La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

jeudi 22 septembre 2011

Tu seras mon fils

Mercredi 21 Septembre 2011
Soir

Tu seras mon fils, Gilles Legrand, 2010, France.

Il y a du gâchis en tout. Dans la récolte de raisin comme dans le cinéma. Malgré les qualités de Tu seras mon fils, le développement déçoit.

Un propriétaire de vignoble Paul de Marceul (Niels Arestrup) manœuvre en secret afin de léguer sa succession au fils Philippe (Nicolas Bridet) de son régisseur mourant François Amelot (Patrick Chesnay). Les opposants à ce marché d'adoption simple sont Martin (Lorànt Deutsch) et Alice de Marceul (Anne Marivin), le fils biologique et la belle-fille du viticole.

Tu seras mon fils traite du délitement des liens familiaux dont la racine du mal est l'argent. Le conflit pour l'héritage est fondé sur une opposition classique. Le modèle traditionnel du lègue héréditaire fait blocage au concept qualitatif de la mobilité professionnelle. Dans Tu seras mon fils, le talent est favorisé par Paul mais la descendance est en souffrance car Paul bride Martin qui ne peut pas prouver sa motivation et gagner en expérience.


Alors que la bande-annonce présente le père comme un monstre et le fils en victime, le récit de Tu seras mon fils s'établit sur d'autres bases.

Réputation d'excellence oblige, Paul de Marceul est un viticole exigeant. Il repousse Martin car il n'a pas de nez ni de connaissance du terrain alors que ce dernier cherche à s'imposer pour succéder à la direction du vignoble. Paul est méprisant et vexe Martin pour l'éloigner. Il montre sa générosité et l'étendue d'une fortune qui pourrait profiter à Philippe en optant pour la culture du vin Saint-Emilion. Il le présente comme son enfant lorsqu'il reçoit la Légion d'Honneur et compare Philippe à Martin en avantageant le premier. La jalousie entre les deux jeunes hommes s'installe et s'étend au père mourant de Philippe. François Amelot n'aime pas le changement. Il ne supporte pas l'idée que son fils puisse devenir propriétaire du domaine alors que, lui, a travaillé jusqu'à donner sa santé à son métier de régisseur.


On pourrait croire que je viens de décrire la première partie de Tu seras mon fils et que l'intrigue se développe par la suite en deux parties égales. Malheureusement, tout le scénario est ici retranscrit. 

Tu seras mon fils souffre d'un manque de concision dans sa présentation et son développement. Les mêmes éléments sont présentés de façon répétitive dans les deux premières parties. L'évolution est laborieusement lente. Les raccourcis narratifs sont inexistants. Rouage après rouage, les personnages et leurs relations sont exposés en continu. Les séquences s'enchaînent avec aisance mais des éléments de scènes sont présentées comme des scènes à part entière (Marcel prend la place au volant de son fils et installe Philippe à la place du mort). La complexification manque.

De plus, l'ensemble est déséquilibré. Alors que le rythme des deux premiers tiers du film est pénible, le récit s'achève brusquement. Même s'il révèle l'essentiel de ses secrets, le final enchaîne les faits trop rapidement et s'avère d'une symbolique maladroite. A ce point de l'histoire, le spectateur a compris que la terre d'un vignoble fait les hommes qui la travaillent, plutôt que les liens du sang. Commencer par un extrait important retranscrivant l'émotion de Martin fait perdre en profondeur les derniers instants de Tu seras mon fils. Ce morceau n'est malheureusement pas répété. Le final bâclé en est frustrant.


Tu seras mon fils repose sur trois points forts : le jeu des acteurs (Niels Arestrup en tête), la belle photographie d'Yves Angelo et la bataille de personnes dans la reproduction de systèmes qui divergent en intérêts. Le film est attachant et intelligent. Il manque en cruauté. Vu le potentiel du récit, le développement se perd à cause d'une décomposition de sa logique répétant, insistant et sur-exposant les mêmes éléments dramatiques. Le tragique est appuyé par la musique sans que la transmission de l'émotion ne soit travaillée au delà du jeu d'acteur et la thématique prend son ampleur trop tardivement et trop brièvement.

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