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Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

lundi 5 septembre 2011

Le rôle de sa vie

Lundi 5 Septembre 2011
Jour

Le rôle de sa vie, François Favrat, 2003, France.

La jaquette du DVD vend Le rôle de sa vie comme une "comédie acérée" (Le Monde) faisant chavirer de rire et vibrer d'émotion. Le film est "féroce, drôle et juste" (Studio), "réussi,[...] cruel, finement satirique [...]" (Elle) et montre "un jeu de fascination bien mené et finement interprété" (Télérama). Cinélive et Le Parisien lui ont accordé trois étoiles. Hormis le résumé de l'intrigue, seuls deux points sont en accord avec le long-métrage de François Favrat. La question posée est bien "Peut-on réellement se lier d'amitié avec une star ?", et, le talent des deux actrices Agnès Jaoui et Karin Viard est porteur. 

Le résumé : "Pigiste dans un journal de mode, Claire Rocher (K. Viard), rencontre Élisabeth Becker (A. Jaoui), une star de cinéma. Tout les sépare, leur caractère, leur rapport aux hommes, et bien sûr l'argent, la notoriété. Claire est engagée comme assistante personnelle d’Élisabeth, et sa vie s'en trouve bouleversée. Enthousiaste, Claire a peu à peu la sensation d'appartenir au cercle des intimes de l'actrice ..."

Une fois que le DVD a terminé sa ronde dans la platine,  Le rôle de sa vie a laissé tomber le masque. Les scénaristes ont creusé le fossé entre mordant et humour au point où ce dernier s'est évaporé dans les sillons de la pellicule. Ils ont laissé trop de place à la peinture écœurée de la star Élisabeth Becker sans souligner les aspects satiriques, dérisoires, ironiques, sarcastiques, répétitifs, absurdes, illogiques, paradoxaux ou contradictoires qui auraient pu permettre d'en rire. Cet effort n'est pas non plus travaillé dans la relation entre Claire et Élisabeth. La drôlerie n'intervient qu'à des moments éparses au long du récit afin de relever l'attention du spectateur, même si elle ne fonctionne pas car trop de noirceur fait de ce spectacle une source de dépit (énervé, Mathias parle à Claire avec un casque de moto / le colocataire de Claire mentionne Mathias comme un jardinier qui nage comme un poisson dans l'eau).

S'il pouvait s'en tenir à sa teneur dramatique, Le rôle de sa vie pourrait en tirer quelque qualité mais François Favrat se contente de filmer méthodiquement une influence se nouer et se dénouer. Rouage après rouage, la durée se fait sentir. Le rythme est lent. Le récit s'égraine au compte-gouttes. L'emploi du raccourci narratif est laissé de côté (où est donc l'influence de Billy Wilder citée par François Favrat dans les bonus DVD ?). Seuls des éléments de scènes sont mis en avant. Les auteurs traitent le récit par bribes en effleurant de manière superficielle la complexification dramaturgique. En d'autres termes, pour 1h38 de métrage, on a l'impression d'assister à une mini-série de 5 heures 30 sur France 3 dont la première partie a été diffusé le dimanche en avril pour accueillir fièrement le printemps et dont la seconde partie a été balancée un après-midi de la semaine sans prévenir pour remplir les conditions contractuelles de diffusion de seconde partie avant la fin du mois d'août.

Le romantique n'y a même pas sa place. Le début d'une histoire entre Claire et Mathias dans la chambre 87 ne peut pas se nouer car il renvoie à la pitié éprouvée par Mathias envers une Claire désespérée en amour. Cette piste narrative qui aurait pu être exploitée pour mener à davantage de rouages scénaristiques intéressants (dans le triangle amoureux Claire-Mathias-Elizabeth ; plus il y a de choses à cacher entre hommes et femmes, plus l'intrigue amoureuse est savoureuse) est mise de côté. Billy Wilder entremêlait romantique et dramatique (et romantique et comique) afin que les deux aspects soient inextricables et le spectacle captivant. Cet enrichissement est remplacé de façon simpliste par une brève mésentente tardive entre Claire, Mathias et son petit ami photographe : Mathias plote Claire et s'en va en s'excusant.

L'influence professionnelle mise en relation avec le devenir de Claire est présentée en jouant sur les points de vue des 2 protagonistes. Même si Le rôle de sa vie traite avec justesse ses 2 personnages féminins et les relations entre elles, cette alternance expose les virements de situation à venir. La surprise fait défaut au récit. François Favrat utilise trop de précaution pour ménager son audience et n'a pas assimilé les notions de suspense, de rythme, de sous-texte et de sous-entendus indispensables à une comédie qui traite d'un sujet portant aussi à la tragédie.

Même si Le rôle de sa vie est une œuvre lucide racontant l'histoire d'une désillusion et un film amer fondé sur des prétentions de drôlerie, il n'appartient pas à la catégorie des long-métrages dont on découvre un ou des éléments nouveaux à chaque vision mais à celle dont on découvre une nouvelle citation de magazine à chaque regard porté à la jaquette.

Le rôle de sa vie ou Comment se laisser vampiriser par une pancarte

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