques sont donc caricaturés au point où il devient difficile de croire qu'ils sont compétents dans leurs fonctions : je ne crois pas que le général ait pu atteindre un tel grade même en étant lié par le sang à un dictateur de république bananière. Il a tout du beunet qui se réveille avec une casquette sur la tête.
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Un général au poil |
Les éléments du décor ont l'air d'avoir été pioché dans une décharge (LE PROPOS ALIEN > l'installation est censée être un laboratoire scientifique et militaire expérimentant sur une espèce dangereuse : l'encadrement devrait être bien éclairé, hautement équipé, solide et hygiénique ... au lieu de cela, on a droit à des tuyaux qui pendent de partout -la saleté du Nostromo dans le premier opus a été grotesquement reprise comme élément constituant de la série- et on a besoin d'une lampe-torche pour apercevoir quelque chose à l'écran : vous croyez sincèrement que le dépotoir d'Alien, la résurrection 4 peut contenir des aliens ?). En plus des décors, les équipements et les vaisseaux sont déformés au point où c'en est une touche artistique (la "french touch" tant désirée par les studios et Jeunet pour se crédibiliser).
Il faut donc compter sur des pirates de l'espace (qui n'ont rien à faire là) pour être les héros de cette purge intergalactique. Considéré que tous les personnages du film ont des machines à balancer des injures à la place du cerveau (la compétition peut parfois ruiner l'intellect et pousser à une prétentieuse vanité), on a vite envie de les voir crever tous d'un coup.
ET ... les aliens boostés à la génétique sont hideux (voir le "fils" de Ripley).
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L'alien enfanté par Ripley reconnaît sa maman |
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Jean-Pierre Jeunet |
Jeunet, je ne peux pas le dire autrement. Ton film est à chier et je le déteste ! T'as flingué la meilleure série de films de S-F.
J'aime particulièrement ta parenthèse. Et je suis assez d'accord avec le reste.
RépondreSupprimerC'est un plaisir de te relire plus régulièrement. :)
+1 !
Supprimerj'écris quand je veux comme je veux !
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