La sélection de Donc Acte !

Donc Acte ! ne suit pas l'actualité cinéma à la loupe. Donc Acte !, qui s'est intitulé Le cinéphobe pendant une courte période, n'a pas pour passe-temps de visionner des pelloches de cinoche. Donc Acte ! ne va pas souvent voir une œuvre en salles. L'envie est rare. Le plaisir est d'autant plus intense lorsque je suis satisfait par une rencontre du 7ème art. Certains films m'inspirent des réflexions ; c'est ce que je souhaite partager. Je ne propose pas de thèses et il m'arrive de gâcher les histoires en racontant la fin. Vu que je ne mets pas ce qui a été fait de l'invention des frères Lumière sur un piédestal et que je suis des fois moqueur, Donc Acte ! peut ne pas plaire.

jeudi 29 septembre 2011

Inception : énième partie

Mercredi 28 Septembre 2011
Soir

Inception, Christopher Nolan, 2010, USA.

Ce texte a pour objectif d'analyser la fin d'Inception durant laquelle Cobb retrouve ses enfants. L'objet totem vrille jusqu'au générique. Selon les règles édictées par Cobb : si la toupie tourne indéfiniment, le rêve n'est pas terminé. Des fans s'en sont emparés pour fantasmer de nombreuses interprétations. On s'amuse comme on peut. Ce dernier plan a donc été sujet à controverse. La question "Inception est-il un film de braquage ou un thriller psychologique ?" a rendu fou les internautes. Nolan s'est expliqué à ce propos dans une interview accordée à Wired en décembre 2010. Il ne levait pas le doute sur le doute pesant sur le final et sur l’œuvre (sa générosité d'homme de spectacle le pousse à entretenir les fans dans la joie de l'étripage).


La fin porteuse de polémique

Rappel : Jack Cobb et ses acolytes ont réussi l'inception durant un vol commercial de 11 heures. Son père l'attend à son arrivée à l'aéroport. Cobb retrouve ses enfants. Il fait néanmoins tourner la toupie sur la table à manger du salon pour s'assurer qu'il n'est pas en train de rêver ou qu'il n'a pas complètement lâché prise mentalement.

(les légendes des photogrammes sont importantes)

Jack Cobb retrouve sa famille ...
... mais le doute subsiste ...
... ainsi Cobb fait tourner le totem de Mal ...
... N'y a-t-il plus important que cette toupie ? ...
... son attention se détache de son totem ...
... sur ses enfants (cette image incite au doute car elle est répétée à plusieurs reprises dans les souvenirs revisités de Cobb) ...
... les spectateurs découvrent leurs visages ... une amorce en bas à droite souligne la présence du père de Cobb (Michael Caine) car il n'y a personne d'autre dans cette scène et dans le champ de vision de Cobb ...
... les enfants sont aussi heureux de retrouver leur papa ...
... Cobb court vers ses enfants. Son père, le grand-père, en témoin, tient la porte. Il sourit. Il n'apparaissait jamais auparavant dans les rêves et souvenirs de Cobb.
Pourquoi la mise en scène se concentre sur le père de Cobb ? Pourquoi serait-il heureux dans les rêves de son fils alors qu'ils se tournent le dos et que Cobb ne se focalise pas sur lui (Nolan souligne l'importance de mettre en phase le spectateur et le personnage principal pour jouer sur l'ambiguïté) ? Où est l'ambiguïté ici ? Si Cobb est toujours dans un rêve, l'information concernant la joie de son père (content de le voir retrouver ses enfants) soulignerait que Cobb souhaite l'exclure de son nouveau piège mental dans lequel il est heureux. Dans la théorie du thriller psychologique, Cobb guéri n'est pas un type sympa (faut dire il avait déjà tué sa femme).
... le doute a disparu ...
... mais la caméra se resserre sur la toupie ...
... elle tourne toujours ... elle vacille sur sa base ... la fin est-elle ouverte ou maladroite ?

Dans Le Prestige, la recherche de l'invisible conduisait à une perte de celui qui la menait. Le caractère infructueux de l'investigation soulignait que le magicien dévoilait tous ses secrets en utilisant des techniques usées jusqu'à la moelle déjà connues par Robert Angier incarné par Hugh Jackman avant son enquête et que l'obsession de découvrir l'impossible était peine perdue vu qu'il n'y avait aucun sombre secret. N'importe que la version en laquelle on veut bien croire (pourvu qu'elle ne mène pas à sa propre perte). Nolan ne joue-t-il pas au magicien prestigieux, au grand Nolan avec le spectateur d'Inception en faisant croire à un secret là où il n'y en a pas ?



Extrait du magazine Wired :

Nolan : Sometimes I think people lose the importance of the way the thing is staged with the spinning top at the end. Because the most important emotional thing is that Cobb’s not looking at it. He doesn’t care.
(Traduction)
Nolan : Quelques fois, je pense que les gens perdent l'importance de la façon dont les choses sont mises en scène avec la toupie à la fin. Car l'élément de plus important est émotionnel. Cobb n'y prête plus attention (en parlant de la toupie qui vrille). Ça ne l'intéresse plus.

Lui-même le souligne. De tous les théoriciens d'Inception, personne n'a vu que le metteur en scène anglais voulait souligner que Cobb ne craignait plus d'être piégé dans un rêve pour l'éternité. Dixit cet extrait de l'interview donnée à Wired, Nolan n'a pas réussi à communiquer l'idée qu'il voulait transmettre. Au messager de faire son mea culpa. Cependant, il s'y refuse. Quelle lecture est valable ? Nolan n'en valide aucune.

Wired : And the other is that it indicates that you as the audience member have to take a leap of faith and decide whether the ending of the movie is a dream or not. Would you talk about where on that spectrum you fall ? 
Nolan : I don’t think I can talk about that, no. The ambiguity is very much a part of the substance of the film—I’ll put it that way. The film does not specify one way or the other.
(Traduction)
Wired : [...] Voulez-vous parler de cette représentation à multiples interprétations ?
Nolan : Je ne pense pas que je puisse en parler, non. L'ambiguïté est trop partie intégrante du film. Je vais le dire de cette façon. Le film ne précise pas si la toupie tombe ou ne tombe pas.

Sur le sujet de l'ambiguïté des habits d'enfants (ils sont similaires mais différents) qui est à la base des différentes interprétations, Nolan préfère entretenir le doute. A quel but ? Un prestidigitateur cherche à se produire devant un public. Il veut remplir la salle. De nos jours, un "Grand Nolan" a davantage d'options : la VAD, le DVD, les rediffusions, la base des fans qui revoit le film en boucle, maintient le mythe en vie et le répand par le bouche-à-oreille. Maintenir le conflit sur les interprétations multiples alors que le dernier plan du film de braquage est raté prouve que Nolan s'appuie sur l'ambigüité comme démarche commerciale. Il essaie de conjuguer deux, trois, quatre, autant de genres nécessaires aux fans pour justifier de multiples visions d'Inception sous différents angles ! On s'amuse comme on peut. Cet article n'a pas pour but de juger toutes les variantes ou les besoins de variations des amoureux d'Inception.

Moi, je suis terre à terre. Malgré ses incohérences et ses défauts, j'ai raisonnablement apprécié la version braquage dont le premier degré m'a suffit. A ce sujet, ce dernier plan est une maladresse qui gâche l'ensemble. Car ce jet de possible révision de l’œuvre (alors que ce plan n'indique pas l'état d'amélioration de Cobb) est une ERREUR. Pour signifier que Cobb n'est plus attaché au regard sur la toupie, le plan aurait du partir de la toupie et se concentrer sur Cobb et ses enfants, voire il aurait fallu ne plus montrer du tout l'objet à partir du moment où Cobb s'en détache pour retrouver ses enfants. S'attarder dessus, c'est lever une ambiguïté inutile pour un récit d'action. La manipulation artistico-financière du spectateur pour faire revoir Inception sur le principe de l'illusoire chimère exprimé dans The Prestige prouve que la maladresse a conduit à une inversion synonyme de contre-sens.

L'intrigue d'Inception est cependant innovante et intéressante. Elle s'inscrit dans la lignée des films de Nolan que je préfère : Memento et The Prestige. Les motivations du personnage principal et la solidarité affichée par ses amis rendent le projet de braquage du subconscient attrayant et sympathique même si les moyens employés s'excusent d'un but à l'opposé de la bonté. Fin mise à part, dialogues trop pesant, manque de narration par l'image, mauvaise séquence à Mombasa, incohérence entre deux inceptions (Mal et fils héritier), Inception est une bonne idée et un riche divertissement. 

Quant au thriller psychologique, au drame humain teinté de science-fiction, voilà quelques questions : 1 : Où est Michael Caine dans l'avion ? Y a-t-il un fil partant de la valise qui se perd dans le décor (suggérant la présence du père de Cobb) alors qu'il attend à l'arrivée à l'aéroport au-delà des checkings de visa ? 2 : Quels éléments indiquent un soit-disant niveau supérieur de réalité qui est bien pratique pour ne pas considérer la fin comme seul niveau concret ?

3 commentaires:

  1. Moi je la trouve bizarre sa baraque ! Qui habite vraiment dans une baraque comme ça ?! C'est forcément encore un rêve à la con !

    RépondreSupprimer
  2. S'il est encore dans un rêve à la con, ça veut dire que ses enfants vont l'attendre pendant un bout de temps en vrai alors qu'il est prisonnier dans des limbes ou un rêve enchâssé dans un rêve où il est avec eux néanmoins ... bref ... Inception 2 est pour bientôt. S'il n'y a pas d'Inception 2, c'est que c'est bien un film de braquage.

    RépondreSupprimer