La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

dimanche 23 octobre 2011

Evilenko

Samedi 22 Octobre 2011
Octobre Rouge #18

Evilenko, David Grieco, 2004, Italie.

J'écris ce texte de mémoire. Il n'est nul besoin de revoir ce film qui a laissé en moi une trace indélébile. Je crois même que je vais avoir du mal à en parler. A l'époque, il m'avait laissé pantois. J'étais horrifié par le criminel représenté. Même Jack l'éventreur (the Ripper) ne me semblait pas aussi abominable qu'Evilenko, bourreau et tueur d'enfants. Comme Citizen X, Evilenko tire son récit des faits qui ont constitué la traque d'Andreï Romanovitch Tchikatilo. Evilenko approche au plus près son sujet pour le cerner et le comprendre.

Ainsi le film est un portrait qui expose la maladie de Tchikatilo/Evilenko au-delà de sa caractéristique de tueur. L'une des premières scènes s'attarde sur l'homme, alors instituteur, qui convainc une de ses élèves de saisir son pénis à pleine main. Tout le travail d'acteur de Malcolm McDowell est remarquable d'inquiétante subtilité pour incarner cet impuissant qui essaye de retrouver son excitation sexuelle auprès des enfants. Le lien entre le tueur et les jeunes est affiné au travers du conte. Evilenko leur raconte des histoires qui sont des métaphores de ses troubles et connaissent des phases descendantes sur leurs fins. Il les charme avant de les massacrer. Il s'y prépare en leur compagnie. Les meurtres pourraient être interprétés comme l'expression d'une volonté de punition autant qu'un substitut d'acte sexuel. David Grieco, metteur en scène italien de documentaires ayant assisté aux audiences du procès du "monstre de Rostov", retransmet dans Evilenko l'essence du sourire et de l'attitude d'alors de Tchikatilo. Tchikatilo était très heureux de l'attention qui lui était portée. Il a décrit ses crimes avec minutie sans trembler. Evilenko s'achève sur un plan hantant soulignant que l'homme devait son caractère de monstre à une soif du mal. Tchikatilo a émis la plainte que son impuissance trouvait son origine à sa naissance (façon de dire qu'elle ne s'expliquait pas et ne se soignait pas). 


Dans Evilenko, David Grieco met également la gourmandise meurtrière de Tchikatilo en relation avec la chute du communisme, ce qui ne constitue pas une réussite pertinente du film. Grieco construit son récit sur sa propre spéculation en surlignant que le tueur en série a débuté sa vague criminelle en 1984 (malgré son premier meurtre en 1978) pour coller avec le début de la perestroïka en 1985. Orphelin ayant été élevé par le régime, membre du parti, ancien instituteur, on peut comprendre que la dégénérescence d'un homme soit mise en rapport avec celle d'un régime mais rien ne l'a jamais prouvé. Tchikatilo, abattu en 1994, n'a jamais fait l'objet d'études psychiatriques. Il a accusé tout autant Staline, le peuple, l'URSS et ses propres gènes. Dans le long-métrage, Grieco montre un Tchikatilo métamorphosé en Evilenko comme un fervent défenseur de l'idéologie marxiste-léniniste qui se désole profondément du déclin de l'Union soviétique. Il y partage des intérêts avec des partisans intégrés du KGB et du parti affirmant que des liens au sein de ces organismes auraient dissimulé ses activités criminelles, tout bon travailleur et engagé politique qu'il était, et, ose mettre même en doute son exécution en 1994 (appuyé sur la foi que la(es) demande(s) financée(s) d'universités américaines à l'état russe pour pouvoir étudier Tchikatilo soi(en)t fondée(s) sur des preuves de la survie du tueur en série).


Evilenko vaut pour son portrait du tueur (mention spéciale à Malcolm McDowell) et sa dramatisation des meurtres. Je signale d'ailleurs que la qualité de l'interprétation et l'horreur du personnage m'ont empêché de faire attention à l'époque où je l'ai vu aux qualités techniques de l’œuvre (j'étais très impressionnable ... et je ne l'ai pas revu depuis).

2 commentaires:

  1. Je tenterai de le voir, tu m'en as donné envie !

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  2. C'est cool. J'espère que tu apprécieras. Evilenko m'avait vraiment mis mal à l'aise. Écrire dessus m'a d'ailleurs donné envie de le revoir (à tête reposée et pour voir si j'ai pas trop raconté de conneries dessus aussi).

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