La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

dimanche 30 octobre 2011

Angst

Dimanche 30 Octobre 2011
Octobre Rouge #25

Angst, Gerald Kargl, 1983, Autriche.

Werner Kniesek, né en 1946 de l'union d'après-guerre d'un soldat afro-américain et d'une veuve autrichienne, était, selon ses propres termes, insatiablement accroc à la peur qu'il provoquait chez les femmes. Pourtant gâté par sa mère et décrit par elle comme un gentil garçon très mignon ("petit bébé noir mignon"), Kniesek a tué 3 personnes (la veuve Gertrud Altreiter, son fils handicapé et sa fille) en 1980. Il les a retenu captive dans leur maison de St. Poelten à sa sortie de prison après 10 ans d'incarcération pour tentative de meurtre sur une femme de 73 ans. Il avait déjà été incarcéré à l'adolescence de 16 à 18 ans. Il avait poignardé sa propre mère et l'avait laissé dans un état critique. Les psychiatres qui l'ont examiné l'ont qualifié d'"extrêmement anormal sans être malade". Depuis son procès, Kniesek est considéré comme un tueur de sang froid plus qu'un tueur en série mais les caractéristiques de ses crimes précédant sa percée meurtrière sont symptomatiques d'un goût ("d'une luxure pour le meurtre" selon ses termes) pour infliger la mort ; il disait ne jamais vouloir arrêter (ce qui aurait fait de lui un tueur en série s'il n'avait pas été incarcéré). Je ne décris pas les détails des sévices qu'il a infligé aux victimes puisqu'elles constituent une bonne partie de l'intrigue d'Angst qui contient de la violence graphique explicite.


L'esthétique d'Angst (en français intitulé Schizophrenia) est ce qui caractérise le film et le différencie de beaucoup de long-métrages. Le travail de distanciation vis-à-vis du sujet empêche une identification au tueur. La caméra vise le sujet Kniesek essentiellement en plongée (le regard divin et omniscient concentré sur l'action permet de garder ses distances) et en caméra embarquée (point de vue soulignant l'esprit de Kniesek replié sur lui-même). Quelques regards caméra sont présents (de la part de protagonistes extérieurs à Kniesek ... cette utilisation de faux raccords permet d'empêcher toute immersion dans l'oeuvre) pour exposer son état mental lié à ses intérêts et ce qui semble être un délire égocentrique (ou paranoïaque). Ces choix techniques font néanmoins connaître des difficultés au plaisir de spectateur : certaines images sont tremblantes (notamment les travellings en plongée dans la rue).



Mais Angst est concis. La courte durée de 1 heure 15 colle au caractère compulsif et direct de Kniesek. La compréhension est aidée par l'apport d'une voix off paisible, fluide, agréable et plate qui est la sienne se racontant en monologue. Elle est en dissonance dans les phases de crimes. Les aléas de l'enfance que Kniesek raconte sont mis en parallèle avec son comportement violent. En voix off, Kniesek trouve la force d'agir dans les torts commis envers lui au passé (comme s'il utilisait ses souvenirs pour se motiver et se distraire). A l'écran, l'explication de ses actes trouve ses racines dans les mouvements erratiques et sans but d'un tueur animé par la peur (la Angst du titre est celle du personnage) et le goût pour la retrouver en l'autre. Loin d'être rationnel et raisonnable, Kniesek est dépeint comme un homme se laissant facilement submergé par ce qui l'entoure (comme le petit chien). Le récit provoque un trouble d'insécurité en suivant un tueur au caractère dangereux et imprévisible (il trouve ses moyens de tuer en improvisant) et ne choque que par la monstration des tortures infligées.



Angst a influencé des cinéastes tel Gaspar Noë qui l'avoue fièrement, et, probablement Michael Hanneke pour Funny Games qui raconte le même enfermement de victimes et de déchainement de violence en Autriche. Mais Angst a tout de l’œuvre matricielle pure et intacte racontant son histoire sans aspect poussif (il m'a même fait penser à un Orange Mécanique dépouillé en terme de discours sociétal, de costumes et de décors), et non pas dégradée par des auteurs en manque d'attention qui ont des discours méta-pompeux pour frimer intellectuellement, frileusement choquer et être invité gracieusement à Cannes. Angst peut être vécu comme un film intéressant à la forme pertinente et originale ou comme une œuvre arty moche et chiante comme la mort. C'est du 50-50.



Le film n'est plus difficile à trouver en France (il existe un DVD français aux éditions Carlotta sorti sous le titre Schizophrenia) dont voici la bande-annonce. Elle donne le ton de l'esthétique d'Angst :

2 commentaires:

  1. Trop horrible et laid pour moi celui-ci, pas ma tasse de thé.
    Mais ton article est intéressant et en parle fort bien.

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  2. Merci, j'ai voulu lui rendre de ce que le film donne ... il m'a parlé. C'est une œuvre d'un auteur généreux. Ça aurait pu virer à l'autisme mais non, il communique bien son propos

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