La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

lundi 19 septembre 2011

Bad Teacher, les souvenirs d'école et La Haine

Dimanche 18 Septembre 2011
Nostalgie


Je ne savais pas trop comment aller tourner cette soirée ni si j'allais écrire un article sur Bad Teacher avant de m'installer devant mais il se trouve que Bad Teacher a inspiré beaucoup de choses sur le thème de l'éducation.


Bad Teacher, Jake Kasdan, 2011, USA.

Je me suis planqué dans mon canapé et j'ai éteint le téléphone. Je ne voulais pas avoir à avouer ce que j'étais en train de faire. Malgré les mauvaises critiques, le spectacle d'une professeur indifférente au sort des élèves mettant tout son potentiel au service de son envie de petit ami (Justin Timberlake) m'a attiré. J'avais envie de me moquer du corps enseignant mais un trou noir m'a aspiré. Bien que Cameron Diaz multiplie des activités rentables en petites tenues pour collecter 10 000 dollars et se faire implanter des seins en silicone, le plaisir coupable auquel je m'attendais s'était transformé en ennui profond. Je ne pouvais pas réagir. Ce film sans relief ni vigueur a encouragé ma déconnexion du monde tangible.

D'autres œuvres cinématographiques traitant du sujet de l'instruction me sont revenus en mémoire. J'ai songé à ces nombreuses années infernales du collège, aux bons et mauvais profs que j'ai eu, à l'éducation de mes parents, aux cours du soir, à l'université, à l'école primaire, aux filles avec lesquelles je n'ai rien tenté. J'ai fait un tour sur Facebook, Twitter et ma boîte mail.

La bande son de Bad Teacher imprégnée de Judas Priest (groupe heavy metal des années 1970's et 1980's) me ramenait au bon souvenir de School of Rock (2004) avec Jack Black en professeur d'institution privée qui apprenait le rock aux élèves afin de lancer sa carrière de musicien. Il se découvrait une vocation et aidait des jeunes en culottes courtes à aimer se balancer sur de la musique lubrique et satanique. Même si Jack transmettait avec ferveur sa passion, personne ne l'a pris au sérieux pour mener des programmes éducatifs pour tous. School of Rock est cool.


Il en est de même pour Renaissance Man/Opération Shakespeare (1994). Il n'en est pas du tout de même pour Esprits rebelles (1995). Dans ces 2 films, les 2 individus (incarnés par Danny deVito et Michelle Pfeiffer) rappaient en classe pour ramener les brebis égarées de l'éducation nationale US dans le troupeau et faire découvrir la littérature américaine. Les 2 profs improvisés se mettaient au niveau de leurs élèves et faisaient, au passage, office d'assistante sociale. Ils essayaient de régler les problèmes familiaux des gosses en souffrance. Une catégorie de personnes devait se sentir visée. La stigmatisation était de rigueur. White trash, latinos illégaux et blacks dealers et membres de gangs, tout ce beau monde se devait de chanter pour apprécier l'école. Bonjour la démagogie. Entre rock, rap et faux nichons, L'USA d'Amérique est vraiment prêt à toutes les fourberies pour pousser un petit monde défavorisé vers le monde du travail pas fort payé et peu reconnu. Si je préfère Opération Shakespeare à Esprits rebelles, c'est pour la simple raison que Danny DeVito ne perd jamais vraiment le sourire alors que Michelle Pfeiffer joue les durs à cuire (j'ai toujours préféré l'éducation dans un gant de velours).



M'enfonçant un peu plus dans l'ennui devant Bad Teacher (j'essaie de raccrocher au film de temps en temps), mon esprit a opéré un détour par Le proviseur (1987) avec James Belushi qui, aidé par Louis Gosset Jr., était déterminé à renvoyer un élève-caïd-dealer de drogue de l'enceinte de son lycée pourri de banlieue aux grillages plus élevés que la réputation et les résultats des bacheliers du coin. Armé d'une batte de baseball et ivre au whisky, James conduisait une moto dans les couloirs pour rattraper les méchants jusque dans les douches. Un film qui a du faire rêver des motards en blouson cuir fan d'ordre et de respect de l'autorité. La méthode hollywoodienne de régler les problèmes de l'éducation nationale US était rigolote mais sa violence n'était rien comparée à celle de La journée de la jupe (2008) que je n'ai pas vu. Je n'en ai jamais eu envie. J'ai regardé la bande-annonce et m'en suis tenu à cela. Isabelle Adjani utilisait un pistolet pour faire étudier du Molière ou du Voltaire à des élèves insubordonnés. Le désespoir affiché par la violence comme méthode d'instruction résignée m'avait influencé à ne pas tenir compte de cette œuvre.

Si tu n'apprends pas ta leçon, je te tue !

A l'époque du Le cercle des poètes disparus (1989), mon père avait viré ma mère et moi de sa vie. J'étais en larmes chaque fois que je voyais la scène du "Au capitaine, mon capitaine !". J'ai du le voir 4 ou 5 fois (c'était une magnifique catharsis) et ne l'ai plus jamais visionné. Je n'en ai plus éprouvé le besoin. Je n'ai pas d'avis sur ce film autre que celui du bien qu'il m'a fait de voir un professeur, figure masculine d'autorité, se soucier du sort de ses élèves alors que je me faisais chahuter au collège par des crétins de camarades de classe qui n'ont jamais été puni et que mon père avait filé. Ces camarades du collège Henri Cassel, Jean-Philippe, Thomas et Sébastien Couasnon étaient des enculés de première qui trouvaient drôles de se moquer du poids et des cheveux longs d'un adolescent en dépression tout en faisant courir des rumeurs calomnieuses sur son homosexualité et une opération testiculaire (qui n'a jamais eu lieu). J'avais heureusement quelques potes : Vincent Avezard, Jérôme et Nicolas Romano avec qui se réfugier dans le délire hors du collège.

Je ne sais pas quel est le rapport avec La journée de la jupe ... J'étais un élève qui maintenait une moyenne de notes décentes et je fantasmais sur Claudia Schiffer, Mme Soligny, professeur d'allemand, et Mme André, professeur de latin ; toutes 2 de jolies rousses. Mme Soligny avait une belle ossature et une solide carrure. Son soutien-gorge devait porter une belle charge. Mme André avait des jambes délicieusement galbées. Elle mettait des pulls qui suggéraient une absence de soutien-gorge. Les cours de latin était un moment d'érotisme intense. J'aimais regarder sa jupe lors de ses croisements de jambes. Ça doit être ça le lien.

Difficile de regarder sous les jupes de la professeur sexy de latin quand on est debout sur son pupitre


Retour à Bad Teacher : tel film laisse sans voix ou tel film en a laissé beaucoup sans voix. Cette expression commune signifie que l’œuvre extraordinaire (pas Bad Teacher) transmet tant d'émotions que la raison ne développe aucun argument conscient pour partager son appréciation au cours d'une discussion. Tout cela me ramenait à La Haine et à la façon dont j'avais réagi car il m'avait laissé atone à l'époque.


La Haine, Mathieu Kassovitz, 1995, France.

A sa sortie au cinéma, j'avais 16 ans et La Haine m'avait laissé sans voix. Cette expression ne veut pas pour autant dire que je l'avais apprécié. Il ne m'avait rien inspiré d'autre que de l'indifférence.

Des jeunes de cité s'ennuyaient. Ils connaissaient quelques frictions avec des skinheads. Ils avaient des accointances criminelles. Ils créchaient chez leurs parents et occupaient leur temps comme ils pouvaient. Ils n'allaient pas en classe. Ils erraient entre Paris et sa banlieue. Sur fond de bavure policière, la colère grondait. Ils se faisaient malmener lors d'un interrogatoire proche de la torture. En fin de compte, un de ces jeunes tenait en joue un policier qui faisait de même.

L'ensemble résumé avait influencé en moi l'interprétation que La Haine était une vague justification de la loi du Talion et une volonté de jouer avec la peur des classes moyennes et bourgeoises (histoire de la France oblige, l'esprit "révolutionnaire" reste vivant depuis 1789) en alertant sur la possibilité d'une explosion des quartiers chauds. Mathieu Kassovitz jouait avec la peur du "noir armé en colère" pour alerter les masses. 12 ans après, le candidat UMP Nicolas Sarkozy proposait de nettoyer tout cela au karsher. La politique de la terreur fait toujours effet.

"Les fils de", Vincent Cassel et Mathieu Kassovitz, jouaient alors aux croisés de la bourgeoisie artistico-soucieuse. Ils étaient descendus à une station de RER hors de Paris et se l'étaient joués fils de milieu de prolos. Ils étaient contents. Ils ont été accepté le temps d'un film par les gars du coin. Ils ont su, en matière de cinoche, se positionner nationalement et internationalement sur un sujet "sensible" vaguement inexploité jusque là. Jean-Claude Brisseau avait réalisé De Bruit et de fureur en 1987 en captant l'absence de freins à la dérive vers la violence, l'immoral et le crime. Alain Corneau avait utilisé la banlieue comme décor pour Série Noire (1979) ; il y voyait un endroit désert propice au crime.

"Les deux fils de" ont rejoint l'intelligentsia parisienne proche d'Hollywood qui s'intéressait (et s'intéresse toujours) à la banlieue pour mieux la laisser à elle-même. L'image que La Haine renvoie était fondée sur une tentative de monstration-justification de ses travers (jusqu'à la rébellion : une mode sur laquelle ont également surfé Luc Besson avec Banlieue 13 et Jean-François Richet avec Ma 6-T va crak-er). C'est entre chômage des jeunes, achat de drogues par les enfants de classes aisées, brutalité policière et ses victimes que le malaise se situe, pas dans le risque de révolte.

Ils ont fait tout un film pour transmettre le message qu'à force de se faire taper, il y a des coups de bâton en retour à craindre. La Bible doit contenir ce genre de choses. En ce qui concerne la qualité cinématographique de La Haine, les plans sont bien léchés. Les travellings glissent sur de la vaseline. Le noir et blanc est joli. Il y a des références reconnues dans le monde entier. Mais, pour moi, La Haine était (et est toujours) un beau coup de pub pour leurs auteurs.

Si tu ne me respectes pas, je te tue !


Retour à Bad Teacher : prochainement, devrait sortir en salles un film avec Adrien Brody intitulé Detachment (2011, USA) qui m'intéresse fortement. La vision de l'enseignement se rapproche de la mienne. 



Ici, un lien vers un extrait de Detachment de Tony Kaye. Adrien Brody incarne Henry Barthes qui enseigne à des élèves ayant l'envie d'apprendre. Sur la base du volontariat, il vire sans ménagement ceux qui refusent l'éducation scolaire et prend en compte les comportements agressifs avec justesse. La date de sortie est malheureusement indéterminée.



Retour à Bad Teacher : Dans Graine de violence (1955) de Richard Brooks, auteur intellectuel de gauche engagé, Glenn Ford faisait face à une bande de lycéens qui agressait son épouse enceinte pour atteindre ce professeur dur comme la pierre. Au passage, Ford conseillait l'enseignement par l'image (en projetant des films) pour des jeunes qui ne croyaient plus en la transmission orale et écrite du savoir. Richard Brooks présentait des pistes intéressantes en terme d'instruction et en responsabilisant un jeune au charisme certain (Sidney Poitier) envers sa communauté et son quartier. Y songer me donne envie de le revoir.


... Retour sur Bad Teacher : Je devais avoir espéré quelque chose pour tenir la distance jusqu'à la scène où Justin Timberlake et Cameron Diaz en arrivassent enfin à leurs affaires. Je répète : Cameron a déployé de nombreux efforts afin de ramasser la somme de 10 000 dollars pour des implants mammaires avec le plan de s'envoyer Justin. Cameron se mettait en position de levrette. Justin s'installait derrière elle. Son truc sexuellement, c'était le tantra tout habillé. Ils mimaient donc l'acte. Cameron s'ennuyait profondément et Justin mouillait son caleçon ou son slip.

Cameron ne palpe pas davantage de formes rondes dans Bad Teacher que ce ballon de basket

Entre premiers émois sexuels, pulsions adolescentes, idéologies douteuses, alarmistes et ridicules, souvenirs du collège, souvenirs cinématographiques, temps passé sur le net et vœux personnels pour l'avenir, Bad Teacher rappelle que j'ai eu une adolescence merdique et que je n'ai pas emmerdé mes profs et mes camarades pour autant avec les problèmes familiaux. J'ai été digne. J'ai fait une dépression à la place. Où est donc passée l'époque où j'aurais du me faire dégrosser dans la joie et l'irresponsabilité ? Où est donc passée cette époque où j'aurais du être heureux et connaître mes premières cuites ? Moi, je vais vous le dire. Elle n'a jamais quitté le néant duquel elle devait sortir. Du coup, j'insulte Bad Teacher de tous les sales noms d'oiseaux car, s'il avait été un bon film, je n'aurais pas repensé à tout cela.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire