La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

vendredi 8 juillet 2011

Fighter

Vendredi 8 Juillet 2011
Hors du temps

David O Russell figure parmi mes réalisateurs favoris. Bien que je n'ai malheureusement pas trouvé d'intérêt à I Heart Huckabees de 2004, ses films reposent sur des pitchs amusants, bien que des fois moralement choquant, et proches des aspirations de tout à chacun. La recherche de modèles, de moyens financiers, de fierté et de respect figurent parmi ses thèmes choisis. David O Russell réussit des films drôles, émouvants et intelligents sur la prise de conscience d'éléments de vie importants pour des individus dont les repères sont confus. Il a mis en scène le sympathique Flirting with Disaster en 1996 avec Ben Stiller et le malin Three Kings en 1999 avec George Clooney, Mark Wahlberg, Ice Cube et Spike Jonze. Dans Flirting with Disaster, le personnage Ben Stiller apprend que les parents qui l'ont abandonné sont des hippies vivant dans une propriété isolée dans le désert d'Arizona avec leur autre fils biologique très irascible aux tendances meurtrières. Ils y cultivent de la drogue douce, ce qui remet en question la quête de modèles à suivre de Mel Coplin. Dans Three Kings, une troupe de soldats américains découvre les vertus de l'humanisme en Irak. Ils essaient pourtant de subtiliser à la barbe des forces armées des USA l'or du Koweit confisqué par Saddam Hussein pendant la première guerre du Golfe.

Réalisé en 2011 par David O Russell et produit par Darren Aronofsky, Fighter suit la progression d'un boxeur issu d'un milieu pauvre américain pour remporter un titre de champion de boxe international.

Micky Ward est un boxeur issu d'une famille d'ouvriers du Massachusetts. Sa mère, Alice Ward, gère maladroitement sa carrière, et, Dickie Ecklund, son frère, gloire de Lowell pour avoir mis K.O. Sugar Ray Leonard en 1978, est son entraîneur. Or, en 1993, la carrière de Micky stagne et il enchaîne les défaites. Il blâme pour cela son entourage proche qui n'éprouve aucun scrupule à le faire affronter un adversaire de catégorie supérieure pour l'argent. Battu à plate couture, Micky en conclue qu'il ne faut pas mélanger profession et famille. Il décide de voler de ses propres ailes. Il répond favorablement à un manager qui l'a sollicité. Et il entame une relation amoureuse avec Charlene Fleming, une jeune femme au caractère bien trempé qui va l'aider à s'affranchir de l'influence négative de sa mère, de ses sœurs et de son frère.

Dans Fighter, David O Russell joue habilement avec les points de vue. La focalisation est souvent remise en question : entre famille et personnes extérieures (comme Charlene), entre fans de boxe et regard détaché d'intérêt pour ce sport. La marche des deux frères côte à côte avant l'apparition du titre du film montre à la fois qu'il ne s'agit pas que d'une histoire de famille mais aussi d'une histoire de société. L'importance de l'intervention de l'équipe d'HBO pour filmer l'ancienne gloire de Lowell, Dick Ecklund, joue un rôle conséquent sur l'évolution des personnages et du récit. Ce regard critique n'existe pas au sein de la famille Ward / Ecklund et de l'entourage. Ce qui se rapporte au sujet de Fighter : la place de la famille dans une société individualiste, et, la place de l'individu dans sa famille.

Dick Ecklund et Micky Ward.

Fighter vaut pour sa partition réaliste et censée. Même si le film s'annonce comme étant humoristique et décontracté, l'ensemble tragicomique est caractérisé par un sous-texte politique et social. L'absence de culpabilisation de la pauvreté fait un bien fou au récit. La dérision est préférée pour dépeindre un milieu difficile touché par le chômage et la drogue.

La question de l'exploitation au sein de la famille et en société reste centrale. L'entreprise familiale ne met pas les individus face à leurs responsabilités individuelles, seulement face aux devoirs collectivistes. Cette petite mafia, appuyée par un membre des forces de l'ordre locale, souffre d'une pauvreté et cherche à gagner sa respectabilité en restant unie mais les points de vue extérieurs, Charlene, HBO et le manager étranger (considéré comme un exploitant de chair humaine par Alice Ward) remettent chaque personnage face à ses envies. Ceux-ci doivent tirer les leçons des intérêts extérieurs centrés sur l'individu surtout que l'addiction à la drogue du frère conduit ce personnage à faire de multiples faux-pas et à attirer des ennuis à Dickie. 


Les multiples revirements de points de vue servent également à émouvoir le spectateur. Quelques scènes à priori comiques virent au dramatique par un simple changement d'angle de caméra. Je fais référence à la scène où Christian Bale se vante, dans une crack-house, devant la caméra de HBO de sa victoire face à Sugar Ray Leonard. Cette utilisation de l'angle de vue force le respect car elle ne choque pas mais elle permet l'apitoiement, la compréhension et la tristesse. Cette intervention a lieu à la moitié du film. Le regard sur le milieu présenté jusque là s'approfondit davantage. Fighter n'est pas qu'un film sur la boxe.


Sur les richesses du film, il faut rendre grâce à David O Russell de traiter des aspects dramatiques sur un mode raisonnablement comique ; Dick Ecklund fuyant sa mère en sautant par la fenêtre alors qu'elle vient le chercher à la maison où il se drogue, le gang de sœurs dont il semble bien qu'elles soient toutes au chômage et célibataires vivant ainsi par procuration leurs propres vies, tout comme la mère vit par procuration au travers de ses fils délaissant ses filles. Le traitement humoristique de cette noirceur humaine permet de ne pas alourdir la misère sociale décrite ni de blâmer l'addiction au crack du grand frère qui est la victime responsable de sa propre mélancolie. 

-SPOILER ALERT-

Mais l'émotion prend aux tripes lorsque Dickie manque de pleurer après que son petit frère ait remporté la victoire du titre de champion. Cette magnifique histoire d'amour et familial met l'accent sur un groupe uni  acceptant une influence extérieure afin de gagner pour eux-mêmes ces titres, et non pour se vanter de leur valeur aux autres.

-FIN SPOILER ALERT-

P.S. : I Heart Amy Adams.

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