La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

vendredi 21 octobre 2011

Citizen X

Vendredi 21 Octobre 2011
Octobre Rouge #17

Les deux prochains films chroniqués (Citizen X et Evilenko) sur Donc Acte ! abordent le cas du tueur ukrainien, le camarade serial killer Andreï Romanovitch Tchikatilo. "Le monstre de Rostov" était instituteur, marié, père de 2 enfants, membre du parti communiste. Il est le plus prolifique et horrible tueur en série de l'histoire de l'Union soviétique. Impuissant, il torturait ses victimes et les mutilait en arrachant leurs yeux et en mangeant leurs organes génitaux pour obtenir une satisfaction sexuelle. Il a été arrêté, suspecté et relâché en 1984. Il fut finalement interpelé en 1990 et inculpé pour 52 des 55 meurtres avoués : 21 garçons et 14 filles de 8 à 17 ans, et, 17 femmes ont été ses victimes entre 1978 et 1990. Il a été exécuté en 1994.

Andreï Romanovitch Tchikatilo


Citizen X, Chris Gerolmo, 1995, USA.

"There are no serial killers in the Soviet Union." ("Il n'y a pas de tueurs en série en Union soviétique."), dixit le camarade Bondarchuk, haut fonctionnaire d'état. La traque de Tchikatilo est donc particulièrement compliquée pour l'inspecteur Burakov (Stephen Rea) dans Citizen X. Il doit jongler entre des collègues policiers incultes et fainéants, un supérieur hiérarchique Fetisov (incarné par Donald Sutherland) qui ne veut pas énerver ses supérieurs et des membres importants du parti communiste qui souhaitent limiter et désigner le champ des suspects et s'éviter une mauvaise publicité (l'idéologie se voulant parfaite oblige). Citizen X insiste sur l'indifférence envers la vie humaine d'un système soviétique dominant l'individu. Face à cette oppression de la justice, le citoyen Burakov utilise son intuition et sa détermination pour se glisser entre les interstices des contraintes de sa hiérarchie. Il n'est néanmoins pas seul au monde ; il est soutenu par son épouse.

Premier obstacle majeur pour l'investigation de Burakov : ses supérieurs hiérarchiques soviétiques.
Second obstacle : des collègues en dessous de tout.
Ce à quoi Burakov peut rêver : des hommes, des ordinateurs, l'aide du FBI et de la publicité.

Le récit est teinté d'humour bien senti. Pas d'humour noir ni de comic relief (expression statienne en rapport avec des gags ayant pour but de se soulager de l'inquiétude naissant devant un film au sujet sérieux), les personnages ont des répliques "à propos" vis-à-vis des situations difficiles dans lesquels ils se trouvent. Il semble même que ces piques sarcastiques soient leur seul espace de liberté dans un système psychorigide. Citizen X, adoptant une gravité propre au sujet de la tuerie en série, n'en abuse pas et laisse même l'humour s'éteindre au fil de son récit ; ce qui favorise une dramatisation grandissante au fil des années qui passent.

Le colonel Fetisov (Donald Sutherland) aime le sarcasme : "You're right. I should try to alienate them (ses supérieurs)" ("Vous avez raison. Je devrais essayer de m'aliéner mes supérieurs.")

Plusieurs modes sont utilisés pour représenter les meurtres d'enfants, d'adolescent et de femmes : la découverte de cadavres, la mort dramatisée (au ralenti), la suggestion et la crudité (en direct). Chaque élément se trouve à sa place. La précision est de rigueur dans Citizen X. Le rythme et chaque information sont contrôlés avec minutie. Le ton du téléfilm, étant sobre, respectueux des victimes et humble dans son traitement, fonctionne à merveille. La narration se situe au niveau de l'humain. L'hypocrisie des soviétiques face à la quête de vérité et de justice de Burakov révolte et a fait suffoquer le spectateur que je suis.

Le casting est de surcroît incroyable. Que de noms, que de visages inoubliables et charismatiques, que de voix mélodieuses qui résonnent dans l'esprit (même pour balancer des saletés). Donald Sutherland est encore parfait car il est Donald Sutherland. Stephen Rea s'attire la compassion et l'empathie par son jeu tout en retenue d'homme investi par la foi du juste au bord de l'explosion émotionnelle (je le comprends). Joss Ackland est détestable et terrifiant quand il pousse ses gueulantes de bureaucrate soviétique indifférent à l'horreur qui rôde en liberté dans sa chère contrée (c'est comme ça qu'il fallait qu'il soit). Jeffrey DeMunn, en général adorable dans les adaptations de Stephen King réalisées par Frank Darabont (en ce moment dans la saison 2 de The Walking Dead), a décroché un rôle à contre-emploi (je dis cela en vue rétrospective sur la carrière du monsieur) dans lequel il est fascinant. Max von Sydow joue délicatement d'humilité pour incarner un psychiatre qui établit le profil du tueur.

Certaines phases viennent néanmoins rappeler que Citizen X est un téléfilm : fondus enchaînés et pleurs enregistrés au volume exagéré en synchronisation. Mais ça se pardonne. Citizen X figure parmi les réussites de la création télévisuelle. Il aurait même mérité une sortie en salles. Certaines séquences sont de pur moment de cinéma souhaitables d'être vues sur grand écran : la recherche d'une victime par le monstre de Rostov, l'observation dans la gare de Burakov, le meurtre de la femme devant laquelle Tchikatilo montre son impuissance, une année qui défile, entre autres à découvrir.


7 commentaires:

  1. Content que tu aies aimé. :)
    J'adore la dernière phrase que lance Max von Sydow au couple Rea-Sutherland.

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  2. Grandiose : "A vous deux, vous faites une très belle personne !"

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  3. Faudra que je le mate décidément ce film !

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  4. Oui, c'est un must ;) Pour le plaisiiiiiiiir

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  5. A propos de téléfilms consacrés aux serial-killer ayant réellement vécu, je rêve de revoir "Au Dessus De Tout Soupçon" basé sur Ted Bundy. Un vrai bon téléfilm...

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  6. Je l'ai trouvé un peu léger question horreur. C'était surtout concentré sur des policiers en train de parler au téléphone et la partie sur Ted Bundy (Mark Harmon est excellent dans le rôle) ne présentait pas vraiment le tueur mais plutôt le type que l'on ne soupçonnerait pas. Je pense que ce téléfilm (et je n'aime pas les torture porn ni le gore) mise trop sur le fait que l'on sache qui est Ted Bundy et ce qu'il a fait. Sur une note personnelle : je l'aurais probablement regardé avec plus de plaisir si j'avais eu une bonne copie à visionner. J'ai fait la critique d'Au dessus de tout soupçon sous le titre The Deliberate Stranger : http://doncacte-nonmais.blogspot.com/2011/10/deliberate-stranger.html

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