La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

mercredi 19 octobre 2011

The Deliberate Stranger

Mercredi 19 Octobre 2011
Octobre Rouge #15

Sympathisant des mormons, engagé en politique, ayant des amis bien placés, beau parleur, courtois, charmeur, intelligent, ayant fait du soutien au suicide par téléphone et ayant travaillé pour les services de planification du Ministère de la Justice US, Ted Bundy cachait sous un masque de normalité ses profonds dysfonctionnements. Violeur, nécrophile, kidnappeur, tueur en série, il a assassiné une trentaine de jeunes femmes entre 1974 et 1978 dans 7 états. Il n'a jamais émis aucun remords. Il se sentait profondément en inadéquation avec la société et ne supportait pas l'échec. Il était émotionnellement et socialement sous-développé. Ses fantasmes sexuels étaient immatures et violents. Il compensait sa laideur en manipulant l'autre ; il se conformait en loup déguisé en agneau. Il prenait pour excuse la blessure physique (un bras plâtré) pour s'approcher de ses victimes. Il les frappait à la tête et les emmenait inconsciente ou morte en voiture dans des contrées forestières lointaines. Il les violait et les mutilait. Il lui arrivait de revenir aux endroits où il avait laissé des têtes et des corps décapités pour exercer des pratiques nécrophiles. Il a été arrêté en 1978, a tenté de s'évader à 2 reprises et est mort en 1989 sur la chaise électrique.

Ted Bundy


The Deliberate Stranger, Marvin J. Chomsky, 1986, USA.

Je le répète mais c'est important : un gros plan sur des godasses expressives fait toujours bon effet. Mais l'introduction de The Deliberate Stranger est catastrophique. Même si elle présente des chaussures d'homme en trois valeurs de plans se resserrant poursuivre en alternance des chaussures à talons de femme, la qualité des plans est plombée par un mauvais casting de pompes. Mise à part cela, vous connaissez tous cette scène. Elle a été nécessairement parodié une centaine de fois. Des pieds pourchassent d'autres pieds dans la nuit sur une musique plus ridicule qu'inquiétante. Et la projection d'une ombre est censée faire peur ... Oh ! Une ombre ! Bref ...

Passé cela, le récit détaille les atouts charmeurs de Ted Bundy avant de révéler sa face obscure. Le seul point positif du téléfilm est le choix de Mark Harmon. Il est parfait pour incarner Ted Bundy ; le genre de phrase que tout acteur aime à entendre. Ni trop beau ni trop laid. Il travaille son charisme et est inquiétant lorsqu'il s'énerve. Il montre qu'il peut basculer vers le crime en un clignement d’œil (sans provoquer d'absurde rire). Malheureusement, le récit suggère tellement l'horreur que l'on croirait que Ted Bundy ne fait que faire disparaître des personnes tel un magicien (... et encore). Un témoin a vu une personne récemment disparue en compagnie de Ted mais, vu que l'on ne nous montre rien, quelqu'un d'autre pourrait être coupable. A quoi bon alors faire un film sur Ted Bundy, le serial killer le plus connu aux States et au monde après Jack l'éventreur ? Justement pour ne rien exposer.

Beaucoup de défauts s'empilent. Les phases s'attardant sur la police et les proches des victimes s'enchaînent et sont condensés comme si on ne devait pas y faire attention. Emmet Walsh fait trainer sa voix de sudiste dans le nord-ouest américain tout en n'apparaissant pas particulièrement motivé par son rôle de policier. Les bras ballants pendants du dossier du fauteuil, je dirais qu'il essayait d'attirer l'attention des directeurs de casting pour une des suites de La planète des singes. Les policiers sont tous en train de se parler au téléphone depuis les mêmes locaux. D'ailleurs, tous les plafonds dans les années 1980 sont en amiante. Les acteurs ont-ils été intoxiqué ? Quand je passe plus de temps à me demander en quelle matière sont fabriqués les décors, c'est que le film ne me plaît pas. Une mère pleure la disparition de sa fille en en faisant des tonnes. La musique est outrancière (je rectifie ; elle est affreuse) mais typique. D'ailleurs, tout est affreusement daté TV80's dans ce The Deliberate Stranger. Il faut prendre une machine à remonter le temps et se remettre en condition de spectateur de l'époque pour frissonner. Exit donc Le silence des agneaux, Twin Peaks, toutes les séries policières venant après Remington Steele, Magnum, Starsky & Hutch, Riptide, Chips, Simon & Simon, etc ...

Mais, même comme cela, j'ai du mal. En grandissant avec des œuvres de cet acabit, enfant, j'étais doué de dons d'abstraction. Je pouvais regarder un téléfilm dont le sujet ou un personnage était intéressant (rire et frissons ... je me contentais de peu) en ne tenant pas compte de la musique dissonante, des zooms-avant sur les buildings introduisant les locaux où se passent l'action, des coupes de cheveux, de la mode vestimentaire et vocabularistique (cet adjectif n'existe pas) du moment, des pleurs qui n'en sont pas, des bons acteurs pas à leur place, des mauvais acteurs aux rôles clés, des twists téléphonés, des narrations sans saveur, etc ... C'est ce qui s'appelle communément le choix du pauvre. Comme si les consommateurs étaient responsables de la soupe qu'on leur servait. Mais, comme ils sont responsables de ce qu'ils regardent, je n'ai pas continué The Deliberate Stranger jusqu'à son terme.


Juste pour le signaler : la façon dont Ted Bundy accroche ses victimes rappelle le tueur philosophe de The Vanishing (Spoorloos / L'homme qui voulait savoir, 1988, Pays-Bas-France) de George Sluizer. Ce meurtrier français est sans argument contraire influencé par l'américain. Une voiture, un bras en écharpe, une remorque de bateau, une demande d'aide et une aire de jeu ou un campus universitaire pour Ted Bundy. Une voiture, un bras en écharpe, une remorque, une demande d'aide et une station essence pour Raymond Lemorne.

4 commentaires:

  1. j'ai vu un "Ted Bundy" qui date de 2002 et l'acteur qui jouait le tueur (Michael Reilly Burke) était très convaincant dans ce rôle pour ma part.

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  2. Je ne l'ai pas vu mais j'avais lu la fiche imdb de ce "Ted Bundy" lors de mes recherches. La note étant meilleure pour the deliberate stranger, je l'ai choisi. Après avoir vu cette infamie dont le monde entier se moque encore des méthodes employées pour faire peur (des godasses montées en parallèle ne feront jamais frissonner personne) et après ton commentaire, anonyme, j'ai recherché la chose. Je crois qu'il est visible sur Youtube. Je vais tenter une vision. Je vais voir ça. 9a ne peut qu'être meilleur que The Deliberate Stranger.

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  3. J'ai vu récemment Deathtrap de Sidney Lumet avec Michael Caine et Christopher Reeves. Ce dernier aurait fait un excellent Ted Bundy. Il arrive à être très inquiétant dans Deathtrap et son physique est très séduisant ; ce qui aurait pu être utilisé pour l'interprétation dans sa représentation de la normalité qui lui servait de masque. Christopher Reeves aurait été parfait dans ce rôle.

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  4. Anonyme > je trouve que MR Burke en fait un peu trop. Le film est de meilleure qualité même s'il a des accents de teen movie (le "gag" du sceau d'eau renversé sur la tête alors qu'il se branle dans une allée, et, les phases de conduite de son auto). Ce que j'ai trouvé de réussi sont les phases de recherche de victimes, ses premiers essais et crimes.

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