Lundi 29 Août 2011
Ce dossier a été effectué dans le cadre du cours Le Son au cinéma et propose une analyse de la bande sonore de The Thing, John Carpenter, 1982.
The Thing de John Carpenter est une adaptation d’une nouvelle de John W. Campbell Jr. déjà retranscrite à l’écran en 1951 par Howard Hawks et attribuée à Christian Niby. The Thing a été fabriqué dans le respect des règles de l’industrie cinématographique hollywoodienne. C'est un produit du studio Universal où le verbocentrisme est de rigueur et où aucune incongruité expérimentale ne vient perturber le spectateur du confort de son siège.
De Thomas Causey, producteur des effets sonores, à Ennio Morricone, responsable de la bande musicale, tous ont consacré des soins attentionnés à la confection de ce bijou du cinéma d’horreur. La conception des effets sonores a eu essentiellement lieu en post production. Thomas Causey a délégué trois ré-enregistreurs de sons (Bill Varney, Steve Maslow et Gregg Landaker) pour permettre à l’équipe de tournage une plus grande liberté d’installation et d’opération, et, pour créer un univers sonore au film (grâce à la création des effets propres à la chose). Deux monteurs sons sont attachés à la réalisation de la bande : David Lewis Yewdall et Colin C. Mouat.
Analyse de la bande sonore
Dans The Thing, le principe d’ancrage est respecté. Le son filmique est établi dans sa causalité avec la source suggérée. Cela renforce la tridimensionnalité et la construction de la diégèse*.
Le point d’ancrage est lui aussi respecté. La propagation du son est fonction de la position de la caméra. Le verbocentrisme, l’insertion de bruits censés être entendus dans une situation semblable, est partie de la construction de The Thing.
Les bruitages servent la réalité du métrage (en opposition au réalisme). Le premier bruit est celui d’un ovni dans l’espace (là où il n’y a aucun son) qui s’approche du lointain pour passer par dessus la caméra. Coupure montage. Le plan suivant voit la soucoupe s’éloignant du cadre et entrer dans l’atmosphère terrestre en fond de plan. Le son fait montre de cette évolution spatiale. Sur le premier plan, le bruit de l’ovni va en s’augmentant (suivant donc la progression de la soucoupe vers le spectateur). Ensuite s’inverse les donnes visuelles et sonores (le son s’évanouit en même temps que la soucoupe disparaît).
Intervient le titre du film qui déchire l’espace de l’écran, comme la soucoupe l’atmosphère, pour faire passer selon le système du pochoir de la lumière pour former les lettres du titre : The Thing. Le son du déchirement est représenté en raccord avec l’image.
Selon les lois cinématographiques, la déchirure d’un titre n’appartient pas à la diégèse d’un film. Dans The Thing, elle appartient à la surface écranique. L'équipe son crée une impression de vérité envers ce qui apparait à l’écran. Ce dernier se déchire visuellement (la lumière peut être considérée comme étant celle du projecteur de la salle). Le son sert à renforcer la croyance en ce que voit le spectateur. Avec The Thing, la logique de création de l'univers diégétique suit la logique du verbocentrisme et de l’intronisation du spectateur dans cette diégèse. Le son crée le rapport entre le son et l’image afin de créer l'impression de réalité.
La typologie des ancrages
L’ancrage dans la diégèse concerne le monde visible. Les sons du film sont essentiellement synchrones (in) et faciles à identifier : des bruits de porte, d’hélicoptères, des coups de feu, de fermetures éclairs, de destructions de vitres, de matériels en métal, des aboiements de chien, les cris de la chose, etc … La synchronisation image-son sert à créer un effet de causalité renforçant la réalité de l’univers fictif.
Sont également utilisés des sons synchrones hors-champs (tel l’allumage des lance-flammes ou certains dialogues). Ils permettent une économie de détails ; une fois la synchronisation faite, nul besoin de la répéter. La réalisation se concentre sur le déroulement de la narration et sur l’émotion.
John Carpenter s’amuse avec ce procédé de synchronisation. A chaque fois que le nom de la chose est prononcé par McReady (incarné par Kurt Russell), le personnage infecté est montré à l’écran. John Carpenter sème des indices trop évidents pour être crédibles et s'amuse du scepticisme du spectateur.
L'équipe son de The Thing crée une impression de réalisme, grâce à des sons qui n’ont pas forcément de relais de vécu pour le spectateur (les coups de feu, le bruit des lance-flammes, le vol de l'ovni, les cris de la chose). Ces derniers sont créés artificiellement. Ils s’opposent en terme de langage à celui des hommes. La chose crie alors que les hommes parlent. Ce qui crée une incommunicabilité entre les espèces mais aussi une reconnaissance distincte de la nature de ce que l’on voit. Si la chose n’est pas découverte visuellement, elle peut s’identifier à l'ouïe. Ainsi, le premier humain infecté de la base américaine révèle cette affliction par ce moyen.
Le souffle du vent et le silence à l’intérieur de la base participent à la narration. Une musique diégétique ("Superstition" de Stevie Wonder) et le bruit des sirènes d’alarme créent un lien entre les pièces de l’espace intérieur de la base. La musique émise par un poste de radio établit une topologie des lieux en fonction de sa volumétrie sonore perçue dans telle pièce et dans tel couloir. La sirène d’alarme et les cris des loups provenant du chenil localisent les endroits de détente, utilitaires (cuisine, infirmerie) et d’habitations.
Le silence et le souffle du vent aident à la création d’une diégèse solide. Le milieu polaire où se déroule l’histoire est située dans un endroit quasi-désertique (trois présences notables : deux stations norvégiennes et américaines et le site du crash de l'ovni) coupé des populations sédentaires. Les seuls éléments ambiants existants sont le silence de certains intérieurs de la base et le souffle du vent polaire qui domine en extérieur. Ce dernier se fait entendre lorsqu’il bouscule les murs et toits de l’édifice et que la caméra se trouve dans une pièce susceptible d’en souffrir.
Ce silence et ce vent font partie des ressorts à tension du film. Certaines scènes en présence de la chose se déroule sans appui musical laissant donc toute l’horreur des cris de la bête envahir l’espace auditif en même temps que le monstre envahit l’espace visuel de l’écran. Point d’effets trop appuyés n'ont besoin d’être pour intensifier un moment dramatique. Il en est ainsi de la scène de réanimation de l’un d’eux qui se révèle être infecté alors que le médecin lui appose les plaques d’électrochocs. Alors que trois membres de l’équipe américaine sont partis découvrir la base des norvégiens, le silence règne dans la base, et, le loup chassé déambule dans un couloir vide avant d’entrer dans une chambre et de rencontrer son premier candidat que la chose veut copier.
Il n’y a aucun ancrage dans la diégèse sur le mode du monde mental. L’auricularisation interne est substituée par un monologue du héros McReady qui enregistre sa propre voix sur un magnétophone. Cette action suppose qu’il n’est pas le seul à écouter ce qu’il enregistre. Il choisit d'effacer une remarque qu’il fait « personne ne fait plus confiance à personne » … les propos fatigués qu'il tient à la fin du film montre qu'il n’a même plus confiance en lui-même et doute d'être humain.
Ce silence et ce vent font partie des ressorts à tension du film. Certaines scènes en présence de la chose se déroule sans appui musical laissant donc toute l’horreur des cris de la bête envahir l’espace auditif en même temps que le monstre envahit l’espace visuel de l’écran. Point d’effets trop appuyés n'ont besoin d’être pour intensifier un moment dramatique. Il en est ainsi de la scène de réanimation de l’un d’eux qui se révèle être infecté alors que le médecin lui appose les plaques d’électrochocs. Alors que trois membres de l’équipe américaine sont partis découvrir la base des norvégiens, le silence règne dans la base, et, le loup chassé déambule dans un couloir vide avant d’entrer dans une chambre et de rencontrer son premier candidat que la chose veut copier.
L’ancrage dans la fosse est écrite par le compositeur Ennio Morricone. Sa musique introduit le film sur le défilement du générique. La création d’ambiance est introduite par la bande musicale. Avant même les premières images du film, la construction de l’émotion à ressentir pour la vision de The Thing est en œuvre. La musique donne le ton de l’histoire et introduit le genre auquel The Thing appartient. La tonalité est angoissante et le rythme est lent. La musique est discrète, répétitive et lancinante avec quelques légers pics sonores (accroissant l’attente d’un intense effet musical qui n’arrive jamais, tout comme la délivrance en conclusion de The Thing). La musique n'évolue pas. Elle crée un sentiment de fatalisme. A aucun moment, elle ne vient relancer un espoir ou un changement qui pourrait indiquer une amélioration. La musique enferme le spectateur dans l’effroi.
La musique qui introduit le film le clôture. Elle insiste sur l’effet d'action reproductible à l'infini (les deux survivants ne sont pas certains que la chose soit détruite ni d'être toujours humains) avant le point de départ et après le point d’arrivée de la narration. Cette utilisation de la musique (au-delà aussi du fait que l’histoire s’est clôturée et qu’elle a délivrée ses clés pessimistes) insistent sur l’aspect d’aggravation du problème (la suspicion envers l’autre de vouloir le transformer en ce qu’il n’est pas).
La musique n’est pas omniprésente. Elle sert à intensifier des espaces choisis par Carpenter. Les moments où la chose est directement concernée et les instants de découverte sont privilégiés : l’arrivée du loup / chose à la base américaine, le départ en hélicoptère vers la base norvégienne, la découverte de la base norvégienne, la découverte de la chose, la découverte du vaisseau spatial. La musique intensifie la découverte de l’irréel et d’incongru. Elle appuie cette étrangeté et développe sa « réalité » dans l’incompréhension qu’éprouve le spectateur face à ce qu’il ne connaît pas.
La musique crée une atmosphère propice au réalisme de la diégèse du film. Elle est en accord avec la narration. Elle sert l’effroi autant que la création de la diégèse et sert les intérêts de l’effet à produire sur le spectateur par le biais de l’aura que la musique possède d’élever les âmes vers des états de tout genre.
Le film ne possède pas d’ancrage dans l’instance d’énonciation. Aucune voix over ne se fait entendre.
Conclusion
Dans The Thing, le verbocentrisme est d'usage. Tous les aspects de la bande sonore servent à créer un univers crédible pour le spectateur où le son et l’image ne dépareillent pas. Le son intéresse le spectateur et sert Carpenter à le mettre en scène dans sa grande parade de l’effroi. Le but artistique du film est de plonger le spectateur dans une torpeur glaciale et dans l’insoutenable attente d’une délivrance afin qu’il frémisse d’effroi et d’espoir à la vision du long-métrage.
*diégèse = univers propre au récit/film
*diégèse = univers propre au récit/film
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