La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

lundi 8 août 2011

Blood Island

Dimanche 7 Août 2011
Dans une vie antérieure

Pour un public européen, les récits de films de genre sud-coréen sont poussés à l'extrême, la violence est graphique et les interprétations de personnages sont passionnels. Cependant, ces "exagérations" servent les opinions des auteurs. En accord avec la culture actuelle de Corée du Sud, le corps d’œuvres propose des histoires dans lesquels des propos moraux et sociaux sont au premier plan.

Blood Island (2010) réalisé par Jang Cheol-soo est une fable morale sur l'opposition entre le mode de vie moderne et le mode de vie traditionnel pour la femme.

Hae-won, interprétée par Seong-won Ji, n'a rien à envier à un exemple de mauvaise conduite. Elle est une femme moderne incapable de gentillesse. Cette célibataire endurcie ne vient pas en aide à une femme agressée en pleine rue et tabassée sous ses yeux. Elle reste inébranlable, refuse d'identifier les suspects (aussi coupables soient-ils) et n'a aucun besoin de la menace proférée contre elle pour se taire. Elle refuse d'aider une femme âgée dans le besoin à la banque où elle travaille et rejette la croyance qu'elle a pu commettre l'erreur qui a poussé cette personne dans des difficultés financières. Elle est également jalouse d'une collègue généreuse et sympathique qu'elle gifle devant tout le monde l'accusant sans preuves d'une basse mesquinerie. Forcée au congé, Hae-won se saoule et découvre qu'une amie d'enfance, Bok-nam, lui envoie régulièrement des missives. Après avoir jeté un œil sur les enveloppes de ces lettres, elle retourne en vacances sur l'île où elle a grandi. 

Deux idées du bonheur

Fini le monde moderne violent, stressant, inégal, isolant, cruel et très dur que Hae-won quitte assez légèrement. Elle revient à un monde insulaire rural comprenant davantage de simplicité de vie. Les récoltes se font pour nourrir les familles présentes et être vendues pour la richesse de la communauté paysanne. La lessive s'y lave à la main. Les femmes s'en chargent pour leurs maris. Le mariage se fait à un jeune âge. Tout le monde sait tout sur tout le monde.

Les espoirs de Bok-nam mis en Hae-won conviennent-ils à cette dernière ?
 
Tout y tourne bien si ce n'est que les mœurs sexuels sont à dominance masculine et emprunt de violence (tout à la satisfaction des fantasmes virils). Bok-nam se doit ainsi d'attendre sur le patio que son mari en ait fini avec une prostituée régulièrement conviée. Cet univers patriarcal, dans lequel Bok-nam (jouée par Yeong-hie Seo) se fait violer par un "ami de maman" et est punie par son mari l'estimant responsable, la rabaisse au rang d'esclave à tous les niveaux et la situe au rang de dévoyée. Les autres femmes de l'île servent la cause des mâles par peur de leur violence. Ce format de société tient sur une philosophie particulière résumée ainsi : "une sale vie de merde est préférable à la mort".

L'épouse mise au même niveau que la prostituée

En 30 minutes, tout cela est présenté avec un rythme rapide. N'omettant aucun détail et allant à l'essentiel au niveau narratif et dans l'émotion, le récit est captivant. La compassion gagne forcément pour cette épouse maltraitée et déniée de tout respect. Sa propre fille hésite même à la prendre en modèle. Elle semble s'orienter vers une copie de la prostituée plutôt que de suivre l'exemple de sa mère. Et, connaissant la moralité de Hae-won, la seule amie de Bok-nam, et celle de ce milieu insulaire, rien ne se dessine pour changer la situation. Seule la fuite est prometteuse.

Soupçonnant son mari de vouloir la remplacer par sa fille, Bok-nam, poussée à bout, tente l'évasion avec son enfant né d'un viol collectif. S'ensuivent l'échec et un drame. Vient donc l'heure pour Bok-nam de se rebeller.

L'heure de la vengeance a sonné

-SPOILER ALERT-

Après 1 heure 15 irréprochable de métrage, Blood Island entre dans une partie violemment sanglante. Le massacre instigué par Bok-nam prend quelques fois des accents comiques de mauvais goût. Des situations laissant incrédules sont à regretter (le début de la tuerie, la mort de la tante, le meurtre au poinçon tenu entre les dents).

Blood Island vire même au sentimentalisme trop appuyé sur la fin (au commissariat : la demande de flute en relation avec les plans des tombes). Je me suis demandé si la vengeance méritait d'être poussée jusqu'à son terme car Bok-nam se retrouve enfin face à la bonté des hommes et aurait pu amorcer un virage salvateur pour elle.

Une vengeance poussée trop loin

Mais aucun des personnages de Blood Island ne peut prétendre à quelque empathie dans cette seconde partie d'intrigue. Bok-nam, qui méritait toute la compassion du monde, a utilisé sa souffrance et son isolement pour sombrer dans la vengeance et la folie meurtrière. Quant à Hae-won, coupée de son enfance, des autres, de tout sauf d'elle -même, a menti, négligé et manqué de respect à son amie. Elle ne trouve qu'un début de rachat dans la dénonciation des criminels du début de l'histoire et la lecture de nouvelles gravement négligées que Bok-nam lui avait depuis longtemps envoyées.

-FIN SPOILER ALERT-

Blood Island est un très bon film qui perd en qualité à cause d'une partie sanglante maladroitement gérée. Cette fable de Jang Cheol-soo s'appuie sur la peur et le choc provoqués par une histoire tragique pour transmettre un message social. Le ton est dur et sévère. La conclusion est âpre. L'équipe initiatrice de ce projet a opté pour l'absence de concession morale pour raconter une histoire d'amitié déçue entre une femme moderne et une femme maltraitée.

4 commentaires:

  1. Je l'ai vu aussi. Je serai moins positif que toi quand j'en parlerai sur Il a Osé ! :)

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  2. J'attends ton article avec impatience !

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  3. Je te ferai signe quand il sera publié. C'est un brouillon à peine commencé depuis longtemps, faudra que je le termine.

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  4. OK ... en attendant, je prépare The Chaser et Thirst

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