La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

samedi 21 avril 2012

Assaut

Et Dieu inventa la violence

Assaut, John Carpenter, 1976, USA.

Assaut est un des films les plus violents qui soit. Une fillette se fait tuer. Un commissariat est pris d'assaut. Tout le voisinage ne s'intéresse pas suffisamment à ce qui se passe pour localiser les coups de feu liés au siège. Les policiers en patrouille ne vérifie pas la rue dans lequel les événements ont lieu ; l'un d'eux s'exprime franchement avec un "pourquoi faire ?" lapidaire. Un policier doit faire équipe avec des criminels dont un tueur chevronné. Tout ce qu'ils peuvent espérer de cette nuit de cauchemar dans un quartier abandonné aux criminels est de gagner du temps avant leur mise à mort par un gang qui souhaite satisfaire sa soif de sang et de vengeance.

John Carpenter a utilisé un petit budget (estimé à 150 000 $) et une équipe solidaire (qui se retrouve par la suite sur plusieurs de ses œuvres : Debra Hill, Tommy Lee Wallace, Darwin Joston, Nancy Loomis, Charles Cyphers) pour mettre en scène un film d'exploitation situé quelque part entre Rio Bravo (Howard Kawks, 1959), La nuit des morts-vivants (George Romero, 1968) et le cinéma d'exploitation des années 1970. John Carpenter a souhaité qu'Assaut soit un film choc, un film d'action tout en lenteur et langueur dont l'ensemble se déroule sur une nuit. Ainsi la violence profite d'un effet sournois qui décuple son efficacité. Les protagonistes sont dans une situation inextricable et utilisent intelligemment la durée du long-métrage pour trouver des solutions et repousser leurs effrayantes mises à mort car ils comptent principalement sur des intervenants extérieurs pour les sortir d'affaire. Souhaitant attirer l'attention sur Assaut, John Carpenter décrit donc une nuit de cauchemar (il est doué pour cela : Halloween en 1978, The Fog en 1980, Escape from New York en 1981, Prince of Darkness en 1987, Escape from Los Angeles en 1996) sur fonds de crimes urbains, modernes et proches de faits divers. Il a tellement densifié son action qu'aux États-Unis, le film est passé inaperçu et que les critiques étaient mauvaises car la vision du cinéaste culte a été jugée trop déformée.

Une affiche d'exploitation pour la sortie US d'Assaut (pas de critique sociale à voir ici)

L’Europe a découvert John Carpenter et son cinéma, en commençant par la Grande-Bretagne qui a crié au talent et au succès dès la première projection d'Assaut (peut-être grâce à la vue sans concession du cinéaste sur le monde ; ce que John Carpenter dément, il voulait juste faire un film d'action efficace, Assaut n'est donc en rien une critique sociale ... mais, peut-être, les européens, on sait à quel point les britanniques ont besoin d'air, d'intensité et de nouveauté LOL, ont-ils juste envie de se donner bonne conscience en matant POUR LE PLAISIR un film qui utilise des ficelles compassionnelles intenses (la mort de la petite fille) qu'eux-mêmes n'exploitent pas, ou peut-être que ce sont les français qui ont besoin d'excuse "sociale" pour apprécier un plaisir coupable car il faut le reconnaître : aucun commissariat n'a été pris d'assaut aux Statès depuis le fort Alamo ... c'est une longue parenthèse).

Ce que j'adore dans Assaut, c'est sa simplicité. Il n'y a pas beaucoup de scènes d'action. John Carpenter a écrit un intéressant jeu de mise en tension entre moments d’accalmies et moments de turbulences. La plupart d'entre eux sont bien arrangés ; tel le moment de l'ouverture de la boîte contenant les fusils. D'autres ne tiennent que sur un fil (mais passent tout de même) ; tels l'attaque finale dans le sous-sol -le panneau tient debout sans trop de difficultés et des membres du gang tombent facilement- et les tirs ennemis manquant Bishop quand il vérifie le mal qui a fait tomber le capitaine abattu devant le commissariat). Les moments d'action sont d'ailleurs les plus tangents d'Assaut. Le cinéaste américain a surtout misé sur une longue et lente mise en place qui mène plusieurs individus (bons et méchants) au commissariat, ainsi que sur les instants de regroupement pour encourager la sympathie du spectateur envers des personnages qu'il veut voir vivre (Napoléon Wilson n'est-il pas l'empereur des cons qui a pris trop au sérieux la parole d'un pasteur quand il était jeune ?) et des trajectoires croisées pleines du sens de l'affairiste avisé qui connait bien le public des salles de films d'exploitation (un policier afro-américain, un père ayant perdu son enfant, un criminel notoire à la personnalité égarée et une femme forte font face à une bande de tueurs multi-ethniques -aspect qui, parce qu'on ne peut pas s'y arrêter, fait ressortir sa détermination à tuer et sa propension à incarner le mal à l'état pur-).


Post-scriptum

A l'époque où j'ai découvert Assaut, j'étais déjà tout conquis à la cause de John Carpenter. Je recherchais tous ses films pour pouvoir les voir. C'était un temps où il était plus difficile de trouver une copie d'un film (fin des années 1980 et début des années 1990). J'étais adolescent. Les VHS étaient tirées en nombre limité. Je n'étais pas fan des vidéoclubs. Je souhaitais posséder les copies des films pour les visionner à volonté (et je suis possessif de tempérament). Il n'y avait pas d'internet, pas de chaînes câblées à la télé, pas de diffusion en primetime sur les 6 chaînes hertzienne : Les aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin et La nuit des masques sont les 2 seuls films à ma connaissance qui sont passés sur les chaînes publiques (case horaire : 23 heures) avant que la VHS ne soit rangée définitivement dans les cartons et les valises à la cave ou au grenier. Au mieux, je ne pouvais compter que sur Canal + et je ne pouvais qu'espérer trouver une copie VHS en magasin (j'écrirais un ou deux messages sur le sujet prochainement). Trouver une copie VHS d'un film de John Carpenter était donc comme la découverte d'un trésor et constituait un bien précieux. A l'heure où tout se trouve en quelques clicks et où tout se revend aussi facilement, ce que je vais écrire semble échevelé : même une copie ou une diffusion d'un film de Carpenter en Pan&Scan, (c'est-à-dire : bords rognés et image modifiée pour coller au 4/3 des écrans télé de l'époque) constituait un sésame (voir le prochain post sur Fog) et un délicieux instant de cinéma (même si la durée du film a été ramenée de 1h 28 à 1h 20).

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